Le triomphe des gentils ? (09/07/2013)

0.jpgLe rédacteur en chef adjoint de mon journal télé, disait dans son éditorial "Faut-il montrer les dents pour se faire une place au soleil ? Faut-il écraser l'autre pour séduire les foules ? Faut-il devenir le chantre de l'individualisme pour écraser la concurrence malgré les trop nombreux exemples assénés par la réalité ?"

"Non, heureusement, non", concluait-il.  

Rappelons qu'être gentil, c'est être bienveillant d'après la définition du Larousse et de Wikipedia. 

Plus naturelle, plus immédiate, l'empathie cognitive serait bien plus profitable que la gentillesse qui ne veut rien dire à priori et qui ne se mesure qu'à la longue.

'Méfiez-vous quand un politicien emploie le mot "juste"'. "Il explique que les politiciens répètent à l’envi le mot « juste » parce qu’il implique qu’ils font de leur mieux pour tous et que personne ne sera victime de discrimination.", était-il dit sous le lien. 

Tout comme le mot "juste", le mot "gentil" ne vaut guère plus dans l'échelle des mots fourre-tout.

Pour étayer la couverture 'Le triomphe des 'gentils"', dans un article, étaient cités Christophe Maé et Zaz qui chantent le bonheur qui mène au succès.

Le secret : 'Une vie personnelle et médiatique, saine mais qui ne suffit pas à constituer un gage de longévité, mais qui y contribue et un été ludique, garanti sans égoïsme ni violence", était-il déclaré. 

A lire les commentaires du billet, cela ne semblait pas être en faveur de Nabilla qualifiée de "Pauvre Nabilla. Pauvre cruche...". Constater que : "elle dit tout haut ce que l'écrasante majorité de la population murmure honteusement tout bas.", apportait une conclusion ou peut-être une constatation à double sens.

La rédactrice en chef du même journal s'indignait dans un autre édito parce que Nabilla était malmenée sur un plateau de télé, ne comprenant rien à l'humour de Stéphane De Groodt. Un petit mail, de ma part à la rédactrice, envoyé pour dire, qu'être béate d'admiration, n'était pas vraiment de circonstance. Mon droit de réponse est resté sans réponse, bien entendu.  

Dans le choc Nabilla-De Groodt, nous étions spectateur d'une rencontre du troisième type dans un surréalisme en 4D qui ne pouvait plus se comprendre.

Un esprit saint dans un corps avec deux seins.   

Récemment, Stéphane De Groodt joutait le rôle principal dans la pièce "Le Prénom" aux Galeries. Il était parfaitement dans son rôle et fut applaudi comme il se doit.

De l'humour incisif dont il faisait preuve, j'en redemande.

"Tout le monde est beau, tout le monde est gentil", une réflexion contradictoire me revenait à l'esprit.

A relire "Non, mais allô quoi, Fakebook", cela semblait aller aussi dans le même sens, avec des amis, sinon rien. 

Oh le monde est beau,
Ils font partie du même réseau
Oh le monde est beau,
Chaque jour on est plus nombreux
A être seul dans le bateau

Le match de la compétition de notre société serait-il dans les oubliettes ? Match dans lequel, en fonction de l'éducation, des "juges d'occasion" désignent un gagnant et un perdant. Dans un monde où chacun se trouve dans une lutte d'influence, faudra s'accrocher quand la tempête souffle.

Pendant, les vacances essayons de colmater la brèche entre rêve "aimez-vous les uns les autres" et le "choc des réalités".

