Les Baléares, paradis artificiels ? (19/08/2017)

0.JPGLes îles Baléares ont été un endroit que j'ai visité plusieurs fois pendant mon adolescence et plus tard...

Majorque: Juin 1959, juin 1962, juin 1966, mai 1985

Ibiza: Octobre 1979

Des souvenirs de jeunesse qui s'éloignent, donc...

Et pourtant, quelque part, ils restent parfois mieux cloisonnés dans la mémoire morte d'un processeur naturel...

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Je me suis retourné sur des documents touristiques de 1970 pour en parler.

0.JPGLe premier, "Mallorca" date de 1970 et présente une belle crique tranquille. Le prologue dit "L'île enchantée" dont les descriptions douées d'une force d'attraction puissante, captent les esprits sensibles aux beautés de la Nature qu'une pléiade de peintres réussissent à éterniser, sans jamais cesser de proclamer qu'ils avaient découvert l’Éden de leurs rêves dans l'enchantement des îles.

La grande Baléare a permis l'installation ordonnée de plusieurs villes importantes et de plus de soixante villages situés dans la plaine et dans la montagne.

Des monuments forment de nobles pierres avec le château de Bellver et la Cathédrale aux dentelles gothiques dont l'auteur apporte sa contribution en ces mots poétiques:

  Ile de paix dans les eaux reposées...Lumière vive, richesse, harmonie... Pierre précieuse où l'espoir a son nid... Refuge de l'Amour et de la Poésie... Temple dédié à la modération... Hymne à la beauté et à la chevalerie... Jardin où l'on cultive la louange... Traduite en règles qui subsistent... Miroir qui reflète mille couleurs... Sous la voute d'azur d'un ciel parfait... Qui vibre tout au long de l'Histoire... Toi l'amandier en fleurs, la corbeille fleurie... Qui flotte sur la mer, au monde ouvert... Majorque, antichambre de la gloire...

La baie de la ville se penchant sur la mer, le long de ses promenades et de ses jardins, peut se permettre le luxe d'élever sur ses bords de nouvelles constructions, sans que la vue ne lui en soit jamais cachée en perdant son caractère.

En feuilletant le guide, les souvenirs me reviennent et cette dernière constatation me laisse rêveur.

A une certaine époque, la baie de Palma était peut-être envahie d'une paix infinie, Cala Mayor conjuguait alors l'esprit commercial et touristique en restant fidèle à la nature, le port de Andraix avait les barques de pêche encore réfugiées inconnues des touristes, mais qu'en est-il aujourd'hui?

La chartreuse de Valldemosa est resté le seul lieu de souvenirs de romantisme.

Dans le nord, les rochers escarpés de la Torrent de Pareis, de Sa Calobra, d'Es Colomé menaient de la baie de Pollença au Cap de Formentor en pleine nature.

A Manacor, le commerce des perles permettait de faire une pause avant d'aller dans les immenses grottes de Drach et les grottes du Hams.

Tous ces noms de lieux me sont revenus en mémoire comme par enchantement.

Le 27 avril 1950, le premier Club Med  s'installait à Alcúdia, petit village de pécheurs au nord de l’île de Palma de Majorque.

Le Club Méditerranée a été créé en 1957 avec un trident, attribut de Poséidon et symbole de sa domination des mers. Le logo de trois à cinq tridents servait à labelliser le niveau de prestations des différents villages.

L'idée de village de vacances sans frontières était née de l'envie de créer une ambiance de "jeunes" sans un confort excessif avec du sports, la nature, la nourriture, la convivialité au programme sous des paillotes et des Gentils Organisateurs engagé pour les animations.

La chanson qui accueillait les nouveaux arrivants si je me souviens bien, était "Darla dirladada"... 

1959, une première visite à un hôtel à Palma Nova. Tout était calme et voluptueux.

Si ce Club Med est le plus connu, il n'est pas le seul.

Dans les années 60, les premières fois que j'ai mis les pieds sur cette belle île de Majorque, ce fut successivement dans deux Clubs de vacances, le Romantica et le Tropicana localisés à Porto Cristo et rien de tout cela ne semblait perturbé le calme de l'île.

Depuis, tout comme le Club Med, ces deux clubs s'orientent vers une montée en gamme de leurs prestations par un recentrage vers le métier de base qu'est l’hôtellerie et non plus, l'ambiance "cool" des voyages charters qui ont emprunté ensuite la voie du "low-cost" pour obtenir encore plus de touristes.

