Une semaine en nuances vert de gris (10/05/2015)

0.jpgLe livre de Bruno Colmant "Cinquante nuances d'aigris" m'a inspiré. Une série de touches personnelles à revivre par l'intermédiaire de mes propres souvenirs dans un scénario parfois très similaire dans ce qu'on appelle "managment" dans la langue de Shakespeare. 

Dans son livre, Bruno Colmant définit la crise comme le plus grand "krach" de l'histoire financière avec des déflagrations au ras des chiffres qui, en "shrapnels", déchirent sans tuer. Le capitalisme grimaçant de douleur a pulvérisé l'avenir espéré confortable.
C
inquante scènes 
croquées grinçantes, tendres ou tristes s'en sont suivies pour exorciser, apporter un espoir et une désillusion aux structures qui joignent l'utile à l'agréable, capables de dépasser les plus belles utopies.
A
uto-critique d'un repenti du capitalisme comme je l'avais déduit dans un chapitre de "Débat interactif ou radioactif".
J
e retrouvais des situations souvent identiques dans le monde du numérique dans la carrière d'un développeur informatique avec souvent des connotations tout aussi anglophones.
L
e livre m'a évidemment fait penser à pasticher mon management entre le marteau et l'enclume avec l'aide de l'humour et des chansons...

...

Une semaine condensée en nuances vert de gris

Un lundi d'hiver 06h00 : Que c'est triste Zaventem en hiver...

Non, ce n'est pas l'impression d'un départ pour Venise que cela donne. Passer des vacances en été dans l'aéroport pour aller à London alors que c'est hiver, c'est même tout autre.
Ni neige, ni piste de ski à London.

0.jpg- Un moment du doute, des peurs et des désuètes vanités, ponctué par le reflet des néons qui n'arrivent plus à en détacher l'abyssales tristesse", écrivait Bruno.
Dans la salle VIP, les voyageurs "hommes d'affaires", sont là, bien décider à empoigner la vie.
Je ne suis pas un "homme d'affaires" même si je m'y voyais déjà, le cœur léger et le bagage mince déjà dans les soutes à bagages.
Aujourd'hui, dans son coin, chacun sort l'iPhone, le netbook, la tablette dernier cri de la techno pour se donner une contenance puisque fumer n'est plus permis dans les pas-perdus des lieux publics.
Le verre de jus d'orange, le café généreusement offerts.
Vite un dernier regard avant d'entrer dans le cockpit et de s'engouffrer dans l'avion avec le ticket numéroté à la main.
- Oui, j'ai été chercher une bouteille au free-shop. Non, tu ne vas pas croire que j'ai tout dévalisé. Il n'y a pas qu'un mini-box à bagage au-dessus de ta tête qu'il faut partager avec tes voisins, même s'il y a du risque de confusion en place nécessaire.

- Un journal, Monsieur? Laatste Nieuws ou Libre Belgique. Je n'ai plus de Soir. Nous avons un peu de retard, dit l’hôtesse d’accueil alors que le steward s'affaire pour installer les passagers à la bonne place numérotée correspondante au billet.
- Un problème de moteur ?
- Non, l'avion a sauté son tour. Faudra attendre le suivant.
Le suivant ? Quel suivant ?
Le timing du décollage était dépassé, idiot...
On avait raté le "slot"...
Pas vraiment le 'slot' français qui veut dire 'enclave' dans une zone des patinoires de hockey sur glace. Le slot horaire...
Quoique, cela aurait pu l'être...
Patience et longueur de temps, fait plus que.... (je ne me souviens plus du reste de la citation).
La fable me revient plus facilement : "Rien ne sert de courir. Il faut partir à point".
Une fois en l'air, tout s'accélère pour rattraper ce temps perdu. Les hôtesses s'empressent de servir la collation avant que l'appareil n'entame la procédure d'atterrissage. Pas la peine de défaire sa ceinture de sécurité. La toilette, c'est vraiment pour ceux qui, pressés, ont raté la procédure de "vidage" au VIP room. Tout va décidément vite. A peine arrivé au sommet de la parabole, voilà que l'avion redescend déjà.
Au moment de toucher le sol, personne n'applaudit.
Faut pas rêver, ce sont des habitués en vol régulier et pas des touristes en charter.
Pour les hommes d'affaires, les voyages ne font plus la jeunesse, mais forment le statut de l'homme pressé. Les vieux eux, assument comme les autres, sans mots dire.
Passer à la douane dans la bonne file de sortie, ils connaissent. Ce sont des pros qui agissent par automatisme.
Pas besoin de perdre du temps pour récupérer les valises.
Le temps, c'est... de l'argent.
Un coup d’œil à chercher le "captain taxicap" qui attend avec une pancarte, pour m'emporter.
On ne va pas se formaliser pour une faute d'orthographe dans le nom. Les à-peu-près suffisent ou, pire, sont de rigueur.
Attention, tout est inversé par ici.
Ne pas prendre la place à droite du Captain dans la voiture. C'est mal vu. On roule à gauche et le volant est à droite.
Pas question de jouer la scène du "car jacking".
Pas besoin, non plus, de beaucoup parler au Captain. Il sait où aller.
Comme d'habitude, le temps hivernal s'il ne refroidit pas London, il la mouille.
De quoi pourrait-on parler ? De Queen Elizabeth ? Une bonne idée. On aime par ici.
Arrivé à destination, les cadres sont là, parfois quelques encadrés, et entourent le tableau.
Ils piaffent déjà d'impatience.
Encore, cinq minutes d'attente pour les retardataires et la journée commence sur les chapeaux de roue.
Pas de chapeau melon et bottes de cuirs, bien entendu.
Je ne vous raconte pas la suite, vous ne comprendriez pas tout. Moi-même, je ne suis pas sûr d'avoir tout compris.
Dieu Berlitz, priez pour nous.

