10/04/2008
Enfin, la faim...
"Quand la brique va, tout va". Quand tout le monde mange, c’est « à l’Ouest rien de nouveau ». Quand la couverture est suffisamment grande pour protéger les petits petons, « Ca plane pour moi ». Avec la situation actuelle, les choses ont l’air de prendre une odeur de roussi ou un goût amer.
Jean Ziegler a publié « L’Empire de la honte » pour mettre les pendules à l’heure de la dégradation globale du monde. Il était invité dans une émission radio (en texte ici) chez nous, ce matin du 10 avril.
Son bouquin, cela fait bien de pouvoir s’en inspirer ou de s'en émouvoir dans les conversations. Cela fait bien de montrer qu’on a de la culture et qu’on dit s’inquiéter du tiers monde qui met ¾ du monde dans une situation de précarité en danger de mort. La faim existe depuis bien longtemps. nous en prenons de plus en plus conscience. Notre classe moyenne se meurt. D'autres n'en ont jamais vu la couleur.
Subir de plein fouet une chute du pouvoir d’achat, là on voit rouge. Le réveil est dur, froid et interpellant. Comme une poule effarouchée, on se demande d’où viennent les problèmes. La spéculation est montrée du doigt comme seule responsable. Mais qui a spéculé et qui spécule toujours à l’insu de sa propre volonté ?
Tout est aujourd’hui basé sur une grande spéculation que tout normalement doit bien marcher, que tout le progrès de l’homme est toujours pour demain.
Dans mon premier blog, j’avais écrit « Nous sommes tous responsables ». Ecrit avec la jeunesse de l’écriture, le texte n’a pas pris une ride. Succès d’estime parmi les proches.
Féodaliser le monde, nous y avons tous contribué par notre aveuglement. Le bien pris pour le bénéfice de ses proches, on ne s’est jamais préoccupé s’il ne serait pas le mal pour un plus éloigné. Spéculer, oui, on le fait sur notre bien-être pas et jamais sur celui qui ne peut atteindre pour des raisons « x » ou « y » au niveau des « meilleurs ».
Aujourd’hui, on s’émeut pour la situation des Tibétains, on oublie, au passage, que le problème est bien plus fondamental et dans les racines de notre monde à plusieurs vitesses. Fallait-il passer par les JO pour donner une chance aux Chinois de sortir d'une situation de manque chronique? Quelle est la proportion de la population chinoise qui en sortira vainqueur de cette manifestation mondiale? Se poser la question, c'est y répondre en remarquant les voitures flambant neuves qui dévallent dans les boulevards de Pékin.
Il faut oser dire que comme tout le monde ne naît pas avec les mêmes chances intellectuelles, tout le monde ne naît pas non plus sur une terre propice au développement naturel ou industriel. Chacuns et chacunes, on est tous né quelque part. Chacun a les "plaquettes" dans le haut de la tête en provenance directe de la filiation. On ne choisit pas. La nature le fait pour nous.
On appelle cela, aujourd’hui, "pluralisme". Il est représenté comme un avantage, comme une chance pour le développement global. Vrai et faux à la fois.
Vrai, si les ponts et les vannes sont ouverts tout azimut, aussi bien pour le bon et pour le mauvais avec l’effort commun pour faire le premier pas vers l’autre.
Faux, si c’est d’essayer à trouver les meilleurs prix pour tout sans chercher si un dumping n’est pas sous jacent à des prix bas.
On commence seulement à parler de commerce éthique. Je me rappelle avoir lancé un pavé dans la marre en démontrant ma surprise à notre magazine des consommateurs « Test achat ».
Tout à coup, sortant d’on ne sait quelle tête, celui-ci sortait des articles en parlant du commerce éthique, alors que dans le même temps, dès les pages qui suivaient, d’autres articles recherchaient, par contrat vis-à-vis du lecteur, les maîtres achats et les prix les plus bas. La réponse a été assez évasive et très compréhensive de mon problème philosophique. Le magazine qui a suivi reprenait le rythme d’antan.
Qu’est ce que prix ? Qu’est ce que l’argent qui lui donne sa raison d’exister ?
C’est une combinaison entre la confiance de l’acheteur qui est prêt à donner, à investir, pour une valeur ajoutée que le produit vendu fournira. C’est aussi une foule d’intermédiaires qui se greffent dans la chaîne de distribution. Entre le producteur et le consommateur, il y a les diffuseurs, les bonimenteurs, les vendeurs de bonnes paroles. Difficile de faire sans eux. Bien entendu. Mais difficile aussi de comprendre que le travailleur qui réalise vraiment le nouveau produit n’ait qu’une partie infime de la valeur globale du produit.
Les matières premières ont été longtemps sous le joug impitoyable de Wall Street.
Les prix se réveillent désormais. Le riz, les pâtes prennent du gallon et rétrécissent le pouvoir d’achat du nanti occidental. Dans le même temps, l’intelligence est galvaudée sur Internet. Elle prend le large, s’exporte, s’importe mais au bénéfice de qui ? Certainement pas en bout de chaîne et surtout pas en début.
