Rire pour résister (15/01/2025)
Après six semaines d'audiolib du livre de Michel Bussi "Les assassins de l'aube", qui se terminait par le souvenir du 7 janvier 2015 de Charlie Hebdo, ma constatation est qu'on peut rire de tout mais pas avec tout le monde. Les extrémismes existent de tous côtés.
Comment entrer en 2025 avec le goût acidulé qu'apporte le rire ?
Le Point Références consacre son nouveau numéro à une thématique intemporelle et puissante : l’humour comme outil de résistance. En résumé, il y est dit qu'il est une arme face à l’oppression, d’hier à aujourd’hui.
Explorer les multiples facettes du rire à travers des textes fondamentaux, des témoignages contemporains et des analyses éclairantes.
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Préface
Le 7 janvier, Charlie Hebdo publiait son numéro spécial et quelques dessins sur son site
De l’Antiquité à nos jours, le rire n’abolit pas l’oppression, mais il aide à mieux la supporter et, parfois, à y résister. Une arme pacifique mais redoutable, capable de redonner du souffle aux opprimés. L’humour juif fruit de persécutions séculaires, les blagues sous les régimes de Staline ou d’Hitler et l’ironie mordante en Ukraine aujourd’hui en sont de puissants exemples. Le rire est est dangereux pour les oppresseurs qui exigent de rester sérieux aux soumis en se montrant respectueux. Une blague bien troussée met les réactifs de son côté comme une base de communauté efficace en cas de combat. Il ressort au moment des Lumières du 18ème siècle au service du progrès et de la liberté.
Depuis l'Antiquité, l'homme s'est servi du rire pour se défendre, mais aussi pour se battre. Avec des mots d'esprit, des pièces de théâtre, des romans ou tout simplement des graffitis, des chansons, des dessins, comme le montre le nouvel opus du « Point Références », Rire pour résister. Rire, en effet, soulage – il semble que cela stimule la libération d'endorphines dans le cerveau et limite l'hormone du stress. Rien de tel donc qu'une bonne rigolade pour oublier les temps difficiles.
Quand le rire devient médicament
L'une d'elles raconte ainsi que, sous Brejnev, secrétaire du Parti communiste de 1964 à 1982, Marx descend du ciel et vient lui demander le droit de s'exprimer à la radio. « Allons, Léonid, je ne dirai qu'une phrase ! » assure l'auteur du Capital (1867), bréviaire de tout bon communiste. Brejnev cède finalement devant la détermination du Maître, et Karl Marx lance alors au micro de la radio, évidemment contrôlée par le Parti : « Prolétaires de tous les pays, excusez-moi ! » C'est qu'ils sont loin les lendemains qui chantent promis par le fameux « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous » du Manifeste du Parti communiste qu'il avait signé avec son copain Friedrich Engels en 1848.
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Un minimum de dignité
Face à l'oppression, la force de l'humour ou de l'ironie (plus vacharde), c'est d'instiller un peu de subversion. Certes, cela fait rarement chanceler les dictateurs ou cesser les massacres, mais cela permet de conserver un minimum de dignité. Ce n'est ainsi pas un hasard si, en 1905, Sigmund Freud, l'inventeur de la psychanalyse, publie "Le Mot d'esprit et ses rapports avec l'inconscient" en s'appuyant sur l'analyse de vingt-trois « histoires juives ». Fondé sur l'autodérision, l'humour « juif » tel qu'il s'est développé en Pologne, en Galicie ou en Ukraine, a, en effet, permis à une population discriminée et opprimée depuis des siècles de se consoler de ses malheurs en riant d'elle-même aussi bien que de ses oppresseurs.
La philosophie du rire selon Philippe Val
Le rire, quelle que soit sa forme, n'est cependant pas que défense, il peut aussi être une attaque qui, pour être pacifique, n'en est pas moins puissante. Pendant la guerre civile en Syrie et le califat de Daech, des groupes d'opposants syriens et kurdes ont réussi à mobiliser des milliers de personnes grâce à des vidéos satiriques qui ridiculisaient les discours extrémistes de leurs ennemis.
Une blague bien troussée met les rieurs de son côté et suscite la connivence. Elle crée un lien, posant potentiellement les bases d'une communauté qui peut se révéler efficace en cas de combat. Pendant la Terreur (1792-1794), l'humour pouvait ainsi sauver des têtes. À un accusateur public qui insiste pour utiliser sa particule, laquelle justifie évidemment son passage par la guillotine, un jeune aristocrate de 18 ans rétorque : « Citoyen accusateur public, je m'appelle Martainville et non pas de Martainville, tu dois bien le savoir, et que je suis ici pour être raccourci et non pas allongé ! » Rire de l'assemblée, et libération du prisonnier.
