Sacré croissance (26/10/2014)

0.jpgLe documentaire complet à cet adresse "Sacré croissance" remonte peut-être à la source de nos problèmes actuels, à cette idée que le monde a besoin de croissance pour progresser et donnait quelques idées pour la contrer ou pour l'assumer autrement. Parlons une nouvelle fois d'argent mais en tentant d'introduire des utopies dans le jeu de massacre qui pourrait se préparer. Si le hors-d’œuvre de l'article précédent concernant l'argent, était plutôt genre truite argentée, celui-ci, en plat de résistance, risque fort d'être ni chair ni poisson.

En préambule du documentaire : "Pour Kennedy, elle était synonyme de force et de vitalité. Clinton appelait en ses temps glorieux à ce qu'on en soit le moteur. Et selon Merkel, elle serait le gage de finances solides. La croissance est souvent brandie comme la solution à tous les maux".

Mais que cache ce concept ? Est-il vraiment la panacée ? Quelles en sont les limites ? Et surtout quelles alternatives s'offrent à nous ?

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La bande annonce est suffisante pour commencer ce billet.

Pour les économistes, nous ne connaîtrons plus jamais celle des années 80 et 90. La croissance économique dépend de ressources matérielles, forcément limitées sur une planète finie. Les crises permettent aux brèches de s'ouvrir. "Sacrée croissance" parle résilience, économie post carbone, utilisation partagée, réparation, banques communautaires et monnaies locales. Il évoque aussi le Bhoutan considéré comme l'un des plus pauvres de la planète et cité en exemple pour son Bonheur National Brut. Indice prenant en ligne de compte conservation de la nature, promotion de la culture, développement d'une économie soutenable et bonne gouvernance. Les USA ont le PIB par habitant le plus important au monde et détiennent tous les records en matière d'inégalités, de pauvreté, de mauvaise santé, d'obésité, de violence, de délits et de personnes emprisonnées.".

Sujet donc très vaste aux approches multiples en fonction de l'endroit où on se place et d'où on le voit, des connaissances acquises et du statut social et historique de celui qui en parle. Sujet qui peut être abordé par l'intérieur et/ou par l'extérieur des économies dites capitalistes ou non. 

Examinons point par point, chaque remède potentiel envisagé par la décroissance.

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1. L'agriculture urbaine par les "mutants professionnels", les "carriers shifers" en anglais. 

 Des jeunes changent de métiers de haute-technicités pour lesquels ils ont été formé pour se tourner vers des métiers plus terre-à-terre. Conversion radicale qui les fait oublier les revenus qu'ils pouvaient espérer dans leur vie antérieure. Agriculture locale, bio et urbaine dans la banlieue de Toronto ou à Rosario, en Amérique du Sud. 

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2. Les énergies renouvelables

Autour de Katmandou, la ville où la pollution est maître ou la population s'est décuplée, il existe la campagne où on s'organise en petites entreprises.

Dernières nouvelles : « Avec un pétrole à 80 dollars, la plupart des énergies alternatives ne sont plus rentables. Triste coïncidence, la disparition du patron de Total se produit le même jour que la démission pour raisons de santé du patron d’Areva. A un moment où le gouvernement français tente de redéfinir la politique énergétique de la France et notamment la place du nucléaire. Si les craintes de hausse du pétrole à court et moyen terme disparaissent, tout est à repenser. Avec un nouveau patron chez EDF, bientôt un nouveau patron chez Areva, le gouvernement français veut reprendre la main. La baisse du pétrole modifie le cours de l’histoire. ».

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3. Monnaies communautaires

L'euro et les monnaies officielles seraient une des causes de ce problème économique qui ne voit que le PIB comme idée générale.

L'euro ne me gêne pas s'il reste au niveau global. Il est sujet à fluctuation au niveau macro-économique avec toutes les vicissitudes parmi les autres monnaies internationales.

0.jpgLes monnaies locales, elles, ne sont sujettes ni à la spéculation ni aux évasions fiscales. Cela commence très bien, puisqu'elles supportent les marchés locaux et qu'elles sortent d'une économie globalisée et réduisent les transports.

Ce qu'elles ne disent pas c'est qu'elles ostracisent quelques peu tout ce qui n'est pas partie d'une production locale et par la même, tout le potentiel d'amélioration de celle-ci. 

En fait, ces monnaies existent déjà dans certains pays où l'économie est étatisée comme Cuba avec le CUC. Dans ce cas, ce n'est pas les communautés locales qui en profitent, mais l'Etat et leurs gouvernants.

Le CUC est converti à l'entrée et à l'extérieur en taxant avec des surprimes dans les deux cas. Ce qui n'empêche pas un trafic d'échanges avec les dollars sous le manteau qui permettent d'atteindre d'autres denrées. 