"British ou globish, on board".
Il s'agit d'être attentif. 

0.jpgPas à dire, ils parlent vite et ne rigolent pas de l'autre côté de cette Manche. Ils sont encore plus pragmatiques vus de près que de loin.
Leur humour anglais se trouve dans leurs chaussettes trouées.
Puis, un Indien qui a débroussaillé la nouvelle application, prend la parole.
Il a pris le relais et de plus en plus de champ dans les développements et leurs shows.
Sa culture post-occidentalisée n'est pas passée par l'Assimil mais par l'Aussimal glob-hindish à couper les syllabes avec un couteau mal aiguisé pour en faire de le hachis parmentier dont on ne voit pas les césures au bon endroit.
Un peu de colle-à-mots et un peu plus d'attention, cela fera une compréhension qui atteindra quelques 65%.
Chez lui, ça roule à la compétence "turbotrain" avec son propre réseau d'informations.
Puis, ce sont les tests pratiques.
Comme d'habitude, les PC de démonstrations sont à la traîne.
Il ne faut pas accuser le soft qui est trop mou, mais les communications qui souffrent d'un mal incurable : les virus et les anti-virus pongistes qui jouent au ping-pong.
Tilt. Un bug ("Besoin Urgent de Goaler") à régler en remettant une thune dans le bastringue en priant Shiva qui est là pour que le problème ne se repose plus.
Camoufler sans paniquer 24 heures sur 24 en brisant les fuseaux horaires pour assurer son avenir, il connait.
Il fourbit son expérience et préviendra son réseau de l'interruption inopinée.
Les participants n'osent pas lui couper la parole. Ce serait un gage de mauvaise instruction et d'ignorance de la stratégie. Cela peut coûter des points malus sur la carte de pointage.
Le jeu de l'offre et de la demande est exposé dans un menu à l'échelle mondiale.
En entrée, probablement une présentation du nouveau projet.
Puis le plat de résistance. Ne sommes-nous pas dans un pays de sandwiches ? Un déjeuner frugal pour déguster au mieux le nouveau bijou de la techno "softwardique".

0.jpgLe dessert, lui, sera tout sourire avec les petits gâteaux en gélatine qu'il ne faudra pas trop secouer pour ne pas effrayer le présentateur du logiciel.
Au pousse-café, la rencontre du troisième type avec la vedette américaine qui a développé le schmilblick dont on avait parlé dans tous les rapports et qu'on n'avait jamais vu.

En retard. L'avion avait été retardé.
Ce genre de meeting est une occasion unique de rencontrer le développeur "genius" mais aussi le ponte qui a fait le voyage avec lui.
Pour ce dernier, c'est une occasion inespérée de faire du tourisme en Europe tous frais payés.
- How is Belgium?, me lance-t-il.
- Nice.