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Le rire pour entretenir le moral
Pendant la Seconde Guerre mondiale, c'est par la dérision et la moquerie que la Résistance, en France comme à Londres, a entretenu le moral des Français. Il s'agissait de lutter non seulement les armes à la main mais aussi par l'humour contre la propagande des Allemands et de Vichy. En France, le journal clandestin "Le Franc-Tireur" se fait ainsi une spécialité du détournement de sens. Sous la plume de ses rédacteurs, « Maréchal, nous voilà », l'hymne de la révolution nationale, le régime que le maréchal Pétain a voulu fonder sur les notions de Travail, de Famille, de Patrie, change de paroles : « Maréchal, halte là ! / Qu'as-tu fait du renom de la France ? ».
En Belgique, Le Soir a publié un faux Soir.
Dans le même temps, à Londres, Pierre Dac met au service de la France libre ses talents d'humoriste pour ridiculiser Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy de 1942 à 1944 et principal maître d'œuvre de la politique de collaboration avec l'Allemagne. Dans une interview fictive du 10 décembre 1943, il l'interroge : « Mais, c'est curieux, vous êtes tout humide, tout trempé. – Ben, n'est-ce pas, depuis trois ans, il a beaucoup plu, alors je me suis un peu mouillé. – Un peu ? Vous êtes modeste ; j'ai l'impression que vous êtes mouillé jusqu'au cou… »
Le rire résistant français est ironique, dur, méchant, fidèle en cela à une tradition de la satire, du persiflage et de la saillie, héritée de l'Ancien Régime. Mais l'humour à la française est également fils de la farce et du rire gras, et le rire anti-Vichy ou antinazi est aussi scatologique et grivois. Il n'est pas le seul. Dans les goulags soviétiques, les dirigeants du Parti subissaient toutes les avanies, avec des mots que nous ne répéterons pas ici.
La mort récente de J.M. Le Pen a généré des réactions totalement opposées dans la presse. "Contre le pluralisme. Maréchal me voilà".
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En Algérie, lors de la guerre civile, si on multiplie les « histoires drôles », c'est sur un ton encore plus féroce qu'on le ressent alors que le pays baigne dans le sang et l'humeur.
La « blague » glaçante lors de l'instauration du couvre-feu à 23 heures en 1992 à Alger, pendant laquelle un homme, qui a dû travailler tard, est encore dehors à 22 h 47. Une voiture de police s'arrête et un policier en sort, qui l'abat sans sommation. Ses deux collègues sont profondément choqués.
- Mais pourquoi as-tu fait cela ? Il n'était pas encore 23 heures.
– Et alors ? Je connaissais ce type. Il habitait près de chez moi, à l'autre bout de la ville. Il n'aurait jamais pu être chez lui à 23 heures ! ».
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Principe de sensibilité
Il n'en reste pas moins que le fait d'utiliser le rire pour un combat politique est toujours un exercice dangereux. Hongkong en a connu l'expérience depuis qu'elle est devenue chinoise : tous ses humoristes ont dû s'exiler ou renoncer à travailler. En Russie, les rigolos qui osent se moquer des politiques véreuses, sont passés à tabac, expulsés s'ils sont étrangers, ou emprisonnés. En démocratie européenne, le rire se coince dans la gorge. Au nom du principe de sensibilité, la liberté d'expression est en effet de plus en plus tenue sous contrôle, par la loi mais aussi par le poids des différents lobbys, de plus en plus sourcilleux.
Comme, au XVIIe siècle, Claude Le Petit avait été envoyé au bûcher à 23 ans pour avoir écrit le poème, "Le Bordel des Muses ou Les neuf pucelles putains", jugé blasphématoire. Les dessinateurs de Charlie Hebdo, dont on vient de commémorer le 10ème anniversaire, ont été assassinés le 7 janvier 2015 pour avoir publié des caricatures de Mahomet. Ils voulaient défendre la liberté d'expression et, à travers elle, la liberté de la presse. Cinq ans plus tard, sans intention de faire de l'humour mais pour former ses élèves, le professeur de collège, Samuel Paty, a montré en classe certaines de ces caricatures. Il a été décapité par un extrémiste musulman. L'humour est un sport à risque, et d'autant plus courageux sont ceux qui continuent de le pratiquer.
