06/04/2009
Migrer, pour vivre ou survivre? (1-2)
Coup sur coup, deux Hors-Série, deux Atlas qui sortent dans le monde de la presse. L'"Atlas des Migrations" était le premier, présenté par Le Monde. Le second, l'"Atlas du monde à l'envers" par le Monde diplomatique. Le second, lui, tentait de définir là où il y avait de grandes mutations de pouvoir émergeant dans le monde, les crises persistantes, la vue par l'intermédiaire de certains pays et l'Afrique qui se bat. Intéressons-nous au premier, car les migrations expliquent souvent les problèmes et parfois, les chances, d'aujourd'hui.
Au fil d'une analyse minutieuse et que se veut très complète, l'"Atlas des Migrations", tout azimut, déroule ses chapitres par l'histoire des migrations qui remonte dans un passé très éloigné pour finir à la situation d'aujourd'hui qui est loin d'une conclusion en soi. Imbriquée dans tous les sens, avec ses implications, il est sûr que nous n'en sommes pas encore sorti de cette auberge planétaire. Véritable tour de force de rassembler tout cela en 180 pages.
L'humanité a été, est et restera en marche dans tous les temps. D'abord pour suivre les voies prises par les oiseaux, éclaireurs du ciel, à la recherche de nourriture pour suivre le rythme des saisons, l'homme s'est mis à transhumer toujours plus loin. 200 millions de migrants aujourd'hui, l'équivalent d'un 5ème pays sans frontières, mais intégrés bien ou mal, en fonction du nombre de ses pratiquants volontaires ou par obligation. Le flux migratoires des hommes suit dans la durée et les espaces différents, les mêmes principes: la quête de terres pour l'agriculture, d'abord vers un meilleur possible et dans la suite l'utopie d'un paradis de l'ailleurs. L'homme est une espèce très spéciale. Endémique mais du monde entier. Pas beaucoup d'animaux occupent tout l'espace disponible comme lui.
La sédentarisation souvent présentée comme un progrès de l'humanité, ne peut exister qu'à la suite d'une migration préalable.
Rien que par la citation des titres, bien choisis d'ailleurs (ils seront en gras), cet Atlas permettait déjà de voyager sans bouger de sa chaise au travers de l'histoire pour se retrouver au présent avec les chiffres et les cartes à l'appui.
J'ai, pourtant omis, volontairement, d'introduire des dates trop précises pour éviter des partis pris par trop personnels qui n'apporteraient rien. Cet article se veut un survol les différents chapitres de cette étude sans aller jusqu'aux détails.
Peut-être vous inciter à vous procurer cet Atlas.
Alors, en route sur la planète migrante.
1. Les migrations historiques.
En marche "Out of Africa". Le berceau de l'humanité semble être l'Éthiopie (Lucy, 3 millions d'années) et le Tchad (Tumaï, 10 millions). Des endroits sur Terre sont plus propices que d'autres à la conservation des fossiles, donc, il vaut mieux ajouter "jusqu'à preuve du contraire". Les déplacements se feront à un rythme lent mais continu de 60 kms par génération soit près du tour de la Terre en 10.000 ans. Cela par le couloir de la Géorgie et du Proche Orient et en arriver à la "semi-conquête" des terres en 6 millions d'années.
Plus tard, les Odyssées de la Méditerranée, des peuples qui à partir d'Ephèse, d'Athènes, de Cnossos, de Carthage. Mycéniens, Doriens, Ioniens, Phéniciens, peuples de la mer qui n'ont pas toujours laissé de traces de leur passage. Mosaïque de peuples et de cultures qui se mettent en contact, qui fusionnent de gré ou de force ou qui disparaissent victimes de cataclysmes ou de conflits.
L'Europe des Celtes s'élargit pour occuper des territoires de plus en plus grands du continent européen occidental et cela à partir probablement de la Mer Noire.
Une déferlante barbare, conquérante par l'Est avec les Huns qui repoussent les Wisigoths encore plus à l'Ouest et qu'on surnomme, aujourd'hui, de "barbares", voire "envahisseurs". La saga des Vikings, brillants marins, venus eux du Nord, du Danemark, à bord de leurs drakkars, en pirates quelques fois et qui occuperons officiellement la Normandie au 10ème siècle et, plus tard, l'Angleterre sous la tutelle de Guillaume le Conquérant. La fantastique chevauchée mongole avec Gengis Khan, le bâtisseur du plus grand Empire en Asie. Des chroniques africaines avec l'héritage bantou, berbère, en vase clos dans le continent et donc mal connues.