A quoi cela servirait de lui raconter comment on y vit. Dans le fond, il n'en a rien à cirer et puis, il aurait oublié ma réponse dans l'heure qui suit.
Dans l'avion, à la dernière minute, le ponte a peut-être appris où se trouvait la Belgique sur la carte insérée dans le porte-document du siège devant lui.
Chez nous, sa présence aurait pu s'appeler la "Joyeuse entrée" du Roi lors de son intronisation sur le trône.
Mais qui penserait lui parler de ce qu'est un Roi ?
Cette journée ne fut pas comme celle d'Alex Vizorek cette semaine: podcast. Quoique...
Alex, issu de Solvay comme Bruno, n'a pas connu les "nuances d'aigris" en devenant humoriste, il y a seulement été formé du bout des lèvres, ce qui ne veut pas dire que l'humour en soit exempt. "Fuck on you".... en expliquant ce qu'est la Belgique aux Anglais....

...

Mardi 7h00: Déjeuner à l'hôtel, tout un programme

Le jour suivant commence après une nuit d'hôtel peut-être bien, qu'il s'appelait California, comme celui de Bruno. Une nuit d'hôtel pendant laquelle, la télé a tenté d'apaiser la journée après la douche ou le bain bien chaud quand ce ne fut pas les "happy hours" avec les nouveaux "copains collègues" qui logent dans le même hôtel.
La chambre, au cachet copie-conforme avec deux lits et la salle de bain en annexe. Au sol, les tapis pleins pour absorber les bruits.
Habillé en cinq secs, puis la descente dans le resto de la veille au soir.
- Do you sleep well?, dit le nouveau copain british.
- Yes of course...
Je ne vais pas lui dire que je n'ai dormi plus d'une heure ou deux et que le conditionnement d'air faisait trop de bruit et que pendant ces moments de sommeil, j'ai eu un cauchemar. Non, cela ne se fait pas et cela n'intéresse d'ailleurs personne. Au resto, un buffet style Gargantua. Banal de le dire, mais rien ne manque en self-service. Il faut en profiter avec une pensée émue pour ceux qui ont l'habitude de ne pas prendre de petit-déjeuner à la maison. Qu'est-ce qu'ils peuvent rater ? Certains retournent au buffet pour compenser leur abstention.
A table, la concentration est religieuse. On s'attendrait presque à voir quelqu'un faire des bénédicités avant de commencer à déglutir.
Le matin, dernière réunion stratégique.

Des "Choses entendues" comme titrait Bruno.

Le "reply to all", c'est un peu comme le café au distributeur qui "too old" est infect. Le nouvel orateur, c'est le jésuite de service qui répond à une question par deux questions avec des "if we don't do it, it will be worse".
Le groupe s'essaye en permanence à convaincre son maillon le plus faible qui s'égare tout seul dans son coin.
0.jpgMalheur à celui qui suggère que la vie se construit en dehors avec des clients. Le "core business", l'orateur n'en a rien à cirer. Il parle de P&L comme s'il était comptable tandis que les autres sont trop heureux d'être bien vus par le boss qui n'a rien compris non plus avec ces flowcharts en spaghettis.
Enfoirés... Ils sont tous cons ou quoi ? 

L'après-midi, cela se relâche en attendant l'heure fatidique du retour.
Comme un touriste, le ponte a emporté son mini appareil photos numérique pour immortaliser la réunion.
Immortaliser, des types mondialisés pour les montrer aux épouses et à ranger dans les poubelles de l'histoire.
Se croit-il anthropologue ?
Les compléments d'informations, "the triggs", les cartes de visite se sont échangées.
Merde. Comme toujours, pas question de faire du tourisme à London pour se changer les idées. il pleut.
Cela m'a fait penser à "Allons_à_London" de Petula. Ce sera pour une prochaine fois...

Reprendre le taxicab et l'avion au bon terminal.
L'aventure est finie
et l'aventure, cela reste l'aventure...
Le soir est tombé.0.jpg

Retour à plusieurs dans un même taxi au risque d'étouffer...
J
e n'ose pas trop me demander quelle tuile a pu tomber en mon absence. Alors, je me dis pour me consoler "plus on est de fous, plus on s'amuse" en imaginant une vanne qui ouvrira les espoirs d'une rigolade.
Dans le hall de Heathrow, cela grouille. La traduction de Heathrow est "rang chaud" donc rien d'étonnant.
Comme la veille à Zaventem, toujours les mêmes néons comme lumières aux tons crus qui donnent le teint blafard de circonstance.
Encore une fois, rien à voir avec l'aéroport des vacances estivales, même si l'heure du départ pourrait y ressembler.
Trop tôt dans le VIP room de l'aéroport, on révise une dernière fois, les notes et les "minutes" de la journée.
La "queue" devant le scanner à bagages à main s'allongent en chicanes bien avant le départ. La période est au terrorisme...
Ceintures, métaux dans le panier et chaussures à la main...
Une heure. Juste le temps de suivre le couloir fléché, de monter dans l'avion, de recevoir une nouvelle collation et de redescendre.

