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09/07/2007

Traité utile

Le mini traité en compromis de la CE (23 juin 2007), bricolage institutionnel comparé au grand projet de la constitution. Alors, petit succès ou grande victoire ? Présenté par les médias, certainement, une impression de crise et la seule possibilité pour sauver les meubles. 

ba84f981397a5bcc03888c04afd31371.jpgVoilà, le traité simplifié pour l'Europe est en piste depuis le 23 juin.

J'avais déjà eu l'occasion de parler de mes impressions de ratés partiels de la CE dans l'article « En manque d'europlanisme ».

Jean-Claude Juncker, premier ministre du Luxembourg un des nains de l'Europe, qui parle trois langues est l'homme qui avait dit un jour, au sortir d'une de ces réunions au rond-point Schuman à Bruxelles: 

« Si le ridicule tuait, les rues de Bruxelles seraient jonchées de cadavres ».


C'est un des hommes politiques, européens convaincus. Espèce d'homme que l'on voudrait mettre dans le rayon « obsolète ». Comme la Constitution que l'on voulait « morte » née.

Cette fois, il a dit au sujet du mini traité simplifié: 

« Le traité constitutionnel était parfaitement compréhensible, ceci est un traité simplifié qui est très compliqué ». 

Surenchérit par le ministre des Affaires Etrangères belge qui y voyait le but dans le fait d'"être illisible". Le manque de clarté rendrait donc les choses plus "abordables" pour 500 millions de citoyens. Paradoxe? Contradictions voulues?

Alors, qui a raison?

Les sujets que l'on ne digère pas, sont à la poubelle. On a parfois l'impression de tomber sur des blancs qui ont remplacé des chapitres de la Constitution, première mouture.

Pour rester crédible, il a fallu condenser tout cela dans un temps record. C'était vital. C'était comique aussi. Du Lucky Luck inversé. L'ombre qui devait tirer plus vite que son objet.

Pierre Defraigne, directeur de la branche européenne de l'Institut français des relations internationales (IFRI), donnait à la radio son avis sur le résultat du mini traité signé de justesse en Allemagne. Ses idées me paraissaient très intéressantes. Les voici présentées un peu en vrac.

Le traité simplifié allait améliorer le fonctionnement des institutions, d'après lui. La présidence qui deviendra permanente. Qui? Des gens multilingue et déjà fonctionnel, très probablement. Le multilinguisme est la clé essentielle de la compréhension. C'est même un pléonasme que de le dire. Alors, Manuel Barroso, peut-être, mais il y en a d'autres.

Une commission réduite à 15 membres en place de 27. La double majorité qui facilite les décisions.

Le Conseil Européen, lui, restait très faiblard et peu efficace pour accoucher la moindre directive. Trop de dissensions entre les membres mène à l’immobilisme. Rien de fracassant dans la nouveauté au paravent.

La Grande Bretagne se cherche toujours. A l’intérieur ou détachée avec la Manche comme barrière de protection. L’euro, l’espace Schengen, la durée du travail, la coopération policière sont les idées avec lesquels, elle veut fonctionner en « stand alone ». Elle suivra toujours à distance. Pas de champion de l'Europe de ce côté de la Manche. Rester ouvert aux entreprises et aux états reste le projet britannique. Ce 6 juillet, le journal L'Echo osait même se poser la question "Le Royaune-Unis serait-il en train de glisser vers la la sortie de l'Europe?". Gordon Brown encore moins européen que son charismatique prédécesseur. Londres, s'auto-exclut et accepte des concessions d'aller plus vite et plus loin en matière pénale aux autres membres plus volontaristes. On détricote en douce avec la mémoire courte. Nouveau membre en 1975, le Royaume-Uni priait de créer le "Fonds de développement régional" pour moderniser et restructurer sa propre industrie. La mariée était-elle trop belle? Un divorce?

La Pologne qui a une ancienne arête dans la gorge vis-à-vis de l'Allemagne, demandera un peu de maturité par l'intérieur. On ne grandit qu'en observant les autres. Ses objectons, la CE veut les minimiser, mais elle ne veut pas rouvrir des dossiers concernant les accords signés par les membres pour une simple question de crédibilité. Les frères Kaczynski, ultra conservateurs, continuent pourtant le bras de fer. La Ligue des familles dit que l'accord serait contraire aux valeurs familiales et nationales polonaises. La ratification remise en chantier par un nouvel appel du pied nationaliste et de ce fait, anti-européen ?