La grande époque arabo-musulmane explose par le sud de l'Europe en y rayonnant le raffinement de sa culture jusqu'après leur rejet non complet, mais avec un art de raffinement qui se retrouvera après dans l'art mudéjar.
Les itinéraires pèlerins chrétiens en passant par le Saint Michel et Compostelle.
Les matières précieuses qui se retrouvent sur les routes de l'ambre et de l'étain, des chemins du fer, du fil de la soie et aussi des pistes des fourrures, pour répondre au commerce et aux goûts de la préciosité et de la richesse. Les fourrures de peaux de bêtes réchauffent les corps dans le Nord et les échanges financiers dans le Sud par son côté périssable. Est-ce les prémisses à la mondialisation?
Les sillons fertiles de l'agriculture, eux, sédentarisent, dans le même temps. Tout cela pour dire que des races pures, n'importe où, cela n'existe pas.
2. Les migrations aujourd'hui
Le monde s'agrandit dans le sillage des grands navigateurs et offre un aller et retour par des chemins différents. Monde, partagé entre portugais, espagnols, anglais, français et hollandais pour devenir de plus en plus rond.
Les réseaux de traite négrière s'organise et apporte le travail gratuitement en éparpillant l'esclavage jusqu'au nouveau monde demandeur de mains d'œuvre dans les champs.
Disettes et famines en Europe, industrialisé, poussent 50 millions de candidats à l'exode et attirent les aventuriers avec un aller simple vers le Far West.
Des nouveaux foyers de la pauvreté se créent, la précarité ne recule pas, malgré le développement. Les écarts de richesses à l'extérieur et à l'intérieur de ses frontières se creusent même. C'est le Nord qui attire les habitants du Sud, attirés par de faux eldorados. Enfin, pas toujours. Nouveaux foyers de pauvreté dans un exil de l'espoir des déshérités de l'Afrique qui risquent leur vie pour un espoir souvent déçu dans un monde vieillissant. Les immigrés se pressent aux frontières et les sans-papiers crèvent devant elles. L'Afrique saharienne, totalement démunie, envoie ses ressortissants aux frontières. L'indice de développement tient compte de l'espérance de vie, de la scolarisation et des revenus.
La ruée vers la ville pousse au gigantisme et doit avouer ses limites. Depuis, 2007, on dénombre plus de citadins que de ruraux. Vingt mégapoles de plus de 10 millions d'habitants constituent 10% de la population mondiale. "A qui profite l'argent des migrants" est une question avec une réponse aléatoire entre effets positifs ou pervers. Trafics de compétences avec la fuite des cerveaux dans un marché du travail immigré qui suit un besoin commun vers un exil pour tout espoir entravé par les voies sinueuses du droit d'asile. Les femmes s'émancipent mais restent toujours en retrait. La moitié de la population mondiale à un âge de moins de 25 ans, mais la population vieillit plus vite et cela proportionnellement au degré de développement du pays. Europe qui valse de l'émigration à l'immigration, souvent illégale, sécuritaire, avec des centres de rétention comme ressort de l'immédiat. Gibraltar, Lampedusa, Malte, Canaries avec parfois la mort au bout du voyage. L'Afrique pirogue, alors, et de plus en plus vite.
Dans un circuit parallèle du tourisme, une migration passagère s'adonne aux loisirs, et devient une des premières activités et de ressources pour certains pays en difficultés ou aux exportations en déficits. Un milliard de voyageurs occasionnel enregistrés crée le 4ème rang des échanges, est loin d'être négligeable. Vacances par charter, dérégulation des prix, low-cost, filtrés par Internet ont créé de nouvelles destinations en augmentation bien que l'Europe reste la première destination parce que l'exotisme continue à faire peur.
