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30/05/2010

Que d'eau sous les ponts...

Et si on allait à la rencontre des ponts et de l'eau à Bruxelles?  Marre de la morosité, de l'austérité, de l'économie... Pourquoi pas assister à la fête du Port de Bruxelles pour démarrer une exploration de photos?

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Je ne sais si vous êtes comme moi, mais une ville qui n'est pas entourée ou traversée par un cours d'eau, n'est pas, tout à fait, une ville.


Sur les berges d'un cours d'eau, l'agitation cesse, au fil de l'eau, la vie ralentit. Dans ces périodes troublées, il faut parfois lâché la bride, calmer le jeu et sortir des complexités de notre monde. L'eau canalise les ambitions. Elle ressource.

A Bruxelles, il y avait une rivière, la Senne qui aurait pu faire office. Pour des raisons de salubrité, des odeurs et des nuisances, elle fut voutée en 1871. A part une apparition furtive, près de la place Saint-Géry, cette Senne, bien cachée sous terre, réapparait, plus au Nord, hors de la ville. La Senne permettait à la navigation de remonter son cours jusqu'à l'île Saint-Géry, il y a bien longtemps. L'ensablement, le tracé sinueux de son cours en amont, les nombreux deltas, diminuaient sa profondeur et rendaient la navigation fort difficile. L'association "Fous de la Senne" ambitionne de redonner vie à la rivière.

En attendant, le canal traverse, lui, la ville du Nord au Sud. Ce sera sous le nom de canal de Willebroek dans le Nord, de canal Bruxelles-Charleroi, dans le Sud. Artère fluviale qu'il faudra traverser de multiples fois par de multiples ponts. Le tracé d'un canal reste artificiel. Il ne déroule pas de méandres comme le ferait une rivière ou un fleuve. Un canal est là pour relier les fleuves entre eux. Il va droit au but pour le faire comme n'importe quelle artère humaine.

Au 19ème siècle, le canal séparait la ville bourgeoise et commerçante, des faubourgs pauvres, industrieux et campagnards. Il devient le sillon de développement industriel. Les ponts vont faire la jonction entre les deux parties de la ville. Les quartiers, aux alentours du canal, garderont généralement des habitants de conditions assez précaires. La vie au bord du canal s'est d'abord animée en fonction des livraisons et la distribution de la marchandise. A cause du tarissement des mines, de la concurrence de la voie ferrée et de l'évolution de l'économie mondiale, les usines de production disparurent et ont été remplacées par l'abattoir d'Anderlecht, les tankers pétroliers, les revendeurs de véhicules d'occasion.

Le canal est accessible aux convois de 1 350 tonnes. Long de 28 km dans sa partie Nord flamande, et 47,9 km au Sud pour sa partie wallonne, de largeur moyenne de 30 mètres, il s'inscrit dans un axe nord-sud reliant le port d'Anvers, via le canal maritime de Bruxelles à l'Escaut, d'une part à la vallée de la Sambre (Charleroi, Namur, Liège), et d'autre part à Mons et au nord de la France (Lille, Dunkerque) via le canal du Centre.

Vous vous souvenez peut-être du Pont Mirabeau de Guillaume Appolinaire.

Modifier un brin pour la circonstance, cela pourrait se transformer en des vers beaucoup moins poétiques:

Le Pont Van Praet

Sous le pont Van Praet ne coule pas la Senne
Et sans nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours sous la peine

Vienne la fête sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Les mains sur le guidon restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos yeux passe
Des éternels péniches par l'onde si lasse

Vienne le weekend sonne l'heure
Les bruits s'en vont et les odeurs demeurent

L'amour s'en va avec cette eau mourante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont l'esprit demeure

Passent les jours et sonnent les sirènes
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Van Praet ne coule pas la Senne

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont Bruxelles demeure

Le pont Van Praet ne fait pas vraiment rêver. Il fait plus penser, aux matins et aux soirs de semaine, aux bouchons du trafic des voitures avec les multiples voies et directions qui allongent d'autant le temps d'attente devant les feux de circulation.

1.jpgJe vous parle du Pont Van Praet, parce que, ce dimanche 23 mai, c'était la 11ème fête au Port de Bruxelles. Celui-ci se cache à proximité de l'arche du pont.

Pour commencer ma balade à vélo en ce dimanche de Pentecôte, je me suis mis l'esprit en fête, dès les premières minutes, dès l'ouverture.