C'est dire que l'ambiance du "club de vacances" malgré sa longue histoire dérive à deux vitesses, lucrative ou très démocratique.

Pour mon retour sur l'île en mai 1985, il n'était plus question de Club de vacances, mais d'un séjour à l'hôtel.

La capitale Palma était déjà devenue un grand Luna Park destiné en grande partie aux touristes.

Des touristes ne quittent même plus leur hôtel, fournisseur de tous les amusements à domicile.

Ces "migrants" d'un nouveaux genre ont envahi Majorque pour passer du bon temps souvent à l'hôtel sans chercher le dépaysement ni à rencontrer les autochtones. 

Cela me fait encore bien plus penser à la chanson "Les touristes" sortie en 1969 de Jean-Claude Annoux  décédé en 2004.

L'affluence record de touristes fatigue Majorque

« Kale Borroka » devient « Turismo Borroka »

Dernièrement, Barcelone et Majorque, les touristes qui descendent en masse sur ces lieux de vacances ont été mal reçu avec une banderole a été déployée avec l’inscription : « Tourism is Killing Mallorca ».

« El turisme mata els burris ». (« Le tourisme tue nos quartiers »).

Les touristes sont devenus des têtes de Turcs par les séparatistes basques et les anarchistes catalans associés pour lutter contre le tourisme de masse perçu par les Espagnols comme la plus grande menace pour l’avenir.

Ces anarchistes catalans d'Arran menaient ces dernières semaines une première série d’actions violentes à Palma de Mallorca, des fumigènes ont été lancés contre des hôtels 5 étoiles, des vitres ont aussi été brisées et des pneus de vélos à louer ont été crevés à chaque coin de rue.

Majorque et Catalogne mixent leur destin dans l'histoire et aujourd'hui.

Si le tourisme apporte des devises, il est devenu envahissant par sa masse.

Il coûte presque plus qu'il ne rapporte, à la population locale qui voit les prix de la nourriture et des logements monter en flèche.

Majorque devient "la petite fille de Barcelone"

L'engorgement y est tel que le gel des attributions de licences hôtelières et des amendes pour les locations sauvages d'appartements y sont obligatoires.

Une sélection du type de touristes plus culturels pourrait-il ramener le calme?.

Une nouvelle fois, visitons l'île avec les artistes par leur histoire et par ceux qui y ont vécu des aventures personnelles.

Albert Camus est passé d'île en île dans les années 30.

 

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Ils y avaient trouvè un lieu à leur goût dans un autre temps souvent révolu où la lumière, la mer et le soleil ne seront plus là que pour un décor insensible à leur émotion.

Le peintre Joan Miro d'abord:

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L'écrivaine Georges Sand et

le compositeur Frédéric Chopin

lors d"Un hiver à Majorque"

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Puis, il y a la petite dernière de l'archipel, Minorque

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La vision des deux époques dans des circonstances différentes, apportent des caractéristiques de Majorque qui tranchent avec l'actualité.

Dans les années 60, la capitale Palma de Majorque était encore tout à fait agréable, calme et voluptueux.

En 1985, on sentait déjà un premier changement qui s'amorçait à Palama par le tourisme.

La campagne, Puerto de Soller était fréquentés par des touristes mais sous forme de lieux de paix et les touristes s'enthousiasmaient après la visite de la Chartreuse de Valldemosa.

Formentor affichait une paix royale sur la plage avec les montagnes en arrière-plan qui faisaient barrages naturels à leur horizon en opposition à la mer.


 

En 1979, ma visite de l'île voisine, Ibiza

0.JPGS'il faut parler de Ibiza avec admiration, cela devient beaucoup encore plus difficile...

Déjà en 1979, les coups de lune étaient plus dangereux que le soleil.

La capitale appelée "Villa blanca", est divisée en deux, la haute plus ancienne, Dalt Villa et la basse, la Marina.

Les hippies, les touristes et les habitants autochtones vêtus suivant la mode traditionnelle se croisaient naturellement avec une ironie sans arêtes blessantes.

Aujourd'hui, je lisais dans le Paris Match de la semaine dernière, qu'Ibiza était de plumes, de cuir et de résilles dans des nuits devenues plus longues que les jours.

