07/06/2015
Malines, jumelle de Molenbeek?
Période de vacances oblige. Après un retour en Turquie, pourquoi pas une visite de Malines, Mechelen en néerlandais. Une ville belge très proche de Bruxelles. Une ville qui s'est récemment jumelée à la commune de "Molenbeek". Une information passée presque inaperçue. Renseignement pris, les Malinois n'étaient pas au courant.
J'ai parlé de la commune de Molenbeek et je connais bien Malines pour y avoir été de très nombreuses fois. J'aime bien cette ville.
Littré écrit au sujet du mot: "Dentelle très fine qui s'est fabriquée originairement dans la ville de Malines en Flandre. Mouchoir en malines. Une belle malines".
Malines était déjà jumelée avec 5 autres villes dans le monde: Sucre, Helmond, Sibiu, Arvada et Nador. Des villes qui toutes étaient externes à la Belgique.
Pour justifier l'opération de jumelage, "cela implique la ville dans le domaine social", est-il dit.
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La ville n'a rien à voir avec le féminin de l'adjectif "malin", mais cela pourrait se concevoir à la suite de ce qu'on va aborder.
Se jumeler avec Molenbeek est donc une première.
La ville a peut-être été nommée la "Chicago-sur-Dyle". Ce n'est plus le cas depuis l'administration du bourgmestre Bart Sommers qui gouverne avec la carotte et le bâton sans "Foreign-fighters".
82.000 habitants, 124 nationalités différentes dont un cinquième musulman.
Alors qu'au départ de Bruxelles, 128 jeunes sont partis pour le djihad, 93 à partir d'Anvers et 28 à partir de Vilvoorde, aucun ne serait parti de Malines.
Le potentiel économique et technologique, une politique créative basée sur la sécurité et le multiculturalisme seraient à la base de cette différence.
Longtemps dans l'histoire, Malines a été rivale de Bruxelles.
La ville aurait pu devenir la capitale du Brabant.
Pas à dire, elle a conservé un charme, un calme que, peut-être, une capitale comme Bruxelles n'a plus.
Bruxelles est devenue un melting pot de cultures et aussi de ghettos dépendant des communes qu'elle comprend.
L'une d'elles, Molenbeek que j'ai décrit, en est un exemple.
Si à Malines, on peut rencontrer des personnes qui viennent "d'ailleurs", ce n'est pas vraiment dans un quartier bien défini, ce n'est donc pas dans un ghetto, qu'on peut les rencontrer.
Le centre ville de Malines a gardé intact son patrimoine architectural loin de la "bruxellisations" sauvage que connait la capitale.
Cette ville moyenne est en phase de recentrage, de rajeunissement.
Dans le début des années 2000, la ville se mourrait à cause de l'insécurité, de la saleté et de la pauvreté. Depuis, elle a rendu sa rue principale piétonnière de très belle manière dans le centre historique. Huit parkings de dissuasion à la périphérie, des animations, une résistance à toute galerie commerçante extérieure..
Il est vrai que sa grand-place est devenue, à mes yeux, un peu trop nue, vidée de sa statue déplacée sur un de ses côtés. Mais qu'importe, c'est peut-être mieux que le parking de surface qui existait avant...
Située dans une basse plaine marécageuse arrosée par les bras de la rivière Dyle, il est possible de la longer en se promenant sur une barge très romantique, au fil de l'eau.
Des promenades, il y en a quelques unes: historiques, culinaires et culturelles.
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L'histoire de Malines
L'histoire de "Mechlinia" remonte au premier millénaire avant notre ère, bien avant Bruxelles. L'habitat perdura sur la rive ouest de la rivière durant l'époque gallo-romaine, avant d'être envahie par les Germains au 3ème siècle et retomber dans l'oubli jusque vers 756, à l'arrivée du moine irlandais Rombout venu évangéliser les païens Francs et Gaulois.
Il fonda un monastère primitif à l'est de la Dijle et aurait subi un martyre en 775. Ce qui a développé un culte dit "de pèlerins", autour de son tombeau par les moines. Les offrandes ont été une source de revenus enviables pour les seigneurs du lieu, les Princes Évêques de Liège.
La résistance du chapitre de Saint-Rombaut envers ses suzerains s'organisa avec force. Jouant de la brosse à reluire, la population malinoise obtint avantages et privilèges qui permirent le développement de l'industrie drapière.
Entre le Prince de Liège, le Comte de Flandre et la population se déroula une véritable partie de poker politique. En 1356, Ludovic de Male tira les marrons du feu pour entrer dans l'ère des ducs de Bourgogne avec Charles le Téméraire qui en fit un Parlement comme tribunal souverain.
Marguerite d'Autriche, qui y fixa sa résidence, voulut faire de Malines rien moins que la capitale des Pays-Bas.
Sous son règne, entre 1507 et 1530, la ville connut son apogée, ce qui attira de nombreux artistes sur les bords de la Dyle.