La France qui s'est retrouvé au devant de la scène avec son nouveau président qui devait montré son efficacité à jouer un rôle de "bon et de mauvais flic", de social rassembleur, a réussi son coup médiatique. Mais il devra prouver et confirmer ses intentions.

La charte des droits sociaux, un peu considérée comme Europe sociale, ne parvient toujours pas à être digérée par des gouvernements du plus en plus de droite. Le « non » à la Constitution Européenne avait pourtant été porté par une majorité de Français et de Hollandais pour des raisons différentes.

Alors, retour à la case départ avec des bases différentes? Non, pas vraiment, seulement rabotées.

Une Europe à deux vitesses? Une majoritaire qui veut avancer et l'autre qui veut réduire les pouvoirs de l'Union à la plus simple expression pour faire ressortir le nationalisme. Les premiers devront monter aux seconds que cela peut marcher avec coopération renforcée et entraîneront la suite du peloton.

Organiser les avant-gardistes et ceux qui poussent sur le frein. Une vitalité démocratique est nécessaire et à ce sujet.

Il y a une chose qu'il faut remarquer du dernier conseil de l'Europe:

La chancelière Angela Merkel, « la reine des sommets », comme on l'a appelé, personnalité qui n'est pas étrangère à l'aboutissement d'un nouveau souffle pour l'Europe pendant sa présidence allemande. Deuxième événement désembourbé et débloqué par elle, lors du Conseil de l'Europe de décembre 2005.

Pragmatisme, intuition, calme, détermination, féminisme à la rescousse? Pour débloquer un tel imbroglio, un talent de médiatrice et de démineur était nécessaire pour le moins.

En février 2007, la « Kanzlerin » avait pu convaincre les 27 de réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre pour 2020.

Mon article « Femme, avenir de l'homme » avait fait sourire à l'époque. Les choses ont évolué par l'actualité brûlante et ont orienté le futur en accord sur certains points et pas sur d'autres. On ne gagne pas au tiercé tous les jours. La concurrence des autres acteurs n’a pas manqué de se présenter en libérateurs de l'Europe. Et pourtant. Peu importe.

L'article d'un autre rédacteur d'Agoravox, très complet sur cette personnalité, Présidence allemande: retour sur un bilan positif", est passé dernièrement.

Ce qui reste inquiétant pour l'Europe, c'est le Danemark et la Suède qui refusent toujours de rentrer sous le giron de l'Europe. La fiscalité de l'entreprise est devenue un point d'intransigeance de l'Irlande qui peut l'écarter aussi de l'Union pour regagner les sceptiques anglais.

L'opinion publique et l'Europe des citoyens sont les seuls qui puissent donner l'impulsion que les gouvernements trop peu représentatifs, ne peuvent plus assumer seuls. Le silence coupable du Parlement européen est, il faut bien le dire, responsable de ne pas chercher à sortir des ornières de l'immobilisme.

La colégislation et la codécision du Parlement européen ont certes gagné avec l'idée de traité. Mais, les avancées de l'Europe sont une nouvelles fois laminées, rabotées.

L'idéologie européenne n'a pas encore perdu son âme, mais elle a pris des allures de procession style « Echternach », trois pas en avant et deux en arrière.

Les citoyens, eux, ont encore, seuls, une part à jouer, restée ignorée par eux, jusqu'ici. Le clivage droite gauche n’est plus seul dans l'esprit des habitants dans une dichotomie guerrière et qui ne profite qu'à une élite. Projet médiateur intermédiaire qui ne peut arriver à destination que par de vrais partis paneuropéens, un bleu, un rouge et un vert, qui imposeraient un esprit plus fort et plus uniforme. Et si ce n'est pas encore à la bonne dimension, pourquoi pas des partis à l'échelle mondiale?

Décidemment, les Etats Unis d'Europe, qui ne copieraient pas nécessairement ceux d'Amérique par ces incompatibilités, ces virages trop peu conformes à l'ensemble des habitants de la terre, ne sont pas encore pour demain.