Le "peace and love" des anciens hippies qui vendaient encens et babioles en lisant l'avenir dans les lignes de la main, s'est mué en "jet-setteurs", en clubs de fêtards du bar de la plage à la nuit qui, désormais, leur appartient en haute saison touristique.

Se réfugier dans le nord à Tallamanca, dans les calas de Portinatx, de Torrent et autres, San Francisco Javier comme on le faisait encore en 1979, je n'ose pas trop imaginer ce qu'elles sont devenues envahies par des hôtels dans tous les espaces disponibles.

Jacques Careuil y avait élu domicile après ses émissions à la RTB de "Feux vert" .

Retraité, il s'était adonné à l'élevage de chèvres et tenait un magasin de décoration.

Aujourd'hui, à 82 ans, il continue à vivre sa vie entre Ibiza et la Thaïlande mais bien à l'écart du tumulte qui s’intensifie en se rapprochant de la capitale devenue une île tout entière destinées aux clubbeurs.

En consultant son nom sur Wikipédia, je remarque qu'à mon article ""Feu vert à Jacques Careuil" s'ajoutait "l'homme est surtout connu pour ses prestations d'ingénierie culturelle".

Une transformation qui dénote un certain tournant par la culture pour sortir du tumulte de la ville ?

Tout comme à Benidorm mais sans les gratte-ciels, l'Espagne s'est trop tournée vers le tourisme de masse pour relever son économie avec seulement quelques vestiges d'endroits privilégiés accessibles seulement par une classe plus aisée.

Il ne faut pas bouder son plaisir. En cherchant bien certains coins sont probablement toujours aussi intéressants de visiter comme le montre "L'internaute".

Le film "Ibiza" vous dira un peu plus de l'ambiance.

Film en entier ou en bande annonce

 

Dans cette série de lieux des cinq îles qui composent l'archipel des Baléares, que sont Ibiza, Formentera, Majorque, Cabrera et Minorque.

Réputées pour la fiesta, ces îles n'en demeurent pas moins des destinations authentiques, dotées de magnifiques criques isolées, de plages de sable fin et d'une Grande Bleue merveilleuse...

Il suffit de sortir des endroits trop fréquentés pour découvrir la face cachée d'Ibiza, île à la mode des autres et pas des habitants qui essayent de maintenir l'authenticité de leur habitat.

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Mais si on désire la désire cette paix, à Ibiza, il suffit de descendre dans une grotte

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Barbet Schroeder y retrouve ce qu'il aimait: sortir de la foule

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Ibiza, une île qui a été l'objet de convoitise par les pirates et les corsaires

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Formentera a vu l'arrivée des premiers habitants de l'île et est aussi le dernier havre de paix.

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Depuis cette semaine, le tourisme espagnol est devenu la cible de choix du terrorisme.

La Rambla de Barcelone est connue pour sa fréquentation cosmopolite.

Le scénario de la voiture-bélier qui a percuté la foule, est testé testé et rodé.

Le climat de violence et de terreur crée un sentiment propice à apporter la peur qui par dépit, poussera les vacanciers à rester dans leurs pénates, voire dans leur cave en supprimant toute vie.

Le terrorisme aurait ainsi gagné en détruisant nos valeurs. .

La voiture-bélier est devenue un moyen d'expression de notre époque tourmentée qui ne parvient plus à se trouver un chemin en commun.

L'attentat de Barcelone signale la fin de la frivolité et des fanfaronnades des touristes dans un respect mutuel.

Les expressions et les touristes peints comme des terroristes ont trouvé un écho sinistre dans l’attaque du 17 août.

Le monde entier nous regarde pour savoir comment réagir à la souffrance de Barcelone après cet attentat sauvage, qui cherche à l’appauvrir et à détruire son statut de ville solidaire, ouverte et libre.

La résilience va devoir passer par plusieurs stades.

Actuellement, c'est la répétition de "No tenim por" ("nous n'avons pas peur" en catalan).

Pour consolider le débat sur la sécurité et le tourisme, peut-être faudrait-il revenir aux sources à la question "pourquoi nous partons en voyage?" quand le "toutouristiquement vôtre" est peut-être dépassé.

Le tourisme n'est pas responsable puisqu'il apporte la liberté, mais c'est sa masse qui constitue le véritable danger de trop plein.

 

Retour à ...

quelques photos d'une époque

où le numérique n'existait pas

et pendant laquelle

partir, c'était sans rien dire 

pour ne pas perturber

 

Eriofne,

 

Citations:

 

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