11/03/2006
La mort a des ailes
Est-ce la grande peste du 21ème siècle qui nous tombe sur le dos? La médecine et la pharmacie pourra nous sortir du pétrin. Les oiseaux, eux, seront des victimes à part entière.
On ne fait plus que parler de ça. Voilà mon grain en plus. Réaction normale quand, en premier lieu, le contenu de notre assiette est touché. Comme un véritable thriller du cinéma vérité, on suit la progression du virus de la grippe aviaire de pays en pays: "Va-t-il atteindre notre région? Vous le saurez ce soir en écoutant la télé".
L'Encéphalopathie Spongiforme Bovine dit la vache folle (1997) qui nous a fait connaître une maladie du cerveau de l'extrême et l'obligation de penser un peu moins à la viande dans nos assiettes.
Le Syndrome Respiratoire Aigu Sévère suivit en 2003.
Voilà la grippe aviaire de la virulente souche H5N1 qui fait une hécatombe chez les oiseaux et parvient à se transmettre aux mammifères mais toujours difficilement. La maladie de la vache folle avait, en son temps, imposé un embargo sur toute exportation de viande en provenance de Grande Bretagne et ce n'est que récemment qu'il a été levé. C'est dire les dégâts économiques que ce genre de maladie peut engendrés.
Le fameux virus, à l'origine de la grippe aviaire (appelée aussi grippe du poulet), a été, jusqu'à présent, fatal à quelques personnes par transmission du virus de la volaille à l'homme. Le réservoir à virus est d'origine animale. Il ne s'agit pas de la grippe humaine et il faut relativiser même si une menace existe. La Grèce, la Turquie, la Roumanie, la Croatie, l'Autriche, l'Allemagne, la France, la Suisse ont à leur tour été touchées. Transmissible difficilement de l'oiseau malade à l'homme, elle n'est pas moins à prendre au sérieux car une pandémie d'un nouveau genre apparaitrait si ce virus pouvait muter et se transmettre par contagion fulgurante de l'homme à l'homme. Ce phénomène de mutation s'est produit, jusqu'ici, une seule fois entre 1918 et 1919 avec la grippe espagnole de la souche H1N1 qui a fait de 20 à 40 millions de morts soit 10% de la population affectée. C'est énorme. La situation d'alors était bien différente: une population affaiblie par la guerre.
En provenance d'Asie de l'Est en passant du Vietnam à l'Indonésie par la Chine, il a nécessité l'abattage de 60 millions de volailles. En Europe, les contacts avec les animaux sont heureusement assez restreints. En Afrique, sans détection précoce et sans isolation des malades, le problème pourrait être beaucoup plus épineux.
La première identification de ce virus animal date de la fin du 19ème siècle et la "notoriété" du H5N1 devenu meurtrier pour l'homme est apparue pour la première fois à Hong Kong en 1997, pour se rendormir et réapparaître fin 2003 en Asie.
Le zoo de Jakarta a été fermé dernièrement pendant 2 mois. L'antivirus amantadine a été utilisé et un cordon sanitaire installé après un cas avoué par les autorités locales. Pourtant la population des pays asiatiques continue comme par le passé à manipuler des quantités énormes de volailles sans précautions particulières. Les oiseaux migrateurs sont devenus les vecteurs de la maladie dans leur périple annuel.
Quand aurons-nous notre tour, voilà la question à "un euro"?
Des mois seront nécessaires, très certainement. Pas de panique tout de même, sa transmission reste très rare. Moins de 100 personnes dans le monde en ont péri, un peu plus ont été contaminée dans des populations vivant en grande promiscuité avec les volailles et dans des conditions d'hygiène précaires.
La souche doit être identifiée pour déclencher l'alarme. Si l'on suit les déclarations alarmistes de certains, la grippe aviaire va envahir le monde des humains indubitablement. Il n'y a plus qu'à attendre son arrivée! Le danger de pandémie, s'il se concrétise, ne se manifestera que dans deux ans, dix ans ou peut-être jamais. En attendant, la logistique de stockage (déjà 500.000 doses antivirales et 3 millions fin 2006), la préparation de médicaments et de masques a été lancée. Une fois, le danger bien présent, les aéroports seront à surveiller tout particulièrement en fonction du pays d'origine des voyageurs. Jusqu'ici, les autorités ne veulent pas lancer la panique et le stricte nécessaire d'info transpire. Pas de méthode Coué cependant et la surveillance, on y travaille et on attend des moments plus opportuns. L'importance d'une bonne communication reste et restera fondamentale.