Alors, comme le monde ne s'est pas fait en une semaine, on attendra et on écrira sur internet ou ailleurs comme d'habitude. Internet reste « le » bon outil qui devrait sauver le monde comme j'ai osé le dire dans mon « A propos ». Sauver de l'égarement ressenti par la base sociale mais qui est aussi plus sociable que prévu en cherchant un peu.

Les pétitions, le référendum pour des décisions de sociétés peuvent inverser l'idéologie du libéralisme exacerbée si c'est de cela que la base plurielle se plaint. La privatisation n'est pas nécessairement la solution pour les véritables acteurs: les travailleurs consommateurs.

Cela remue doucement, oui. Les citoyens sont devenus plus responsables et moins passifs que par le passé. Bouger, c'est toujours plus dur.

Quand on est tous dans le même bain, il vaut mieux jeter un coup d'oeil sur le thermomètre pour obtenir une eau la plus tiède possible et garder le robinet sous la main pour les cas ou la baignoire déborderait ou qu'au contraire une évaporation viendrait à nous priver d'une eau bien rafraîchissante.

Alors, « pacte utile » ? Europe tirée d'affaire? 

Utile, la réponse est simple: oui, très utile, si les véritables acteurs consommateurs auront la volonté et prendront l'audace d'avoir leurs mots à dire. L'environnement et l'énergie à côté du social sont des points très proches du citoyen. Utile pour les acteurs du G8, eux-mêmes, nouveaux ou non, qui auront eu l'occasion de se gauger et de savoir jusqu'où aller trop proche ou trop loin. Utile, aussi, pour tous les autres qui pourront se rendre compte que si l'Europe vaut bien un "messe", elle ne se construit pas seule avec quelques représentants.

Europe, tirée d'affaire, certainement pas. Deux années perdues depuis le Traité constitutionnel mort-né, certes.

Le miracle n'a pas eu lieu à Heiligendamm. Si l'Europe ne prend pas une place véritable dans la société des nations, le G8 n'aura peut-être plus de raison d'être. Tant mieux, ce sera cela de gagner pour la diminution de pollution que cela fera gagner dans les déplacements. Les deux grands d'avant reprennent déjà les rênes en aparté, à la pèche. Pour faire comprendre qu'ils pourraient avoir changé, les US sont passés de pécheurs à prêcheurs contre le climat planétaire. Preuve que l'opinion publique n'est pas perdue de vue et qu'elle ne compte pas, en apparence du moins, pour des prunes.

Alors, "engageons-nous dans un véritable projet européen qui n'existe peut-être pas encore", pourrait-on conclure.

Pas tout a fait, comme on pourrait le penser en votant pour un parti, mais pour un programme qui irait dans la direction qui semble être le mieux. Si chacun ne peut occuper une place sur les rangs d'un parlement, cela ferait désordre, il n'en est pas moins vrai que la voix de chacun, écrite ou colportée, sculpte la voie de la sagesse commune nécessaire au véritable progrès.

"La fermer", c'est d'office se condamner en permanence soit à la case départ, soit dans l'ornière de l'habitude des "moutons de Panurge".

 

L'Enfoiré,

 

Citations: 

  • « Les êtres humains ont souvent à coeur de se singulariser par de subtiles et déplaisantes variations, défectuosités, traits de caractère... - sans doute dans le but d'obliger leurs interlocuteurs à les traiter comme des individus à part entière. », Michel Houellebecq
  • « Traitez les gens comme s'ils étaient ce qu'ils devraient être, vous les aiderez à devenir ce qu'ils peuvent être. », Johann Wolfgang von Goethe
  • « Le mâle repoussé traite généralement de "salope" la femme qui, précisément, refuse de l'être. », Marcel Pagnol

Mises à jour 7-sept-2007: L'annonce par les frères Kaczynski au pouvoir à Varsovie d'élections législatives peut-être dès le 21 octobre est venue relancer l'incertitude polonaise. La Pologne a réitéré ses réserves à propos du système de double majorité pour les décisions au Conseil et sur le compromis dit de «Ioannina» (Source: Echo) 

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