0.jpgUn coup de Manche entre Belgique et London en pleine heure de pointe à prier que le ciel ne soit pas trop plombé pour ne pas avoir l'estomac dans les talons emporté dans les trous d'air...
Monsieur Spock de Star Trek n'est plus, il s'est récemment téléporté.
Il aurait vraiment dû céder le secret de sa lévitation en téléportation.
Il me vient à l'esprit, la métaphore du radeau de la Méduse dans lequel on a misé trop sur ceux qui mènent le bateau et pas assez sur les passagers qui, peureux, vont devoir ramer pour maintenir l’esquif à flot.  

- On cherche encore les mots, mais l'ennui les emporte. On voudrait pleurer mais on ne le peut plus", chante encore Aznavour.

Puis, ce sera à la maison, le retour du Jedi et le résumé à donner de mémoire de cette balade outre-Manche qui commencerait par "Once upon a time".
Pas droit à la déception, ni à la contestation, ni aux contradictions. 

...

Mercredi 08h00 : Réédition ou publication.

Transfert d'informations. Nous sommes dans les TIC's. Le Traitement des Informations et des Communications, non.
Il faut apporter des bonbons parce que les fleurs jaunies sont périssables. Apprendre à ne pas râler, surtout.
Pour le reste, il faudra écrire son rapport. Sa préparation, ce sera pour samedi matin en rétropédalant.
Laisser aussi parler les petits papiers à rassembler pour justifier les frais engagés lors de l'écriture de sa note de frais...
Les petits papiers à l'occasion papier chiffon sont là pour consoler en papier buvard.

L'administration tue la concentration. Le messager a un boulot en deux phases : vocale et en "stand alone" pour planifier, pour (dés)intégrer l'en-cours.
Cela fait du bien de retrouver sa langue maternelle pour échanger en commun les impressions sur "l'event" du début de semaine.
La porte fermée, la poussière du plafond attire le regard dans une réflexion appuyée dans une recherche pour séparer le grain de l'ivraie.0.jpg
La stratégique de la réunion avait un plan dont l'horizon de son achèvement se pointait dans un an. L'inspiration vient au combattant de la restructuration des ressources. Il faudra décider. Le mal arrive quand l'on se dit que rien décider, cela peut être aussi décider.
Cela s'appelle germer dans le rayon efficace et dans la passation d'un message positif en exposé volontaire. Sinon, c'est fichu.
A
midi, le chef veut en apprendre un peu plus et invite à joindre sa table. Il faut intercaler le nouveau projet et renforcer l'unité de la société, un objectif, une obligation de déléguer le projet à la bonne personne pour motiver même si on a envie de relever le défi soi-même.
P
our réfléchir, il faut faire la pause pipi. C'est fou ce que ça donne des idées quand on revient après ce besoin naturel.
C
ela prendra presque toute l'après-midi. Il faudra rester persuasif et positif. C'est mal vu d'être négatif. On apporte de bonnes nouvelles au chef. Sa promotion en dépend.

Dans les grandes entreprises qui s'acharnent à vouloir changer le monde, les inutiles ont le torse bombé, la tête relevée, les poings sur les hanches et le pas affairé avec des pieds en angles obtus comme un crabe", disait Bruno. 

...