L'OMS tient à l'œil la progression de ces migrations de jour en jour. Les ornithologues, les éleveurs et les vétérinaires sont sur pied de guerre. L'APSCA surveille la chaîne alimentaire et analyse les causes de l'influenza. Les épidémiologistes et les virologues ne chôment pas.
Nul doute, les précautions dans ce cas ont été prises. Pendant trois jours durant, un symposium majeur à Malte du 10 au 14 septembre 2005, constitué de participants de plusieurs pays de tous horizons, s'est réuni pour discuter de la marche à suivre en cas d'épidémie due à cette grippe aviaire qui transiterait par l'intermédiaire des oiseaux atteints d'un virus grippal et aboutirait, en théorie, en se fondant dans une nouvelle grippe mortelle à l'homme. De toute manière, la transmission vers l'homme se fait comme toute grippe par voie respiratoire non par voie digestive par la nourriture. Manger de la volaille bien cuite est sans danger dans nos pays. Pourtant, la consommation du poulet a baissé de 50%. Mais, un poulet peut en cacher un autre, et si l'on achète moins de poulet "en barquette", on continue à acheter les produits dérivés, comme le vol au vent... Cela fait toute la différence entre manger "un poulet" et "du poulet". Seules, les fientes des oiseaux contiennent le virus.
Circonscrite en Asie du Sud-est jusqu'ici, on ne compte en effet qu'une vingtaine de cas isolés dramatiques pour ceux qui en sont atteints mais qui est loin de toucher la population mondiale. Un million d'oiseaux mort de ce fameux H5N1 ont été découverts. Avec prudence, il s'agit donc de confiner d'une manière obligatoire les volatiles domestiques sous des filets pour le moins ou dans un endroit clos. Malheureusement, cette règle n'est pas suivie partout. L'Europe bat de l'aile et vole encore à plusieurs vitesses sans coordination, il ne faut pas l'oublier.
De plus en plus de pays d'Europe (7) ont été touchés, c'est vrai, mais, surtout, pas de fatalisme et pas de fantasmes. Le risque de pandémie et la conversion du virus en un vecteur d'homme à homme restent actuellement toujours hypothétiques. Il s'agit pourtant de préparer des plans de bataille car le temps presse et le "Monsieur Grippe Aviaire" s'y attèle avec sérieux. Comme pour toutes les grippes, il va sans dire que les populations à risque ayant en général plus de 60 ans sont les plus vulnérables.
Tout à coup, les oiseaux migrateurs, qui doivent encore arriver avec le printemps, ne sont plus observés avec admiration dans leur migration mais avec la peur dans le regard. Un cygne qui meurt quelque part, c'est toujours très mauvais signe ! Les canards, comme tous palmipèdes, sont les plus dangereux, car ils peuvent être porteur du virus sans en mourir et peuvent le véhiculer facilement. Le premier mammifère, un chat allemand, a été victime de cette épizootie. Un repas trop facile est à l'origine de sa mort. Depuis lors, une psychose idiote s'est installée chez les possesseurs d'animaux de compagnie qui se sont mis à les abandonner.
Face au risque de pandémie, il y a de quoi rester assez ébahi par les efforts dépensés par les autorités de tous les pays européens et américains qui tout à coup, se sentant vulnérables se sont mis à mettre des milliards de dollars sur la table. Un bon point, la santé n'a décidément pas de prix. Les autorités auront fait leur travail de prévoyance, l'honneur est sauf. A côté des antiviraux classiques, un vaccin universel pour résister à tous les types de grippes est à l'étude et en train de se financer. Mais quand arrivera-t-il à maturité?
Axel Kahn émettait l'idée de pouvoir un jour se débarrasser une fois pour toute de tous les agents infectieux (virus, microbes, parasites), car un remède effacera une maladie mais une autre apparaîtra ensuite pour suivre le principe de l'évolution du vivant. S'armer pour remporter les batailles est le but de demain. Bien comprendre les réactions de l'homme quand il est agressé par les agents infectieux et les cellules cancéreuses et comment elles se produisent par la recherche génétique et pour aboutir au développement de médicaments antiviraux et de vaccins.
Mais, d'autres dangers et situations, qui n'ont rien de théorique, eux, n'auront-elles qu'à attendre que cela se passe et mettre leurs soucis et lamentations en sourdine? L'économie pourrait subir un ralentissement de 25% dans le pire scénario de pandémie.