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L'humour, une drôle de thérapie (lien)
Samedi, ARTE présentait un documentaire avec ce titre.
Les adultes rient 20 fois par jour, les enfants jusqu'à 500 fois. Mais où commence l'humour et où s'arrête-t-il ? Et pourquoi trouve-t-on drôle quelque chose qui ne fait rire personne ? L'humour est éminemment subjectif et dépend beaucoup du contexte. Peut-on alors répondre de manière générale à la question : "Qu'est-ce qui est drôle ?" Le psychologue comportemental Peter McGraw tente de répondre à cette question.
2007: "Hommage à Bourvil, un pince-avec-rire"
2017 : "L'humour est un sujet trop sérieux pour le plier"
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La solution du Chat
Philippe Geluck, né en à Bruxelles est connu pour être l'auteur de la série de bandes dessinées "Le Chat". Acteur, écrivain, peintre et sculpteur, il a participé à plusieurs émissions télévisées en tant que chroniqueur, à l'émission "Vivement dimanche prochain" de Michel Drucker et en tant que sociétaire à l'émission "Les Grosses Têtes" de Laurent Ruquier.
Auteur du livre "Peut-on rire de tout".
Peut-on rire… du physique des gens, du malheur des autres, des pauvres, des riches, des vieux, des jeunes, des arabes, des juifs, des politiques, des autres, de soi-même, du Pape, de Dieu… ? A cette question, aussi longue que délicate, Philippe Geluck répond « oui », un grand « oui » qui se décline en nuances, en éclats de rire, en commentaires révoltés ou en exemples personnels. Le créateur du Chat évoque tous ces sujets « tabous », ces sujets qui « ne prêtent pas à rire » avec son ton, son impertinence, son envie toujours plus grande de rire des autres et de lui-même. Dans ce livre, Philippe Geluck interpelle le lecteur, l’invite à rire, à trouver par le rire la bonne distance, un regard neuf, à se méfier de ce qui « ne se fait pas », de ce qui « ne se dit pas » ou du politiquement correct.
J'ai déjà parlé de Philippe Geluck dans "Le Chat de Philippe Geluck dit tout sur tout".
J'ai photographié les Chats qui se sont installés dans le parc de Bruxelles.
Je possède le livre "Oh toi le Belge, ta gueule" dont il parlait dans l'interview à ce sujet avec ses 56 lettres destinées aux invités de Michel Drucker sur le divan rouge. Il parle de son livre dont le titre est affectueusement offert en écho à une réflexion de Alain Delon. Cette conversation date du 21 décembre 2003, a toujours été en sens unique, ponctuée par le dessin du Chat, comme Geluck l'écrit en postface de son livre. Comme j'ai prix l'habitude de lire à haute voix, voici son texte .
Son livre le plus récent "Tout est vrai" est beaucoup moins réservé à son "copain" Le Chat que d'habitude. Drôle et touchant, Philippe Geluck raconte sa propre vie par petits morceaux choisis, depuis l'enfance jusqu'aux coulisses de la télévision, en passant par ses rencontres de célébrités, ses doutes et même ses râteaux d'adolescent, il nous livre une avalanche d'anecdotes véridiques. Il nous rappelle les questions déconcertantes qu'il a osé poser à des artistes et des politiciens de renom. Il dévoile aussi quelques moments très émouvants de ses échanges avec le public.".
Le 14 décembre dernier, le "Weekend première" invitait Philippe Geluk pour la promo de son nouvel opus du Chat "Tout est vrai. Je le jure" qui avait cette fois, un goût plus personnel. Il était précédé par la philosophie de Matthieu Peletier
Le 18 aout 2024, Alain Delon a pris son envol vers d'autres cieux.
On se rappellera de lui encore souvent dans son rôle de César dans le film "Astérix aux Jeux Olympiques" : "Ave moi".
- En 2016, "Demain les chats"
- En 2019, "Sa Majesté des chats"
- 2020, "La Planète des chats"
Vendredi dernier, Anne-Claire Cognon faisait la promo de son livre "Ainsi sont les chats"
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L'esprit bruxellois
J'ai écrit plusieurs billets qui ont un lien avec le rire dans la catégorie "Parodie et humour" de ce site. Catégorie que je préfère écrire.
A de rares exceptions près, tous mes billets ont des podcasts d'humoristes. Ils transitent sur mon site via les cactus qui suivent l'actualité de très-très près.
Ce mercredi, Trump et les Village People
Opposé, Thomas Gunzig ne voulait pas être drôle.