Moins de monde. Le temps est superbe. Tout est accessible sans temps d'attente. L'après-midi sera bien plus chargée. On prévoyait des milliers de visiteurs. Le Port de Bruxelles, vu de haut, en dehors de cette journée de fête, ressemblerait plus à un port de plaisance avec beaucoup de petits bateaux, accostés dans des enclos réservés à la navigation de plaisance. Normal c'est un club nautique. Cette fois, ce sont des navires écoles, des trois mâts, voiles repliées, qui attirent le regard.

Descendre vers les quais de Heembeek, ouverts à tous, cette fois, et nous voici à bâbord du canal pour assister aux premières péripéties de la journée.

Deuxième port intérieur belge, sixième européen, cela veut dire une certaine importance.

En face du port, la haute cheminée de l'usine d'incinération de Neder-Over-Heembeek lance sa fumée, toute droite, haute dans le ciel. La proximité du domaine royal de Laeken rassure un peu sur la pollution qu'il pourrait apporter. On n'installerait pas de la pestillance dans le voisinage d'un palais royal.1.jpg

On se prépare de partout, pour la journée entière. Tout s'ouvre, progressivement, échoppes, petites restaurations. La marine et l'armée espèrent faire le plein de nouvelles vocations auprès des jeunes. Trois vaisseaux à voile d'un autre temps sont bien là, accostés, ouverts pour la visite. Il est permis, sans se déchausser, de monter à bord. Pour voir de plus haut, une société d'élévateurs, profite de l'événement et espère faire leur promotion en envoyant quelques visiteurs à plus de dix mètres de haut. Me voici, dans la nacelle de l'élévateur avec son seul guide. Le spectacle, de là haut, apporte une vision globale de la scène. Quelques paroles avec lui, quelques minutes pour enregistrer les paysages en pixels et c'est déjà, le moment de laisser la place.

Pour les joies de l'eau, il y a l'apprentissage de la plongée sous-marine pour les plus jeunes dans une bassine d'un mètre sur quatre sous les conseils avisés d'un plongeur qui commençait à trouver le temps long à se préparer.

Pour plus grands, il y a l'apprentissage du jet ski et la possibilité de voler sur l'eau à bord de bateaux taillés pour la vitesse. Les files fusionnent pour s'inscrire pour la prochaine balade fluviale, pardon, "canale".

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Le canal n'avait jamais vu une telle agitation depuis longtemps. Un canard tente vainement de ne pas boire la tasse en sautillant au dessus des sillons et des vagues.

Voilà, qu'un groupe de marins s'apprète à défiler en présentant les armes. Le drill des mariniers torpilleurs commence. Ces mariniers ne sont pas nés dans les années 1916 et ont servi jusqu'en 1929 quoiqu'ils dénotent d'un  âge certain. Le grand chef, avec sa barbe bien blanche, m'explique que l'uniforme date de la première guerre et qu'il a été porté jusqu'en 1939. Le pompon bleu au dessus du béret marin veut faire la distinction avec celui utilisé en France et qui est de couleur rouge. Aujourd'hui, le bataillon ne sert plus que pour présenter les honneurs dans les manifestions de ce genre. Qu'à cela ne tienne, pas à dire, on a toujours la fierté de l'emploi. 

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La foule commence à combler tout l'espace vital et je décide de continuer ma balade le long de ce canal en repérant les ponts sur mon passage. Moussaillon à pédales, j'enfourche mon vélo, cap vers le Sud, avec Anderlecht comme destination finale sur les berges du canal qui compteraient 14 kilomètres de cours en traversant la ville.

La navigation fluviale reprend son cours, sous les ponts, plus calme avec les péniches habituelles.
Du pont Van Praet, une belle piste cyclable longe le canal jusqu’au square De Trooz.
Vont se suivre la Place Sainctelette, la porte de Ninove, le pont du Petit Château, celui de la Porte de Flandre, le quai du Hainaut vers la porte de Ninove, celui de Mariemont et de l’Industrie avant de repasser en rive gauche par le pont des Hospices… Tout cela, sans se rendre compte des kilomètres qui défilent.

L'estival "Bruxelles les Bains" donne encore l'illusion de l'été passé, avec le sable sous les pieds et l'eau à proximité. 
La piste cyclable longe, cette fois encore, le canal en site propre et passe sous un pont  d'Anderlecht avant d’arriver dans la partie la plus bucolique du trajet du côté du bassin de Biestebroeck. Plus loin, l’itinéraire est rejoint par la promenade verte à hauteur de l’écluse d’Anderlecht où il est possible de continuer la promenade sur le chemin de halage en rive droite en direction de Hal, Ittre et Ronquières. En rive gauche, le chemin relie l’écluse du quartier du CERIA. Là, on quitte déjà Bruxelles.