Pour en revenir à Zaz, à lire ce qui s'est passé lors de "Couleur Café" à son sujet, le rêve éveillé ne semblait pas être garanti sur facture. La description de l'événement était plutôt très négative "En musique, comme en tennis, il y a des jours sans, des concerts se transformant en cataclysmes parce que les cieux en ont décidé ainsi. ZAZ, samedi soir, a livré une prestation qu’elle voudra oublier au plus tôt. Tout a commencé par un trou de mémoire comme on en souhaite à aucun artiste. Car ce n’était pas un petit trou – un mot ou une phrase oubliée vite remplacée par nanana – mais un cratère. Car c’est quasiment toute la chanson qu’a perdue la chanteuse française. Elle l’aurait écrite elle-même, ceci dit (et non pas Mickaël Furnon qui lui a fait un joli cadeau), ce ne serait peut-être pas arrivé. Mais bon, sans se départir de son sourire, s’excusant, elle s’en est allée pour revenir et terminer tant bien que mal la chanson. ZAZ se concentre, transpire beaucoup, le rire est de plus en plus crispé et les bonds, nerveux mais les minutes suivantes se passent pas trop mal jusqu’à “Je veux” qui fait très plaisir au public. Et puis, vlan, voilà la technique qui la lâche. ZAZ tente de remplir le vide en demandant au public de chanter mais le divise approximativement en quatre. “Allez, jouez le jeu“, tente-t-elle encore désespérément pour sauver ce qui pouvait l’être. Elle n’abandonnera, vaincue, qu’une fois le problème résolu. Les chansons jazzy, davantage faites pour de petites salles, passent difficilement, tout comme les finesses instrumentales d’un groupe solide.".

Ne pas faire d'erreurs est un mythe mais le risque s'accroit quand on croit que tout est gagné d'avance et qu'on ne s'assure pas des préparatifs à tous les étages. 

0.jpgRevendiquer le droit à l'erreur mais plaindre la récidive, plus lourde de conséquences. 

"Je voudrais bien, mais je peux point" comme le chantait, justement, la Bonne du curé.

Cela ne suffit pas de chanter "Je veux" si on ne le pense pas comme un leitmotiv et qu'on n'ait pas mis toutes les chances de son côté pour y arriver. Que la composition de la chanson vienne par une personne interposée et soit interprétée, n'est pas un problème. 

0.jpgJohnny Halliday ne fait qu'interpréter des chansons de paroliers, mais c'est par entremise d'un certain brio qui plait à des générations différentes. Son show lors de ses 70 ans était une preuve que tout était minutieusement organisé pour s'en assurer. Ce n'était pas, du tout, le chanteur-interprète que je critiquais dans cet article.   

"J'aime rêver" dit Zaz. Mais la scène n'est pas du rêve en boîte, c'est un travail comme un autre qui doit être ficelé comme du papier à musique. 

Avoir écoulé 1,8 millions de disques, trois ans plus tard, n'est que la confirmation du succès. Après il faut tenir le cap et le gouvernail.

Zaz, de son vrai nom, Isabelle Geffroy, a vécu des années de galère. Sa chanson fétiche l'a propulsé aux nues avec la Victoire de la musique en 2011. Était-ce le trop plein de succès d'un coup et trop dur à assumer dans la longueur ?

Pour que "Recto verso", le dernier album fonctionne avec des hymnes à la vie, à la fraternité, des chansons naïves bourrées d'émotions, teintées d'antimorosité, il faut pouvoir sortir du microsillon dans lequel on échoue tôt ou tard sans se renouveler.

Les gens se lassent vite, très vite, peut-être trop. La vie n'est pas une routine ni dans le succès, ni dans la galère.

Être soi, c'est aussi, apprendre à jouer à quelqu'un d'autre, à l'interpréter comme dans une pièce de théâtre avec des rôles multiples. Avoir des paroliers comme Goldman, Aznavour, Grand Corps Malade, et d'autres, ce sont de bons départs.  

"D'autres chanteurs ont joué les grillons champêtresLa rue, les pianos-bars, les métros, les restos comme Piaf, Renaud, Souchon, Winston, Brillant, Ségara, Maurane... pour déverser une mélancolie, à raconter sa vie avec humilité". Puis, miracle, une chance, que quelqu'un repère la "perle rare". "Je me voyais déjà" chantait Aznavour. Rêver d'être "Le chanteur" pour Balavoine.