En 1531, Marie de Hongrie, sœur de Charles Quint, ramena la cour à Bruxelles, mais Philippe II obtint la création du nouvel évêché à Malines.
Depuis 1546, lors de l'explosion de Zandpoort, la ville connut une période noire.
Une période de guerre civile entre catholiques et protestants ruina la vie économique.
L'Inquisition rendit son premier cardinal de Granvelle, autant haï que le duc d'Albe, mais en tant que primat de Belgique.
Depuis 1559, la ville devient le siège de l'Archidiocèse en nom propre jusqu'en 1962 où ce siège devint celui de Bruxelles-Malines.
En 1834, le roi Léopold 1er autorisa la construction de voies de chemin de fer.
Le premier voyage en train sur le continent eut lieu entre Bruxelles et Malines, le 5 mai 1835.
Un souvenir de la dernière guerre, la caserne Dossin devenue aujourd'hui, un musée, elle servait à rassembler Juifs et Tziganes avant d'être envoyé au camp d'extermination d'Auschwitz.
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Aujourd'hui
Malines est réputée pour ses cultures maraîchères, son école de carillonneurs et donc son industrie du meuble plutôt déclinante.
Une ville qui a du chien quand on pense à l'élevage de chiens bergers belges nommé "Malinois". Une ville qui de la chaire ferme de volaille quand on pense au coucou malinois accompagné d'une sauce à base de bière malinoise la "Gouden Carolus" ou la "Mechelschen Bruynen" brassée dans la Brasserie "Het Anker" qui était la préférée par Charles Quint durant sa jeunesse dans la ville. Les meubles restent aussi comme une production de la ville.
Le centre de la ville est dessiné de manière parfaitement circulaire, mais avec des extensions qui s'étendent sur 65 km2. Elle compte près de 80.000 habitants avec plus de 1200 personnes par km2.
A 12 mètres d'altitude et relativement plate, elle a eu facile de créer un réseau de voies cyclables qui tentent de faire oublier la voiture.
Le centre névralgique de la ville est le Grote-Markt, le Grand Marché sur lequel de vieilles maisons colorées partagent l'espace avec cafés et tavernes. Le film "Palais royal" a utilisé un de ses éléments comme cadre.
A l'emplacement de l'ancienne halle aux draps, l'Hôtel de ville partage le nord de la place avec deux autres édifices de style complètement différents du gothique finissant au rococo.
Construit entre 1311-1547 et 1900-1975, le beffroi resta inachevé à la suite de la crise de l'industrie drapière des années 1920. En 1985, Jean-Paul II, en visite, le considérait comme inachevé.
L'heure de la retraite a sonné pour Mgr Léonard qui y avait élu domicile. Limite d'âge et démission obligatoire, assez rapidement acceptée par le Pape. Cela arrange Mgr Léonard qui a une envie de quitter le pays.Son remplaçant est à nommer et un prélat anversois et un autre brugeois sont cités.
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Visiter la ville
"Visit Mechelen" traduit en français donne "Visitez Malines".
Pour un Bruxellois, l'arrivée à Malines se passe par l'intermédiaire de la Brusselsteenweg à la sortie de l'autoroute.
Le centre des sciences et des technologies, Technopolis, pourrait être la première halte. Ensuite vient la gare.
A la recherche d'un parking aisé?.
Virer à gauche une fois sur le Schuttersvest et prenez le boulevard de ceinture. Arrivé à la tour gothique d'enceinte, virer une nouvelle fois à gauche vers le Vrijbroekpark qui offre des moyens de parkings moins "sollicités".
La visite rapide de la ville en promenade commence.
La Hoogstraat se dirige vers la place Grote Markt. Le pont à plusieurs arches Grootbrug passe au dessus de la Dijle.
Première apparition de maisons crénelées au Ijzerleen et l'arrivée au Grote Markt.
Une visite touristique de la ville impose la vision de la cathédrale Saint Rombaut avec ses deux carillons et d'autres églises, du Grand Béguinage dont les ruelles sont riches en petites maisons anciennes désertées par les béguines.
La ville contient plus de 300 bâtiments classés dont cinq, font partie du patrimoine mondial de l'UNESCO.
Des musées d'archéologie, de la bière, des cloches, des jouets, de l'horlogerie, de la tapisserie et du chemin de fer...
Au fond du Grote Markt, tourner à droite dans la rue commerçante du Bruul. Arrivée au Vijfhoek et le pont au dessus de la Dyle, la promenade romantique commence en descendant sur le ponton, la Dijlepad, qui suit la rivière et retourne doucement vers le point de départ.
Le Vrijbroekpark donne l'occasion de terminer agréablement la visite.
Après cette promenade, parmi tous ces palmipèdes, revenons à nos moutons: le jumelage avec Molenbeek.
Le 16 mai, l'émission des Experts de Télé Bruxelles (34:00-40:00) parlait du jumelage de Malines avec la commune de Molenbeek.