1.jpgLe "K-Nal", comme on désigne ce canal sur certaines plaques, a suivi la vallée de la ville sans efforts et sans dénivelés.

L'ouvrage le plus remarquable est certainement celui du Plan incliné de Ronquières. Il mériterait une visite à lui seul avec ses 68 m de dénivellation qu'il permet de franchir sur une distance de 1.432 m de long. Les dénivelés sont, en effet, nettement plus importants sur le cours du canal de Charleroi même si les écluses calment ce flux sur tout le parcours avec moins d'ambition. Je n'irai pas jusque là, ce matin-là. Les voies navigable de Wallonie seront pour une autre fois.

Plus au sud, les paysages vont encore changer et prendre de l'altitude.

Le vélo est dangereux dans les villes, dit-on. Pas dans ce cas de la désertion des voitures en ces jours de congé baignés de soleil.

Remonter les rues en sens interdit donne une impression de liberté.

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Quand je pense aux routes bondées vers la mer en cette période de soleil de la Pentecôte, je me suis demandé qu'est ce qui m'avait manqué?

J'ai cherché. J'ai trouvé. J'avais manqué le Nord et le K-Nal qui va vers la Flandre.

La semaine suivante,  je remontais sur mon vélo, direction plein Nord. Le soleil était à nouveau de la partie. Un petit vent de côté pour raffraichir.

Dans cette direction, le canal s'élargit. Les berges s'industrialisent. Les ponts deviennent monstrueux, près à laisser passer des bâteaux de grands tonnages. C'est d'abord le Pont Buda qui fait clairement référence à la ville haute de Budapest. Cet ouvrage de génie civil rappelle, s'il le faut encore, qu'ici, on voit l'essor indiustriel et commercial du canal. C'est ici, que la Senne reçoit son chant du signe et que s’élève la station d’épuration de Bruxelles-Nord dimensionnée pour traiter les deux tiers restant des eaux usées de la capitale. Le ring, le périphérique passe sur le viaduc. Avec ses 22 rangées de pilliers à la dimension de la tâche, un autre monde qui oublie tout.

Plus loin, cela devient champêtre. On pêche. On fait du ski nautique. On glisse au fil de l'eau.

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Les ponts se lèvent lentement et s'abaissent tout aussi lents. Cela a l'avantage de penser à regarder le paysage. Le temps de rêvasser une nouvelle fois.

Plus loin, le  Pont Brûlé n'en a plus que le nom ressuscité de ses cendres.

Le Pont de Vilvoorde rappelle des souvenirs plus récents. La scission de BHV, par exemple.

Vilvoorde, là, où les Flamands seraient à la maison, disait un slogan dans une autre langue.

En Belgique, des ponts, on n'en manque pas. Ponts communs ou communautaires?

De l'eau, on n'en manque pas, non plus. Elle peut prendre toutes les couleurs sous les ponts.

Du vin, de la bière, c'est plutôt des deux côtés des berges.

Alors, celui-là, était-il un pont trop loin pour de seules raisons de politique?

Je me le demande encore, quand on sait qu'un pont est fait pour relier les hommes et pas l'inverse.

En images, pour les souvenirs de cette escapade.

 

L'enfoiré,

 

Un pont vers Agoravox?

Un site bien documenté permet de compléter ce billet.

 

Citations: 

  • "Sur les billets de cinq euros, d'un côté il y a une porte, de l'autre, un pont. Ça veut dire : si tu passes pas la porte, t'as plus qu'à te jeter du pont.", Anne Roumanoff

  • "Les hommes construisent  trop de murs et pas assez de ponts", Isaac Newton

  • "La conscience  est un trait d'union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l'avenir", Henri Bergson

 

Commentaires

Bravo Guy.

Il vallait mieux ne pas remonter dans l'autre sens, vers Molenbeek. Ce n'est plus le même topo.....

Amitiés

Écrit par : Victor | 30/05/2010

Vic,
Le canal n'y passe pas.
Molenbeek fera, probablement, partie d'une autre escapade bruxelloise. J'aime la diversité des topos.
Bon dimanche

Écrit par : L'enfoiré | 30/05/2010

Guy

Quel excellent reportage. Le reportage photographe en vélo qui rend compte à la fois de l'évolution sociale d'une fête du K-nal et l'observateur et analyste qui - en rase motte - n'oublie pas de souligner d'en souligner les incongruités. Je comprends que la ville doit remettre en toute urgence en valeur ce canal et lui redonner une vocation piétonnière. Et vivement mon cher ami - comme vous le mentionnez si bien - la valorisation du du Plan incliné de Ronquières.