Depuis juin, la région bruxelloise vit sans gouvernement, mais, tout se passait comme si on n'en avait besoin grâce à ses visiteurs de "Plaisirs d'hiver".
Il y a deux pièces de théâtre qui témoignent de cet esprit bruxellois et de sa bonhommie bruxelloise.
Toutes deux sont quelques fois reprogrammées au théâtre de Galerie à Bruxelles.
C'est un esprit bisounours, aimé par les Bruxellois, justement par son esprit naïf.
1. Bossemans et Coppenolle
Bossemans et Coppenolle, pièce de théâtre en streaming gratuit sur Auvio - Auvio
La pièce est repassée sur "La 3 belge" le 27 décembre.
Léontine Coppenolle et Violette Bossemans sont folles de foot et comme elles dominent leurs faibles compagnons, ceux-ci ne sont pas loin de partager leur folie, risquant de ruiner les espoirs de bonheur de leurs enfants respectifs, Georgette et Joseph. Avec Daniel Hanssens et Pierre Pigeolet dans les rôles de Bossemans et Coppenolle. Catherine Claeys, Nathalie Hugo, Vincent Doms, Camille Voglaire, Marc de Roy, Jean-Paul Clerbois, Denis Carpentier et Bernard Lefranc.
Pièce écrite par Paul Van Stalle et Joris d'Hanswyck en 1938, représentée à l'ouverture du théâtre du Vaudeville, représente une rivalité entre les deux grands clubs de football de l'époque, le Daring Club de Bruxelles et l'Union Saint-Gilloise avec leurs supporters étaient très " fanatiques " La Compagnie des Galeries apporte une suite en 1989 : Bossemans et Coppenolle à Hollyfoot au théâtre Molière. Dans ses quiproquos et ses répliques bon enfant devenues cultes, la pièce emporte un succès bruxellois et parisien, prémonitoire dans la mesure où elle annonçait l'engouement des foules pour le ballon rond. Aujourd'hui, malgré les répliques, connues par cœur par les spectateur, fait salle comble à chaque reprogrammation. L'ineffable Amélie Van Beneden, mieux connue sous le sobriquet de Madame Chapeau inventé par « les crapuleux de sa strotje »
La Fédération des Mutualités socialistes du Brabant lui a rendu hommage par une statue en bronze grandeur nature érigée à Bruxelles à l'angle de la rue du Midi et de la rue des Moineaux avec l'œuvre de l'artiste Tom Frantzen.
Gaston Schoukens a porté à l'écran "Madame Chapeau", le 2 décembre 1938. Des élections de Madame Chapeau s'organisent régulièrement.
2. Le Mariage de Mademoiselle Beulemans
Le Mariage de Mademoiselle Beulemans en streaming gratuit
Repassée le 3 janvier, sur "La 3" belge
Comédie en trois actes de Fernand Wicheler et Frantz Fonson, créée au théâtre de l'Olympia de Bruxelles le et reprise à Paris, au théâtre de la Renaissance, le .
Mêlant le français, le dialecte et la zwanze brusseleire, la pièce connut un franc succès en Belgique et à l'étranger dès sa création. Partie intégrante du folklore bruxellois, elle fait toujours l'objet de reprises régulières. Parmi de nombreux interprètes, Gustave Libeau et Jacques Lippe et Christiane Lenain ont imprimé leur personnalité à cette pièce.
La pièce se déroule à Bruxelles. Suzanne Beulemans, fille d'un riche brasseur, est promise en mariage à Séraphin Meulemeester, fils d'un brasseur concurrent. Le jeune homme et son père apparaissent l'un et l'autre particulièrement motivés par la dot de la jeune fiancée. Séraphin a un concurrent en la personne d'Albert Delpierre, un jeune Parisien en stage à la brasserie Beulemans, discrètement épris de la jeune fille. Albert reçoit une confidence de Séraphin qui lui apprend qu'il a une liaison avec une ouvrière avec laquelle il a eu un enfant. Il promet à Séraphin de n'en rien dévoiler à Suzanne, mais celle-ci en est informée par Isabelle, la servante de la maison.
Mlle Beulemans rompt alors ses fiançailles avec Séraphin. Cette rupture entraine celle des deux brasseurs qui vont alors s'affronter pour la présidence d'honneur de la Société mutuelle des employés de brasseries. Au dernier acte, Suzanne et Albert s'ingénient à favoriser l'élection de Beulemans ce qui va remplir ce dernier d'une profonde gratitude vis-à-vis d'Albert.