Jeudi 08h00 : La routine, quoi

0.jpgIl faut porter sa voiture de société au garage. Un petit entretien qui a nécessité la matinée avant de la récupérer.
La bagnole de société, Bruno en parlait comme un exercice d'artilleur dans un long travail d'ajustage quant à son choix et dont il ne faut pas négliger les figures imposées pour rester dans les bonnes grâces des gens qui y voient un gage de fiabilité avant de devoir attendre quatre longues années pour le nouveau modèle et gommer le "spleen" du quotidien.
A midi, visite de collègues hollandais. Au mess, ils n'ont pas eu à choisir entre le "volle melk" ou le "karnemelk" et ça se voit. La Heineken a fait office de parent pauvre. C'est vrai, nos voisins du nord aiment passer la frontière pour nous rendre visite. Ils étaient à la même table à London aussi.
Cette fois, ils sont là, avec le plat de résistance, réservé aux contraintes à respecter pour que la nouvelle toupie ne s'enraye pas avec la précédente.
Le mot qui vient tout de suite à l'esprit "customiser".
Le pire c'est que pour y passer, ce sera réinstaller les "customisations" précédentes. Le nouveau "package all inclusive" ne maintiendra pas longtemps la "vieille riquette". Customiser, c'est faire fonctionner à la suite de tests à parfaire lors de la validation. Compatibilité et cohésion, deux autres mamelles de l'informatique bien comprise dans sa modernité.
Les écrans ont pris la relève avec les communications téléphoniques interposées.
La plupart des informaticiens d'aujourd'hui sont devenus des assembleurs mais plus vraiment des développeurs. Rien à voir avec mes débuts pendant lesquels on démarrait "from scratch".
Perdus dans les mutations, ils ont appris à devenir des mutants pragmatiques.
L'expérience s'évalue lors de la détection des failles du nouveau système.
Pas à dire, nos voisins du nord sont toujours très "gezellig" avec leur accent du grand nord.
Notre langue flamande ressemble à leur néerlandais mais c'est un peu comme pour le Canada Dry.

« Ça ressemble à l’alcool, c’est doré comme l’alcool… mais ce n’est pas de l’alcool ».

Bruxelles est bilingue ou trilingue. La conversation se passe en "franco-anglo-nederlands". Véritable mixture sans même s'en rendre compte.
Pour faire plaisir, on y ajoutera quelques consonnes qui arrachent la glotte à se gargariser quelque peu.  

- Au moins, il y a une justification à la journée. Et le temps passe, rognant les espoirs, les joies et les amours. Le roi et le pion sont rangés dans la même boîte", disait Bruno.

0.jpgFaut-il penser au "Contrats-cadre" et au "management" ? 

Un drôle de mot 'management', hérité de l'anglais et du latin "manus agere".
Il a un concept relativement flou dans son exercice pratique en fonction de son interprète qui pourrait le comprendre comme dans une ménagerie.

"Les contrats-cadre sont du type 'multiple en cascades', conclus séparément, mais en termes identiques entre le pouvoir adjudicateur et des prestataires de services, en vue d'assurer l'exécution d'un marché de manière successive par l'un ou l'autre des contractants en cas d'indisponibilité du premier contractant", comme je le lisais dans le rapport dans une tout autre activité.

Le monde de l'entreprise a établi une hiérarchie de managements à plusieurs niveaux dont chaque rouage s'y retrouve, en principe, en fonction de ses compétences et prétentions. Si votre chef est mauvais, blâmez Peter et son principe d'incompétence.

Et comme il est dit :

Pour de nombreuses organisations, laissez de côté les anciennes formes de promotion et de rémunération. Elles représenteraient une tâche herculéenne pour savoir combien d’entreprises s’y attacherait encore.   

Exercer des fonctions supérieures ne veut pas dire être supérieur mais seulement avoir un potentiel pour être qualifié et espérer tenir une cohésion dans un groupe de personnes liées par la chrémastique qui impose de bien organiser la performance, de la produire au meilleur coût.
Il devient ainsi le porte-parole du haut pour ses collaborateurs dont il a la charge.
Au dernier étage, le GM est sanctionné par des actionnaires investisseurs qui, vengeurs peuvent faire partie des personnes du bas de l'échelle sociale. Forcé de publier son "profit waning" qui joue au trouble-fête, il se verra remercié avec un parachute doré.
La boucle est ainsi bouclée dans un cercle vicieux.
Le "close combat" s'est engagé en se formalisant puisque les places sont désormais comptées.
S'il s'agissait d'une véritable croisade du bonheur, ce serait converger les intérêts de la société et de ses sociétaires dans un esprit éthique.
Mais, c'est une course à l'élévation vers les niveaux supérieurs qui se manifeste avec la peur du successeur qui jaloux, est aux aguets pour le détrôner.

...

Vendredi 08h00 : Un drame en perspective ?

Il faudra affronter les questions. Pas de questions bêtes et méchantes, non.
Réunir son groupe et commencer par communiquer, continuer par communiquer et finir par communiquer... Pas son sentiment, mais un sentiment enthousiaste en donnant du "feed forward" et du "feed_backward".

Des questions stratégiques du type arrivent :

- Quels sont les projets que tu me donneras ? Que vais-je faire dans un an ?