Les monnaies locales jouent le jeu des tickets de rationnement comme pendant la dernière guerre.

Les grandes surfaces font des ristournes en restituant un pourcentage sur les achats sous forme de "bons pour" être utilisés dans le magasin d'origine et, ainsi, fidéliser ses clients.

Ce qu'on appelle "tickets restaurant", délivrés par les entreprises à leurs employés en surplus de leur salaire et utilisables dans beaucoup de magasins qui vendent de la nourriture, un autre exemple. 

Le problème de la monnaie moderne, officielle, c'est qu'elle est devenue bien plus virtuelle et non plus scripturale. Payer avec des cartes de crédits et des cartes de banques est bien pratique. Les achats et les ventes transitent par des écritures comptabilisées, ce qui ne le fait plus par l'intermédiaire de monnaies locales. Revenir à ces dernières, reviendrait à se promener avec un portefeuille bien rempli en place d'une carte de banque. Alors si on imposait aux banques d'avoir des comptes en monnaies locales comme elles le font en devises étrangères ?

D'autre part, on ne parle jamais de ce qu'on fait avec les excédents.

En finale, l'esprit de solidarité tant prisé aujourd'hui, est mis au niveau très local, autarcique.

Ces monnaies parallèles n'ont rien à avoir avec les bitcoins qui permettent la spéculation. Heureusement.

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4: Les conclusions en rapport avec le PIB

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Ce qui en ressort de tout cela, c'est que les espoirs viendraient d'en bas, de la micro-économie et non plus par la voie de l'univers technologique de la macro-économie.

Jusqu'à présent, le néo-libéralisme, malgré les crises, tient toujours bon.

Le coup de blues des Bourses de la semaine passée a été effacé par quelques  rebond, dans l'attente d'un autre coup de blues que l'on n'espère pas trop assassin.

Cela ne veut pas dire que l'on décollera plus comme on le faisait pendant quelques années de gloire du siècle dernier. La Bourse a de ses respirations qui intéressent certains et désespèrent d'autres.

A la différence de l'utopie sociale, les macro-utopies ont le mérite de toujours arriver avec des investissements à la grande louche pour atteindre ses buts. 

Alors, oui, il faut des utopies pour sortir du merdier. 

Pierre Rabhi, avec sa simplicité d'approche, disait dans une conférence qu'il fallait agir à son échelle et construire ensemble :

Sous la croissance peut se cacher des bons et des mauvais ponts. Tout le monde croit à son tour. On est petit en taille en fonction de son âge et puis on grandit jusqu'au terme du stade d'adulte. Reste-t-on ouvert ? Restons-nous avec un esprit d'enfant pour s'émerveiller des choses ? Là est la question.

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Le règne de la flexibilité, des plans sociaux à répétitions ne restreigne pas la misère et accroît l'écart entre les plus puissants et les plus pauvres.

L'idée est de faire croître le PIB d'un pays pour avoir une chance d'exister dans le concert des nations et de ne pas descendre dans l'échelle des valeurs.

Une crise anthropologique se présente et l'abondance qui a fait le lit de ce mouvement néo-libéral, va indubitablement mener vers une société de plus de sobriété.

Mais, jusqu'à quel point et comment pour que cela ne génère pas une nouvelle révolution, un tremblement de Terre, dans laquelle tous perdraient énormément de potentialités ?

0.jpgLa facilité a été soutenue par les énergies abondantes et bon marché. Les nouvelles générations ont été éduquées dans le sens qui disait que tout était possible, que tout était disponible, que les études permettaient d'arriver à ses fins à l'aide d'un minimum d'efforts initiaux.

On les a trompé

Les écotartufes avec leur "croissance verte" n'ont pas fait mieux. Ils criaient "vive la crise" en y voyant une opportunité pour changer de paradigme et puis, ils sont rentrés dans les rangs du troupeau. Les "décroissants" n'ont pas plus d'influence chez les Verts que dans la gauche et l'extrême gauche marquées par un marxisme productiviste. 

Changer de paradigme doit s'associer à une révision complète des processus de travail, d'évaluation des besoins réels à longs termes et non plus en fonction de ce qui est estimé, planifiés à courts et moyens termes par les bureaux du Plan et par le marketing.

Le rapport de Stiglitz parlait du "Bonheur Intérieur Brut" (ce que j'avais appelé BIB). Il apportait une occasion de voir les choses autrement. Tellement autrement qu'il a fait peur et que le rapport a très vite été mis entre parenthèses dans les oubliettes de l'histoire.