« Tout pour rien ou rien pour tout » n’était qu’une approche du problème.
La couverture n'est plus assurée. Pas question de trouver une assurance contre la vie chère. Elle est là car la couverture est plus petite. Le monde n'est pas extensible. Faut-il suivre les règles du Malthusianisme ou du néo-malthusianisme pour éliminer le trop plein? Bizarre que l'on pense toujours aux autres dans ces cas précis.
Désormais, le franc semble être tomber (pardon l’euro, les vieilles habitudes…). On a compris que l’intégration du monde n’est pas un vain mot. Que quand un pays s’enrhume c’est aussi un mini tremblement de terre à l’autre côté de la planète. Le monde est un village, dit-on. Oui, mais par le virtuel et non le réel en pur et dur. Les égoïsmes ou egocentrismes ont la vie dure et comprendre que tout est dans tout sera un pas le pas décisif. La faim, cette fois a touché nos pays. On en parle. Cela change tout.
Une fois, ce problème mit sur la table, arriverons-nous, un jour, à lancer le nouveau slogan :
« Fin de la faim ».
L’Enfoiré,
Les biocarburants sont cités comme un "crime contre l'humanité"
Citations:
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« La faim justifie les moyens, mais on a rarement les moyens quand on a faim. », Jacques Sternberg
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« L'absence de faim est un drame sur lequel nul ne s'est penché. » , Amélie Nothomb
Publié dans Actualité, Inclassable & People, Nature et Ecologie, Santé et bien être | Lien permanent | Commentaires (2) | Imprimer
Commentaires
Aujourd'hui, Paul Herman de la RTBF avait son billet et a suivi, cette fois, mon article.
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Vous ne trouvez pas qu'il fait un peu froid ? Vous ne trouvez pas qu'il fait un peu faim ? Ce mot-là en quatre lettres, c'est un tout petit mot. Mais c'est un gros mot aussi que le mot faim.
Dans notre imaginaire d'hommes et de femmes postmodernes et contemporains, nous pensions pourtant nous en être débarrassés depuis longtemps. Le mot faim, il y a des agences pour ça. Des trucs onusiens. Des machins européens. Des machinchoses locaux. Des associations, des restos de ceci, des banques de cela. Et cela faisait déjà longtemps qu'on ne donnait plus pour la faim dans le monde, la malnutrition ou les famines…
On était passés à d'autres urgences. Des tas de choses fort utiles : des crises politiques comme des cataclysmes naturels. Et puis aussi, nous avions l'esprit occupé ailleurs. La bourse, les actions qui baissent, le climat, la mer qui monte. Regardez bien : tout monte à part Wall Street qui descend. Le gaz, l'essence, la mer : hé bien la faim aussi, elle augmente. Et ce que l'on se demande aujourd'hui, c'est : est-ce que la faim dans le monde va tripler comme le prix du blé ou bien simplement doubler comme celui du maïs ?
Il y a quelques mois, l'an dernier, il y a une éternité, je vous parlais ici même de la tortilla, cette galette mexicaine ronde et jaune qui provoqua les premières émeutes de la faim. C'était en janvier 2007. Le maïs, pour les Mexicains, était devenu quasiment introuvable, donc cher, utilisé qu'il était pour les agrocarburants sensés pallier la disparition progressive des énergies fossiles. De sorte que l'on avait rencontré de plein fouet cette contradiction postmoderne : manger ou conduire, il faudrait choisir.
Les Indonésiens qui ont choisi et ont rasé des forêts tropicales afin d'y planter ces arbres à voitures viennent de comprendre qu'il leur faudrait 840 ans pour compenser le Co dégagé par ces abattages et ces plantages massifs. En même temps que la Banque mondiale annonçait que, dans ce pays, la flambée de produits alimentaires risquait d'annuler les progrès faits depuis dix ans dans la lutte contre la pauvreté…
De quoi l'on pourrait déduire que les soucis énergétiques ajoutés aux conditions climatiques, additionnés des atermoiements politiques et multiplié par les opérations spéculatives, cela donne une seule chose, des émeutes où les crève la faim meurent désormais par balles. Cinq en Haïti ces derniers jours, mais qu'est-ce que cinq n'est-ce pas, quand, comme le disait hier Jean Ziegler, un enfant meurt de faim toutes les dix secondes ?
Pour l'instant, vous me direz, pas de quoi s'inquiéter, on fait comme d'habitude : ce sont les pauvres qui ont faim. Mais vous l'aurez remarqué comme moi, les riches deviennent de plus en plus pauvres…Ah, le monde est un village sans doute, mais nos assiettes sont rondes comme la planète. Allez bonne journée et puis aussi bonne chance.
Écrit par : L'enfoiré | 11/04/2008
Après la crise financière, la crise de la faim revient.
http://www.rtbf.be/info/matin-premiere/olivier-de-schutter-est-linvite-de-matin-premiere-129629
Écrit par : L'Enfoiré | 31/07/2009
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