Dans un an, la question piège, alors que moi-même, je ne sais pas encore ce que je ferai dans un mois. Alors, il faut "choser", inventer une réponse courtoise qui ne fera pas trop de vagues, une réponse qui ne mettra personne en porte-à-faux.
Je ne suis pas psy ni extra-lucide. Je n'ai pas rapporté de boule de cristal.
Être dans le secret des dieux est réservé dans les cimes des montagnes, là où l'air vient parfois à manquer.
Un psy a rarement été appelé pour la raison d'un burn-out.

Comme l'écrivait Bruno :

- Le psy ne guérit pas les âmes en peine. Il doit s'assurer de maintenir la cohésion dans l'équipe pour que celle-ci continue son cours sans trop de séquelles qui troubleraient la marche de l'histoire".

Le matin, comme dans tout services un peu pompiers, un coup de téléphone suffit pour bousculer tous les projets de la journée. Organiser les imprévus, postposer et les assumer, les trois occupations principales du manager à départager ce qui est urgent ou/et important.

Dans un demi-cercle d'inspirés, tout le monde sait que les carrières se forgent dans un alliage dont la composante 'diplôme' est ténue" dit encore Bruno.

L'après-midi du dernier vendredi du mois est un jour spécial qu'il vaut mieux déserter. La société éponge les stocks d'invendus, les recrues qu'elle a inscrites sur une liste noire. Cela se passe sans bruit pour les nouveaux contrats CDD. Pour les anciens CDI, c'est un peu plus dur à accepter. 

Réduire le "manpower", l'exercice d'équilibriste de ce service à Hauts Risques qu'on réduit en deux lettres "HR", qui a un quota d'entrées et de sorties à respecter. 

Un appel téléphonique et un détour à Human Ressource. Ensuite, c'est l'économie du "au revoir" et du dernier verre de l'amitié. Cela évite surtout au déchu de placer le ver dans la pomme.

- Non, Bruno, ce n'est pas nécessairement un énorme gâchis.

Une erreur de casting de part et d'autre, tout simplement.
Uberisation, robotisation, freelance, acting, flexibilité, précarité, les mots de demain dans une vie d'homme qui s'allonge avec des outils numériques d'une durée de vie très courte ("Travail en 2020"). 

Jacques Brel chantait "Au suivant", il ne pouvait pas imaginer mieux dire...


L'informatique remplace les gens à qui on n'ose pas dire qu'ils deviennent inutiles. Alors, on crée des organigrammes ; des 'dotted lines', des fonctions, des managements fonctionnels, enfin des choses qui occupent. On balade les hommes comme des ruminants qu'on change de prairie", écrit Bruno.

Engager quelqu'un dans une équipe, ce n'est pas uniquement une question de compétence et de technicité ("La technicité n'est plus seule").

Dans mon groupe, quelques "suivants", souvent jeunes qui venaient et partaient comme ils étaient venus avec des expériences en plus. Terminer avec un "vieux" qui attendait sa retraite avec impatience, aussi. Avoir une femme dans l'équipe, pas de problème. Une deuxième et c'est parfois "une rivalité ou sensibilité menstruelle" qui peut naître (dit sans aucune misogynie, ni machisme de mauvais aloi... Le tout, c'est de s'en rappeler....

Les gagnants, ce sont les chasseurs de têtes et les bureaux d'outplacement.

Un travail de reclassement qualitatif s'entend, bien entendu.

Le quantitatif est réservé à ceux qui resteront sur le carreau à continuer jouer à la Marelle comme qualitatif dérisoire.
Le "team spirit" est un peu ébranlé dans la pratique. On gagne ou on perd ensemble le nez dans le guidon grand braquet, c'est pour la théorie.
Il faut savoir que les compétences ne riment pas nécessairement avec les qualifications.
Pour le lendemain samedi après-midi, une compétition sportive est organisée pour resserrer les rangs. L'esprit de corps aura l'occasion de s'exercer avec d'autres sociétés de l'informatique présentes et il faudra y montrer qu'on est les meilleurs.

Vive le monde de la méritocratie dans l'happycratie...

Le mot d'ordre donc "motiver" avec une main de fer dans un gant de velours sans devenir le "dictateur d'occasion mal chaussé"...

Faire sa note de frais au plus juste pour la semaine prochaine sans per Diems. 

Lundi prochain, c'est le nième cours de management avec ses jeux de rôles.

Au revoir "sociologie", bonjour "psychologie". 

Mardi, interview d'un nouveau candidat pour remplacer un départ inopiné ou inopportun. Connaître ce que représente la solitude de la décision, c'est aussi faire partie du management.  