Pierre R. Chantelois
Montréal (Québec)

Écrit par : Pierre R. Chantelois | 31/05/2010

Bonjour Pierre,
Le vélo ne va pas trop vite. Il laisse le temps de regarder le paysage. Pas besoin de parquer la voiture.
La vocation piétonnière, à partager avec les vélos, existe sur la majorité de son cours, heureusement.
Le Plan incliné, il faudra bien un jour que j'y aille.
Je suis honteux, c'est une visite qui reste dans mes carnets de voyage.

Écrit par : L'enfoiré | 31/05/2010

La zone de canal près de Ronquière et jouxtant le Bois de la Houssière revient à l'actualité avec une affaire qui date de 1985.
L'affaire des tueurs du Brabant
http://www.rtbf.be/info/matin-premiere/matin-premiere-se-penche-sur-lenquete-sur-les-tueries-du-brabant-222506

Écrit par : L'enfoiré | 01/06/2010

Les ponts inspirent aussi après nos élections.
http://www.rtbf.be/info/matin-premiere/la-chronique-de-paul-hermant-227501

Écrit par : L'enfoiré | 15/06/2010

300 platanes menacés par l'abattage, 1.500.000 pavés menacés de disparition:
http://www.avenueduport.be/

La première ‘Fête du Stadsboom’

Il s’agit de terrasser la grûûte Kettingzoeg (la grande tronçonneuse) avant 17h00, sous peine de grands malheurs.

La grûûte Kettingzoeg est manipulée par le Bûûmekapper (le bûcheron). Il représente la Mort. Avant, la Mort était représentée avec une faux, elle s’est modernisée. Mais le bûûmekapper n’est rien en lui-même…

Le vrai coupable, c’est le Dikkenek (le gros cou). C’La fête du Stadsboomest le technocrate, l’apparatchik, le néolibéral. Il a un costume bien coupé, il est toujours pendu à son smartphone. Il n’écoute pas, et il ne voit pas non plus, spécialement les évidences. Il ne doute de rien. Il sait toujours tout mieux que les autres. Il agit dans l’ombre. C’est lui qui donne les ordres. C’est à cause de lui que le Bûûmekapper est à l’oeuvre. C’est lui qui l’a fait venir. Le Dikkenek est le mauvais génie du Bûûmekapper. C’est lui qui détruit la ville…

Alors, pour défendre la décence, les Bûûmredders (les sauveurs d’arbres) ont dû se mobiliser. Ce sont des gens ordinaires, ni spécialement grands ni beaux, mais qui ont du coeur. Ils personnifient le bien. Ils se défendent avec de gros pavés, sur lesquels s’émousse la lame de la grûûte Kettingzoeg.

Et puis, il y a le Mannenken Pis. On ne le présente plus. C’est l’âme de Bruxelles. C’est celui qui donne des forces. Sa pisse (de la gueuze) guérit les blessures.

Il y a aussi, devant chaque arbre, son parent adoptif. Ce sont les parents responsables, dépositaires de la force protectrice. Ils sont reconnaissables à leur brassard blanc, portant le numéro de leur arbre. Pour la circonstance, ils ont chacun décoré leur arbre le long de l’avenue du Port menacée. Ils veillent au bon accueil, et éloignent paternellement les importuns.

Et tout autour, il y a nous, les participants. Nous sommes les Keezers (les électeurs), qui exprimons notre vote dans la Keesbus (l’urne). Dans Alice au Pays des Merveilles, c’est tous les jours un non-anniversaire, chez nous c’est tous les jours une non-élection. Electeurs un jour, citoyens tous les jours ! Le poids des votes dans la Keesbus fait perdre de sa force au Bûûmekapper. Aux moments cruciaux, nous hurlons de plus en plus fort NEÏE (Non!)

Nous portons sur nos vêtements les signes de notre attachement à la nature : décor floral, lierre, branchettes…

Nous sommes là avec parents, enfants et amis pour partager ce moment de liesse, et pour montrer notre opposition ferme à la rénovation-massacre de l’avenue du Port programmée pour le 5 septembre 2011. Le lendemain de notre fête, le gouvernement bruxellois tient la première réunion de sa rentrée politique. Nous voulons qu’il revoie cette décision et qu’il réétudie ce projet. (Avenue du Port, au coin de la place Sainctelette)

Ensuite: auberge espagnole. Chacun apporte de quoi boire, son verre, son assiette, de quoi grignoter, et on s’échange.

Écrit par : L'enfoiré | 28/08/2011

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