Galérer est une bonne manière de commencer et monter sur le train du succès grise mais ne rassure pas pour la suite pour le commun des mortels et encore moins dans le showbiz.

"Très chère originalité" ai-je écrit, il y a longtemps. Le showbiz y était mentionné. Les découvreurs de talents aussi. La gentillesse, non.

La chanson "Si je perds" que chante Zaz, traite d'une femme atteinte d'Alzheimer, est un risque à courir mais qui sera comprise si l'interprétation va de pair.  

Produire, c'est risquer et considérer, du moins dans sa tête, que ce qui vient après devra toujours être meilleur que ce qui précédait. Les bides existent et doivent exister. 

"Les joyeux guérissent toujours", lançait Rabelais.

Et il avait raison, c'est exactement ma manière de fonctionner en jouant à "l'enfoiré".

La phrase de Rabelais a été reprise comme titre d'un livre de Patrick Sebastien qui en a fait "sa maxime de vie pour faire face aux chagrins, aux blessures, aux deuils, aux défaites et aux trahisons que nous inflige la vie", comme il le disait.

Là, je suis d'accord à 100% et j'ai survolé son livre.

Il écrivait : "Être drôle, c'est être regardé dans l’œil dédaigneux comme un clone regarde un clown. Le stress tue des milliers de personnes chaque jour d'une manière comme une autre. Le sourire comme seule vie passe par le parasitisme, la tromperie, la fuite, le faux-semblant et la séduction.". 

Auditeur fidèle des "Cafés serrés" avec, ce qu'il faut bien appeler, sa bande d'enfoirés, j'adore.

Pas de "best of" pour la dernière de Gunzig, mais l’angoisse de ne pas revenir :
podcast

Une crise d'angoisse en pensant aux risques qu'apporterait l'avenir et ce fut la bonne idée d'imaginer les événements du futur à l'avance. Dans les relations humaines, les échanges de bons ou de mauvais procédés se passent mieux en riant un bon coup.

La nature est amorale, sans cruauté, sans bonté. Ok.

L'homme s'adapte aux circonstances et à son environnement dans une compétition de la survie.

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Au travers d'une coopération organisée, les choses changent pour lui, sous le couvert de la démocratie et de la loi du nombre, comme des dominos, les uns entraînant les autres, transformant l'évolution en révolution. 

Comment pouvait-on penser que la situation économique allait s'améliorer après avoir instauré un régime plus religieux, moins laïc quand 11,3% du PIB du pays se greffe sur le tourisme ? Il vaut mieux s'attirer des relations emblématiques générales que des gentillesses symboliques et religieuses trop particulières. Louxor en devient une ville fantôme, une conclusion logique. 

"La seconde révolution égyptienne en 10 phases et une plaisanterie" : « Nasser, el-Sadate et Moubarak ont tous essayé de se débarrasser des Frères musulmans, mais seul Morsi y est parvenu ».

Quant au Pape François, il fustige l'indifférence face aux migrants à Lampedusa, offre une messe par gentillesse. Est-ce une manière d'inviter au Saint-Siège ? 

Les gentils ne sont peut-être pas ceux que l'on croit, en définitive. Etre gentil est, tout autant, un jeu d'influence de meneurs. Rappelons que dans le discours biblique, le terme Gentils désigne les non-Juifs. Tout se mélange, s'imbrique.

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Un gentil serait-il celui qui reste dans l'ombre ?

Pierre Dac disait, avec raison, « Dans le monde affairiste du show business, il n’est pas nécessaire d’être bon musicien pour bien connaître la musique. ».