Les oiseaux ne sont pas des victimes, ils sont devenus des vecteurs de la maladie et donc à éliminer sans aucune forme de procès et par simple obligation de précaution. Tout comme cela l'a été pour les vaches folles, voilà les volatiles qui vont faire les frais pour cause d'être devenus des "facteurs de troubles".
L'oiseau, par qui le scandale arrive, n'est plus la Créature préférée de Dieu et son sacrifice est programmé.
N'y-aurait-il pas eu lieu d’entrevoir une solution en corrigeant le problème à son origine en vaccinant à grande échelle nos oiseaux comme certains le demandaient dans les élevages, les parcs animaliers et tous les endroits de fréquentation des oiseaux migrateurs? De cette manière, d'une pierre deux coups, les oiseaux et nous auraient bénéficié de la recherche. Voilà peut-être où le "bât blesse": les oiseaux ne payent pas pour leur santé. Remonter aux sources du problème n'est pas assez rentable.
De leur côté, les colombophiles imposent le vol de leurs pigeons de concours, mais des normes communes n'existent pas dans ce domaine au niveau européen.
La panique aidant, les fameux Tamiflu et Relenza, médicaments les plus connus pour contrer la grippe arrivent à la pénurie dans les pharmacies. Un nouveau marché de la peur s'est installé. Les dernières boîtes s'arrachent à prix d'or sur Internet et parfois, le côté curatif n'y est même plus assuré. Les produits vendus par cet intermédiaire risquent les contrefaçons et doivent être évalués avec beaucoup de circonspection. Les prix en suivant l'offre et la demande organisée par cette extrapolation du risque sont grimpés à quatre fois le prix normal. Ce médicament miracle, on pourrait si tout va bien le conserver bientôt sur sa cheminée à l'image des dépenses inutiles. Stocker un antiviral "au cas où" ne sert à rien. Ces pilules ont comme tous les médicaments une date de péremption et ne peuvent être prises préventivement. Cette pénurie engendre donc un besoin artificiel. Les autorités se font attaquer et accusée de ne pas prendre les dispositions nécessaires de précaution en n'ayant pas les moyens de faire augmenter la cadence de production du médicament pour toute la population. La menace a pourtant été prise au sérieux puisque 450.000 traitements sont disponibles et trois millions de traitements (25% de la population) sont en commande. Roche est bien incapable vu les commandes provenant de partout de fournir avant fin 2007. Il est à espérer que le virus, s'il s'acclimate à l'homme, ne devienne meurtrier que passé ce délai. L'absurdité, c'est qu'on peut facilement corriger la situation. D'autres laboratoires pourraient également compléter les stocks par des médicaments génériques mais nos pays s'interdisent de recourir à ces fournisseurs suivant une "déclaration de non-usage", des raisons de licences et de respect du brevet de Roche.
Mais, ce besoin prématuré de se procurer le médicament n'est donc pas perdu pour tout le monde. L'industrie pharmaceutique s'est lancée dans la bataille et produit quitte à postposer certains autres développements et recherches ultérieurement.
Ce Tamiflu existe et n'exige pas de nouvelles recherches, il n'y a plus qu'à produire et à rentabiliser. Les revenus de Roche explosent et les ventes de Tamiflu avec eux avec +263 %.
Ce bas de laine-là, ne blesse plus du tout de ce côté, il a plutôt tendance à s'assouplir douillettement.
Début mars, GlaxoSmithKline (GSK) annonce fièrement l'arrivée d'un vaccin de 1ère génération dans les trois mois qui sera suivi bien vite par une 2ème génération encore plus performante. Prêt, donc.
Ce qui arrive dans le budget de la santé et transite dans l'industrie pharmaceutique ne le fera plus dans l'industrie de l'armement. Et cela, en soi, c'est déjà une bonne nouvelle !
Entretemps, il faudra prendre en grippe cette grippe "à bière", pardon, hic, aviaire. La Belgique ne serait pas sur le chemin normal des migrations des oiseaux sauvages. Rassurer au mieux et éviter la panique est une obligation.
Ironiquement, la Wallonie ne serait-elle pas plus sensible à l'apparition de cette grippe que la Flandre? Dans le sud, avec un Coq wallon comme emblème et dans le Nord, un lion des Flandres, nous ne sommes décidément pas sur un pied d'égalité ! Je sens poindre un problème communautaire !