Le monde s'il est devenu un village par ses réseaux sociaux et par Internet, ne l'est pas du tout sur le terrain des opérations des humains tous différents en cultures et en mentalité. A chaque partie du monde correspond une réponse spécifique aux problèmes environnementaux, économiques et sociaux, alors qu'ils pouvaient sembler généraux aux yeux d'un Américain comme Stiglitz.

A leur crédit, il faut se rappeler qu'une simple diminution de la production pourrait aggraver la pauvreté et que le mieux-être et le confort vont à contre-sens dans les pays occidentaux qui ont connu plus d'abondance qu'ailleurs. Pour eux, ce sont devenus des droits acquis que l'on défend becs et ongles dans des manifestations. 

Les manifestants lancent "Ils nous voleraient l'air que l'on respire, s'ils le pouvaient".

0.jpgLe matérialisme garde manifestement des traces ancrées dans les mentalités, dans notre subconscient qui semblaient apporter le bonheur.

Pendant les 540 jours d'absence de gouvernement officialisés, qui ne réglait que les affaires courantes, la Belgique a pu respirer plus à l'aise et évité le choc des remises en question.

Rester maître de son destin, de ce qu'on produit de la base jusqu'à sa distribution, c'est ce que nous enseigne ce qui précède comme nouvelle base de solidarité bien comprise et non pas refaire le même geste pendant toute une carrière comme le faisait Charlot dans les "Temps modernes". Ceci est maintenant réservé aux machines.

La prochaine génération comptera dans ses rangs quelques neuf milliards d'individus qui vu l'énormité, ne pourront pas généraliser leur manière d'en sortir avec des concepts traditionnels. Les alternatives seront aussi dépendantes de l'environnement le plus proche. La vie dans les grandes villes n'est pas la même que celle des grandes villes, des villages ou dans la campagne.

Il faut, parait-il, 3% de croissance pour relancer l'économie et devrait réduire du même coup, le chômage. Ce dernier point est d'ailleurs, loin d'être garanti sur facture.

Il faut rationaliser, faire des économies drastiques. D'accord, mais pas partout.

Oui, peut-être pas comme le préconisait avec humour, Thomas en parlant de la santé

Une économie de restructuration et de diminution des frais d'exploitation. Mais, quand on lit ce qui suit, au fur et à mesure, ce n'est plus le même son de cloche.

"Si, jusqu'à il y a peu, le capitalisme tirait exclusivement son profit du travail humain dans la fabrication et la commercialisation des marchandises, avec la mécanisation, l'automatisation et l'informatisation des processus de fabrication, le taux de profit n'a cessé de diminuer. Pour maintenir les bénéfices, il a fallu vendre toujours de plus en plus à des travailleurs de plus en plus précarisés. Pour doper une consommation à bout de souffle on a eu recours au crédit et à l'endettement.".

J'ai ressorti mon "Manière de voir" n°112 de septembre 2010 du "Monde diplomatique". Il parlait du "Temps des utopies". Nous sommes quatre années plus tard. Je reprendrai quelques phrases qui en faisaient partie en les réactualisant.

0.jpgNotre "besoin d'utopies" passe par des paradoxes et est encore plus nécessaire quand on sent qu'on a besoin de changer de paradigme comme j'en parlais dans l'article précédent. L'abondance, dont il était question, n'apporte pas nécessairement une réponse ni au mal-être, ni même au bien-être qui peuvent exister dans certaines populations proches ou éloignées. 

La carence de dirigeants et d'idées pour contrer le mouvement inéluctable du mieux-être n'existe pas encore en Chine qui sous un parti unique autoritaire permet de resserrer quelques boulons par la force.

La démocratie à l'occidentale plait. Elle est présentée comme la panacée. Demandée par l'interstice entre deux mondes, la Chine et l'Occident. Voilà, Hong-Kong, à la croisée des chemins, qui se réveille.

Restructurer le travail et l'avenir avec le dessein de réduire le temps nécessaire pour accomplir les tâches, allait bouleverser les habitudes et les méthodes de productions.

Contrairement à ce qu'on lit le plus souvent, ce n'est pas uniquement un rêve américain que d'avoir pris le chemin du néo-libéralisme. Il y a eu plusieurs coopérants et bénéficiaires de ce projet de rationalisation.

Aujourd'hui, je ne suis d'ailleurs pas convaincu que la décroissance soit la solution globale et mondialisé par laquelle il faudrait passer. Il faudrait plutôt une croissance sélective et une décroissance choisie au cas par cas.  Aller en sens inverse d'un flux du bien-être même au forcing est plus difficile que d'en parler.

La situation actuelle va dans le sens de la déflation qui serait le nec plus ultra pour la décroissance si elle n'avait pas d'autres aspects tout aussi négatifs. 