Si regarder dans la même direction que les autres, c'est être considéré gentil, cela ne veut pas dire qu'il faille toujours se conformer sans être pleinement conscient de ce qu'il en adviendra ensuite dans la pratique. Un esprit grégaire le prendrait sans réfléchir quitte à se retrouver en porte-à-faux et rechercher un répondant, un porte-parole dans tous les cas de déchirures de l'image de départ. 

A garder le sourire, c'est, au moins, une personne qui peut se considérer comme heureuse: son image dans le miroir. Mais, ce n'est pas un triomphe à l'y rechercher indéfiniment...

Dans le "Bûcher des vaniteux 2", le polémiqueur, Eric Zemmour reprenait les événements de 2012. (j'en avais parlé dans l'article précédent mais pour la version de 2011)

0.jpgAu dos du livre, il écrivait "Ils ont gagné. Ils sont le bien, le juste, le bon. La victoire du progrès sur la réaction de la lumière sur l'obscurité, du peuple sur la bourgeoisie, ni s'ils sont les nouveaux bourgeois, que le peuple a abandonné depuis longtemps. Ils ont gagné et la réalité n'a qu'à bien se tenir. Les nations, les frontières, les sexes n'existent plus, seuls les impôts existent. Ils ont gagné et les méchants peuvent trembler et les bons se rassurer, les méchants se taire et les bons sans terre, sans voix, sans visage, parler, si ce n'est celui de la haine de tous les mots qui se terminent par "-phobes". Toujours la même histoire folle plein de bruits, de fureurs, contée par un idiot. Mais l'idiot, c'est moi".

Il y a l'art d'être méchant comme il y a la déchéance à être trop gentil.

Je ne partage pas toutes les idées de celui qui se dit "idiot" mais il est vrai que, pour la plupart, l'homme n'existe plus en tant qu'entité simple.

Il s'est vu obliger de s'harmoniser sous le sceau de la démocratie qui fera tout bien à sa place, alors que, parfois, cette démocratie devient l'alibi de toutes les démagogies, de toutes les régressions et de tous les renoncements.

0.jpgLa démocratie lisse tout sur son passage et se fout royalement des minorités. La charia est, pour certains, une autre démocratie, qui déiste ne fait guère mieux en s'attirant les bonnes grâces spirituelles. 

Alors, l'homme choisit son clan, son parti et se dit content, conscient d'avoir ainsi fait son devoir. Être interlocuteur observateur, critique qui ne prend pas parti, ne suffit plus à ce genre de concitoyens. Il doit se sentir épaulé pour prendre une décision.

0.jpg"Ce n'est pas parce que tout le monde est dans l'erreur que tout devient vrai", une phrase qui me revient bien à propos.

L'égocentrisme est considéré comme mauvais. La solidarité et le social sont parmi les bons, car tout doit rester gratuit en "All inclusive" et en gardant, en plus, le "Team spirit".

Cela ne sert, peut-être, à rien pour celui qui est le plus intéressé mais cela peut rapporter gros en dehors de lui.

Cesser d'être gentil, commencer par être vrai dans le corps et en esprit, une sagesse qui vaut ce qu'elle vaut, mais qui, au moins, n'a pas besoin de souffrir de l'opinion démocratiquement vôtre.

La nature est paradoxale, pourquoi l'homme ne le serait-il pas ? Mais il y a un art de ne pas être gentil.

L'empathie cognitive ne tient pas compte des dichotomies du diable contre le saint, du bien contre le mal, de la gauche contre la droite, mais demande une remontée aux sources pour éviter les écueils et les effets secondaires.

Alors, pour finir, une vieille chanson, un spectacle permanent...


L'enfoiré,

 

Citations:

  • « Sagesse, beauté et gentillesse ne font bouillir aucun chaudron. », Proverbe français
  • « La gentillesse s’improvise et l’agressivité se prépare. », Philippe Bouvard
  • « L'empathie est une vertu publique obligée alors que l'indifférence est un vice privé. », Jean Dion
  • « Il faut avoir le plaisir de l'autre mais pas le besoin », De Kersauson

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