Comme le disait le journaliste dans "Questions à la Une" du 14 décembre qui m'a permis d'écrire certaines parties de cet article :
"Pas besoin encore d'avoir la chair de poule. Celle-ci ne va tout de même pas choisir ce moment pour avoir des dents".
Autour de notre réserve naturelle du Zwin, planter, dans les nuages, quelques panneaux d'interdiction de passage aux oiseaux migrateurs, juste au cas où, ce serait amusant, non ?
Avant de terminer: un collègue m'envoie certaines recommandations comme mesures de précautions indispensables que je vous transmets avec le "doigté" nécessaire puisqu'elles ne proviennent pas des autorités compétentes:
"Les vêtements "pied de poule" ou "pied de coq" sont désormais interdits pour une durée indéterminée.
De même, pour éviter toute mise en quarantaine, il est souhaitable de ne plus appeler ses proches "ma poule" "ma poulette" ou "mon poussin", "mon canard", "mon petit oiseau des îles", "mon petit Oiseau de paradis", "ma colombe" ou de "roucouler" avec votre "petite Caille".
Ne traitez plus ceux qui vous agacent de "petite dinde", "jeune coq", "oie blanche", "drôle d'oiseau", "perruche" et "perroquet", ni de "chapon" ou de "grue", ni ceux qui se font avoir de "pigeon" ou de "dindon de la farce", ni les étourdis "d'étourneaux" ou de "tête de linotte".
Les coiffures en "crête de coq" sont interdites, de même que les teintures "aile de corbeau", et vous ne devez plus "vous pavaner comme un paon" ni faire la « bouche en cul de poule ».
Vous ne devrez pas "monter sur vos ergots" ni vous "prendre de bec" avec les autres, comme il est interdit de "se voler dans les plumes".
Il n'est pas non plus conseillé de jeter des œufs à ceux qui chantent faux, d'applaudir celles qui "chantent comme un "rossignol" ou de vous montrer "gai comme un pinson".
Ceux qui voudront crier victoire sont priés de ne plus pousser de "cocorico".
Les "poulets" resteront dans leurs casernes et leurs commissariats et n'essaieront pas d'attraper les "pies voleuses".
Les "crânes d'œuf" sont assignés à résidence dans leurs bureaux climatisés.
Par mesure de précaution, les autres « noms d'oiseaux sont également prohibés.
Bien que le « coucou » ne soit pas un oiseau migrateur, vous êtes priés de ne plus utiliser ce mot pour vous saluer.
Et si la température descend trop, couvrez-vous pour éviter d'attraper la «chair de poule» et évitez d'avoir un «appétit d'oiseau».
Mais rien ne vous interdit de prendre votre «plume» pour compléter cet avis à la population et de le faire suivre, sans faire appel aux «Pigeons voyageurs», à tous vos amis !".
Le site de L'Organisation Mondiale de la Santé est très complet pour donner les renseignements les plus récents.
L'enfoiré
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"Le meilleur remède ne s'achète pas à une pharmacie et sur ordonnance. Le meilleur remède, vous l'avez en vous et il s'appelle l'instinct de vivre", Paul Toupin
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"En politique comme en pharmacie, il faut toujours agiter la solution avant de s'en servir", Anonyme
Mise à jour janvier 2003: Le SARS est arrivé
Mise à jour août 2014: Voilà le virus Ebola
Mise à jour décembre 2019-2020: Le Coronavirus se manifeste
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Publié dans Actualité, Organisation, Philosophie et religions, Santé et bien être, Science | Lien permanent | Commentaires (2) | Imprimer
Commentaires
Vous êtes optimiste, il le faut. Néanmoins suivez ce lien pour télécharger le rapport parlementaire français sur le sujet.
Mon billet à ce sujet :
http://classemoyenne.hautetfort.com/archive/2006/02/index.html
Le rapport :
http://classemoyenne.hautetfort.com/files/rapport-grippe-aviaire.pdf
Écrit par : éric | 11/03/2006
Et voilà le virus ebola pour changer
http://www.lefigaro.fr/international/2014/08/09/01003-20140809ARTFIG00136-ebola-la-zambie-et-la-guinee-ferment-leurs-frontieres.php
http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/faut-il-craindre-le-virus-ebola-ou-155270#forum4092533
Écrit par : L'enfoiré | 10/08/2014
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