Bruno parle encore de "miracle de Noël" avec le conjoint invité.
La Bourse de Bruxelles doit avoir quelques réminiscences d'avantages avec des trophées silencieux car cela remonte trop loin dans le temps des bons souvenirs.
Le point positif est qu'on épargne ainsi les contestations du conjoint qui ne s'est pas intégré dans la "grande famille" et d'entendre ensuite :

- T'as fait du plat à ta secrétaire

- "Ma" secrétaire ??? Quelle secrétaire ?

La semaine est passée.

Merci, Bruno pour m'avoir fait revivre tout cela en souvenirs.

...

Et maintenant ?

Le management public à l'extérieur avait commencé en 1990. 

La cloche de la retraite a sonné depuis 2008.

Le management privé l'a remplacé avec mon épouse à ce poste.
Le passant du sans-soucis n'a pas besoin de se souvenir du passé.
Le numérique s'en charge sous forme de photos, de DVD sans mention sur un quelconque monument aux morts.
Au sommet de la courbe de Gauss existe toujours un subtil équilibre entre compétence, confiance et imagerie bienveillante avec une harmonie fondée sur le pouvoir des calculs et des nombres (Alain Supiot : "La gouvernance par les nombres").
L'ancien informaticien, titillée par les TICs pendant tant d'années sans que j'aie été autre chose qu'un guide, peut-il être aigri et repenti ?
Mais non, on ne va pas cracher dans la soupe.
Bien payé sans devenir mercenaire du système pour autant, les TICs ont apporté de petits bonheurs pour éviter d'en vivre de plus grands...
Peut-être.... Mais restons lucide et reconstruisons l'idéal, au besoin.
Des actes de contribution mais pas de contrition à assumer et à partager entre crises de foi, de foie et de nuits de folies. 

Quant au cadre nouveau, il a compris.

L'alumni rigole de l'époque que les jeunes situent dans un autre siècle et les éteints", constate Bruno.

Il est devenu moderne, vaporeux, souple et léger. Il sait qu'il peut être éphémère dans une société sans devoir ouvrir trop grand, la bourse de son employeur. Il réagit en conséquence par la perte de fierté d'appartenir à un groupe avec sa belle étiquette en devanture.
Le mot "Bourse", Bruno l'initialise toujours avec une majuscule.
En nuances vert de gris, sous une coupole américaine pendant trente ans, il doit pouvoir conserver du vert pour l'espoir sans être aigris.
Parler d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre, c'est parler d'une autre Bohème.
D'une Bohème, digitalisée et dichotomique entre 0 et 1.
S'il fallait faire une métaphore en peinture, ce serait passer successivement, à grande vitesse, du naturalisme, du pointillisme en 2D, au fauvisme, surréalisme en 3D pixelisé, en oubliant l’expressionnisme.

"A mon ancienne adresse, la Bohème, ça ne veut plus rien dire du tout", chante Aznavour...


On ne décompte plus les années jusqu'à la retraite. On compte plutôt les années qui restent, en les étirant au maximum dans un futur aléatoire. Une leçon d’égyptologie avec des momies sans bandelettes puisque l'égyptologie fait partie de mes passions.

0.jpgPlus de centre médical et de checkup forcé par la société dans la tragédie de l'égalité des hommes devant eux-mêmes et pour catégoriser ses semblables. Le mot "checkup" se confond avec sauce "ketchup". L'analyse sang, combinée avec celle qui vérifie le PSA, est devenue une obligation à terme échu pour éviter que la sonnette d'alarme ne tinte trop fort à l'oreille du sourd.
Un flashback montre que l'habit fait toujours le moine.

0.jpgAujourd'hui, on préfère le système de communication à distance par téléphone et écrans interposés. Alors, pas besoin d'avoir un air inspiré. De plus, on peut fermer l'interrupteur du circuit et penser à autre chose dès que cela devient trop lourd à supporter.
Un conseil ?

- Surtout, cher Bruno n'avoue jamais que tu aimes ou que tu as aimé. Tu avais quatre ans quand on chantait ça.

Le numérique et la Bourse, des miroirs aux alouettes qu'il aurait été difficile de refuser.
Jamais l'informatique ne fut, pour moi, une "révolution" ou une "fracture", seulement une évolution logique des relations humaines en fonction de ce qu'elle avait imaginé comme futur qui comme tout le monde sait, devait être meilleur.
Jamais de plan B dans ce genre de volonté de progrès.

- You can check out any time, but you can never leave.