Un jumelage serait à la base une prévention en matière de radicalisme.
Molenbeek devrait-il prendre exemple sur Malines pour l'éviter?
Malines n'a connu aucun départ de jeunes vers la Syrie.
Le radicalisme est pris en charge depuis plus longtemps qu'à Molenbeek, même si Vilvoorde, une autre ville flamande entre les deux villes, a connu également un exode guerrier vers la Syrie.
Malines aurait eu, d'après son bourgmestre, les mêmes problèmes de pauvreté, il y a vingt ans.
Ce radicalisme n'est pas né de rien. Auditer ce qui se passe au niveau de l'éducation, de l'intégration des populations émigrées est certes le point de départ pour Molenbeek et n'est plus à faire pour Malines.
Je n'ai toujours pas bien compris ce que Malines, elle-même, avait à gagner dans ce jumelage.
Un jumelage doit pouvoir trouver, en écho, un intérêt.
L'actualité malinoise ne me donnerait-il pas la réponse du pourquoi, mais d'un "comment" éventuel?
Cela pourrait se passer par l'intermédiaire de Skype.
Oui, mais ...le parquet de Malines poursuit Skype en justice... au pénal.
Pourquoi? Parce que Skype a refusé de donner accès aux enquêteurs à des conversations privées qui ont eu lieu en 2012, entre deux suspects dans le cadre d'investigations sur le milieu criminel arménien.
Deux Arméniens utilisaient expressément Skype, le logiciel d'appels gratuits de Microsoft, pour s'entretenir d'affaires sur la livraison de biens volés ou illégaux.
Arménie, Arméniens, des sujets tabous, non, si l'on se rappelle l'épisode de la semaine précédente?
Microsoft avait justifié son refus par le fait qu'il n'agissait pas en tant qu'opérateur téléphonique belge et n'était donc pas soumis à sa législation. La société ne se rappelait-elle pas ce que ce mot pouvait rappeler comme polémique.
Serait-ce une violation de la loi sur les télécommunications? se demande le parquet de Malines.
Le parquet, lui, ne devait pas se rappeler ce qu'était Skype, le fameux P2P, le "pear to pear" qu'il devait confondre avec en français le "pire du pire" ou la "poire de la poire".
Une confusion ne viendrait-elle pas pour expliquer ce jumelage très spécial?
N'était-ce pas, après des billets qui parlent de carrières, de travail, une bonne occasion pour ouvrir le bal de ces vacances parfois tant attendues par une histoire belge du meilleur cru?
Les synonymes de "Jumelage" sont nombreux: "ajustage", "assemblage", ..."cuvelage", "javelage", "pucelage"... Toute une panoplie de mots à la limite qui appelleraient Paul et Mieke à la rescousse les polémiques dans une histoire de famille du plus bel effet...
Le Portail français qui fait la revue des jumelages écrit dans son chapeau que: "Entre banquet et défilés de majorettes, le phénomène des jumelages de communes risque parfois de n'être perçu qu'à travers les lunettes d'un folklore aimablement convivial. Ce serait pourtant négliger les ambitions d'un mouvement lancé après la deuxième guerre mondiale dans une perspective hautement politique, et oublier la richesse et la densité des relations multiples ainsi tissées de part et d'autres des frontières. Mal connu et peu étudié, le jumelage mérite bel et bien l'intérêt des sciences humaines, et tout particulièrement de l'histoire".
Comme d'habitude, j'ai cherché pour enrichir les propos d'introduire quelques citations et une vidéo d'une chanson qui arriverait à donner à la fois une touche humoristique et moins "tout touristique" à ce billet.
J'ai fait appel à des Malinois, sans succès...
Aussi, passons immédiatement aux photos en un clic
L'enfoiré,
Citations:
- "J'aurais aimé avoir une sœur jumelle, j'aurais pu voir à quoi j'aurais ressemblé sans chirurgie esthétique.", Joan Rivers
- "La parole est la sœur jumelle de ma vision, elle est incapable de se mesurer elle-même, Elle me provoque sans cesse, elle dit d'un ton sarcastique, Walt, tu contiens assez, pourquoi donc ne pas te laisser aller ?", Walt Whitman.
Publié dans Actualité, Belgique, Histoire, Parodie et humour | Lien permanent | Commentaires (4) | Imprimer
Commentaires
Très intéressant et amusant de le lire même pour un Malinois.
Écrit par : Rudi | 08/06/2015
Résultat du match amical France-Belgique 3-4
http://www.lesoir.be/900550/article/sports/diables-rouges/2015-06-08/belgique-humilie-france-durant-80-minutes-revue-presse
Écrit par : L'enfoiré | 08/06/2015
L'enfoiré
Que serions devenu sans les monastères et les moines bâtisseurs ?
Écrit par : C'est Nabum | 08/06/2015
Bien d'accord.
Un bon livre sur ce sujet est "Les piliers de la Terre" de Ken Follet
Écrit par : L'enfoiré | 08/06/2015
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