Tout à coup, apparaissaient le "mur de la dette" et  la France est en train de couler.

Il faut boucher les fuites, c'est évident.

0.jpgCoup de frein général dans les investissements en Belgique. La culture comme le disait dernièrement, le patron d'un Musée, est parmi les premiers visés.

Pas un journal belge qui ne parle pas de faire des économies pour résorber les dettes.

Pourtant, aucun objecteur de croissance ne prône une simple diminution de la production, qui ne pourrait qu'aggraver la pauvreté.  

La croissance ne serait-elle là que pour payer combler les dettes sans jamais les annuler ?

C'est un angle de vue et une affaire de conjecture qui se révèle être très fluctuante dans la pratique. Quand ces fameux taux d'intérêts sont élevés, c'est vrai. Ce l'est moins si les intérêts sont remboursables à taux plancher, voir négatif, comme aujourd'hui.

Il y a deux ans, je sortais "Très chère austérité". L'austérité, la solution de facilité qui n'a rien résolu...  

"L'Europe endettée reproduit nos erreurs" disait Rafael Correa. Les latinos sont des "experts en crise". Ils ont été confrontés au choc du néo-libéralisme et n'étaient pas près de l'assumer. L'idéologie, déguisée en science, leur a été imposée et même par l'esclavage. Ce n'étaient plus des partenaires idéologiques et historiques comme cela l'a été avec les pays européens. Les Etats-Unis, ne l'oublions pas, font, à la base, partie de notre histoire.

Des théoriciens de l'abstrait sont, souvent, récompensés par des Nobel de l'Economie comme si l'économie n'était rien d'autre que des mathématiques que l'on rapproche avec l'étude des techniques de jeu. 

Le même choc s'est présenté chez les ostalgiques des pays de l'ancienne URSS à la chute du mur de Berlin en créant un gouffre entre le haut et le bas de la société.

Dans une économie de la décroissance, le transport aérien, les véhicules à moteur à explosion seraient condamnés à disparaître. Ce serait la fin des grandes surfaces au profit des commerces de proximité et des marchés... Tout le monde est-il prêt d'accord d'aller si loin? 

Je me permets d'en douter.

0.jpgCette semaine, Jean-Claude Junker annonçait que la CE allait injecter 300 milliards d'euros d'investissements dans la macro-économie pour relancer la croissance en poussant sur le "Europe's panic button". 

C'est la dernière chance, disait-il. 

Il avait constaté que le redressement de l'économie marchait mieux aux Etats-Unis, que le monétarisme vaudou avec sa planche à billets sous forme de "Quantitative Easing" qui apportait plus de fruits ou, du moins, les supportait mieux.

Directement après, on apprenait que l'Europe allait réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40%, que les énergies renouvelables augmenteront de 27% et que la consommation d'énergie diminuera de 27% pour 2030. 

Que le meilleur gagne, a-t-on envie de répondre, du moment que ce ne sera pas une victoire à la Pyrrhus.

"Nous sommes condamnés à gérer l'incertitude", un autre titre lu dans la presse.

0.jpgDans mon récent article "La clé psi", il était dit que "Aujourd'hui, il n'y a pas de frontières entre les mondes de l'infiniment petit et de l'infiniment grand. Les lois s'appliquent partout. La seule différence est que les caractéristiques les plus bizarres, sautent plus aux yeux quand les objets sont petits. Dans le micro-monde, sans relation de cause à effet, d'après le principe d'incertitude d'Heisenberg, rien ne permet ni de localiser une particule ni de calculer sa vitesse"

Oui, dans notre macro-monde, nous entrons en période de turbulence et d'incertitudes comme cela l'est dans le micro-monde..

Alex Vizorek qui a reçu une formation technique à l'école Solvay, avait apporté sa touche d'humour.podcast

L'humour ne sert peut-être à rien, mais ça peut rapporter gros et faire réfléchir.

Alors, sourions et réfléchissons.

Après, on ira...

 

 

L'enfoiré,

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Photos réalisées par Arthus Bertrand et affichées dans les rues de Bruxelles.

0.jpgD'après cet article, "L'économie de partage" serait en marche pour remplacer l'économie de marché.

Un autre, plus violent de par son titre "Nos rêves seront vos cauchemar"  allait aussi dans ce sens.

Je parlais la semaine précédente de Paul Jorion.

Je m'en voudrais de ne pas signaler son "temps qu'il fait" de vendredi.

Le temps qu'il fait et qu'il est, pour beaucoup, c'est plutôt--- >>>>

 

Citations:

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7/1/2015: A quoi sert la Bourse?podcast

6 juillet 2016: La croissance en Suède

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