Dans mon métier, le goût du risque n'était pas exclu. Il valait mieux être proactif avec de l'avance à l'allumage que d'être rétro.
Le chapitre du livre de Bruno intitulé "Les Pommes" pourrait être la conclusion qu'il a découvert assez tard :

Vers cinquante ans, on devient un peu plus lucide, conscient de l'inanité des comédies humaines. Gêné par son propre rôle et du poids des costumes étouffants qui rendent chaque mouvement pesant, on se souvient des audaces et des insouciances d'une vie se croquait comme une pomme alors qu'on ne s'envisageait pas encore comme un pommier vieillissant. On aimait se retirer un peu sur la pointe des pieds, compromettre ses ambitions annoncées pour ranger du temps et revenir au goût acidulé des pommes vertes alors qu'il y a toujours des jeunes qui, rognant la vie des anciens, mangent les pommes et crachent les pépins sur les anciens".  

"Quand je dirigeais la Bourse en 2008", un autre titre à la suite duquel, il écrit : 

Depuis lors les cadres supérieurs ont la trouille car finalement, l'homme déteste son prochain. Ils ont écœuré les marchés qui se sont vengés. Ils ne comprennent plus rien, avalés dans la bande à bonus. On s'écarte d'eux parce que la liste d'adresses n'a pas été mise à jour avec les noms de leurs successeurs.". 

Comme tout va plus vite, il y a un problème de fondu-enchaîné dans le film.

S'abandonner dans la morosité, ce serait alors virer dans l'éternité d'une vraie retraite pour la seule commémoration du 200ème anniversaire de la bataille de Waterloo.
Je suis retourné en arrière à lire ce que j'écrivais en 2008 au sujet de la crise.

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Chronologiquement, il y a eu "Le spéculte", "Le CapitaMal", "Tout va mal, non peut-être", "Sommes-nous tous devenus mazos ?", "Et la raison fut", "Crises en thème" et un dernier qui racontait le passage "Journal d'une quille".
C'est dire que la crise n'est pas passée inaperçue. Mon premier PC, quand les communications "weboises" étaient encore dans les limbes, a servi d'outil pour écrire un logiciel de Bourse fait "maison".
Avons-nous été sans successeurs ? Les jeunes seraient-ils devenus fugitifs devant les nouvelles donnes sans humour ?

Pas si sûr, si l'on voit ceci :

Avons-nous recherché un faux bonheur ni optimiste, ni pessimiste ?

A la phrase idiote "Le bonheur n'est pas d'avoir ce que l'on désire, mais d'apprécier ce que l'on a",  Roger-Pol Droit, répond dans son livre "La philosophie ne fait pas le bonheur... et c'est tant mieux" dans lequel il démontrait que la philo-bonheur est seulement un fantasme que l'on atteint au mieux à l'infini, au pire, jamais. 

"Le bonheur est devenu la grande illusion de la philosophie. Aujourd’hui, de nombreux philosophes célèbrent sans fin, plaisir, vie bonne ou joie d'une vie philosophique. Ils promettent, à tous ceux qui veulent les croire, que la philosophie va changer leur existence, pacifier leur vie, leur garantir la sérénité. En un mot : les rendre heureux. Ce vieux rêve né dans l'Antiquité, avait pourtant été radicalement abandonné. Il revient en force. Or ce mirage est néfaste, car la philosophie n’est ni un ouvre-bonheur, ni une machine à rendre heureux, mais une école de lucidité, de critique et d’ironie. Un risque de se perdre, si elle l’oublie. En confondant la liberté du sage antique et le bonheur formaté d’aujourd’hui, cette philo-bonheur contribue en réalité au maintien de l’ordre et de la servitude. Critiquer une à une ses prétendues évidences, démonter ses subterfuges sont des tâches urgentes." (*). 

Passer de la verticalité d'une organisation à l'horizontalité, est-ce que ce serait plus vert que gris ?

La question reste ouverte à nos actes manqués.


A la semaine prochaine, pour voir ce qu'on nous propose comme nouveau paradigme. 

 

L'enfoiré,

 

PS : La suite de l'aventure, la semaine prochaine

(*) Interview de Roger-Pol Droit au sujet de son livre : podcastpodcast

 

Citations:

 

L'actualité bruxelloise ne s'arrête pas : Voici la fête de l'Iris à Bruxelles en photos .

27 juillet 2016: Bruno était invité à "Sérieux Délires" et expliquait une nouvelle fois son livre:podcastpodcastpodcast

9 mai 2021: Olivier Marchal était interrogé à Weekend Première sur la management avec le titre "Toute ma vie j'ai rêvé d'être manager" podcast 

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