La France accepte assez mal la diversité. Le Royaume Unis, multiculturaliste. L'Allemagne qui subit un déficit d'intégration. La Russie attractive. Les États-Unis, rêves en berne avec des latinos aux portes. Canada avec l'intégration choisie et séparatiste. Le Brésil qui migre mais de l'intérieur. L'Australie très pragmatique. L'Inde xénophobe en ville des saisonniers précaires, mais qui tarde à voir le retour des cerveaux.
3. Diasporas et peuples transnationaux
La longue errance des Juifs. Fuir violence, persécutions ou recherche d'une identité par la religion qui perdure à travers les âges dans une dispersion d'une diaspora quitte à déplacer ceux qui auraient pris place. Conflits avec la religion en toile de fond. Tribus sémitiques nomades qui se sédentarise au Xème siècle avant notre ère en Palestine. Qui s'unifie dans un royaume. Au 6ème siècle avant notre ère, Nabuchodonosor entraîne les populations de Jérusalem jusqu'à Babylone. Alexandre le Grand continuera le processus vers Alexandrie. La diaspora commence. Rejetés, au 2ème siècle de la Palestine, par les Romains suite de l'hostilité chrétienne, ils trouveront un certain accord partiel en Espagne musulmane. Séfarades vers l'Ouest avec la langue ladino. Persécutions, pogroms et parcages dans des ghettos en Europe orientale engendre des migrations, vers l'Est, chez les ashkénazes avec la langue yiddish comme support. Pas le même livre, ni les mêmes pratiques culturelles. Première migration vers New York, dès le 17ème siècle. Le terme "antisémitisme" apparaît en 1873. L'affaire Dreyfus et d'autres pogroms feront fuir les Juifs surtout vers les États-Unis. L'idée de l'Aliyah, le retour vers la Palestine, la Terre promise, naît en 1881 par le Dr Pinsker. La période nazie élimine près de 80% de la population nationale. Des organisations Hovevei Sion et de Théodore Herlz contribueront à concrétiser le projet en 1948 en poussant l'irréductible question palestinienne vers un partage entre réfugiés ou déplacés après cette "nakba" dans un partage politique de terrain et d'eau, mal fixés.
État des lieux du peuple Kurde, peuple le plus nombreux mais sans État nation, , non assimilés, mais rassemblés par l'unité linguistique, partagés entre des ennemis ancestraux, les Perses et les Ottomans.
L'héritage arménien qui traîne toujours le souvenir du génocide, contesté, de 1915.
Les antennes libanaises restent secouées par des conflits dans une diaspora dirigée entre production et consommation.
La galaxie grecque encadrée par l'église orthodoxe vers les États-Unis et l'Australie et des Turcs, très européens qui s'organisent dans leur pays d'accueil de manière plus souple.
Les ancrages portugais, pays d'émigration avant d'inverser le mouvement avec des comptoirs avec l'idée de "partir pour mieux rester" et la langue portugais qui devient la 3ème langue européenne utilisée dans le monde.
L'Italie hors les murs avec des accords bilatéraux de partage de mains d'œuvre vendus au plus offrant.
Le Maroc sans frontières avec la France comme première ouverture vers l'Europe après l'indépendance pour concrétiser l'échange de bons procédés dans une devise "immigrée" rimant avec ressources économiques.
L'autre archipel philippin, le monde avec un record exportateur constituant une manne pour le pays d'origine.
Les Indes migrantes qui sont courtisées pour attirés les investissements dans le high-tech vers l'outsourcing offshore toujours sous le joug ancestral de castes.
Les quartiers chinois avec 30 millions de chinois en diaspora dans un mythe de l'eldorado et Pékin qui investit l'Afrique, en néo-colonisateurs.
Au départ de la Bohème, les Roms, parents pauvres de l'Union, gens du voyage en marge des sociétés, opportunistes, ils traversent en empruntant les cultures des visités.
Voici, pour le passé et pour quelques situations d'aujourd'hui.
Est-ce que cette impression suffira-t-elle dans le monde de demain et d'après demain?
Nous le verrons dans l'article suivant.
L'enfoiré,
Sur Agoravox, même sujet, même discussion.
Citations:
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« C'est le degré de culture et de prévoyance plus que le degré d'aisance qui paraît régler la restriction des naissances. », Alfred Sauvy
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« En vérité, je ne voyage pas, moi, pour atteindre un endroit précis, mais pour marcher : simple plaisir de voyager. », Robert Louis Stevenson
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