04/05/2005
A la casse
L'âge demande des réajustements dans l'activité humaine. Des réajustements, oui, mais pas une mise à la casse.
Dans toutes les civilisations primitives et, il en est encore de même dans certains pays asiatiques ou africains, le plus âgé de la communauté, le patriarche, bénéficie d’un respect sans contestation de tous les membres de son clan.
Son expérience, reconnue de tous, lui donne le droit de gouverner et la dure tâche de préserver et de défendre sa « famille », ceux qui croient en lui, contre toute atteinte hostile d’autres groupes.
Chez les animaux qui vivent en bande, le dominant, généralement le plus âgé du troupeau, mène ses troupes et défend chèrement sa dominance et son statut contre d’éventuels prétendants.
Dans le monde des affaires, pour des raisons de rentabilité et de profit, les anciens sont très vite mis au rancard. Ils sont devenus, aux yeux des dirigeants des sociétés d’aujourd’hui, soit trop chers, soit plus assez rentables.
S’il est indéniable que le temps émousse la mémoire, les cellules grises et les capacités à emmagasiner avec la même vitesse que les jeunes travailleurs les nouvelles connaissances, il n’en demeure pas moins vrai qu’ils ont acquis une connaissance qui vaut son pesant d’or par leurs nombreuses années de carrière.
Dans la vie de bureau, les méthodes de travail en perpétuelle mutation ont pu faire déraper certains, mais, avec leur base bien ancrée, ils ne sont pas restés en rade bien longtemps de leur propre chef.
La Belgique se trouve dans le peloton de queue parmi les pays européens pour le très faible pourcentage de travailleurs ayant accompli une carrière complète.
Depuis de nombreuses années déjà, de nombreux incitants ont été imaginés pour mettre un terme prématuré à leur carrière et tenter de mettre plus de jeunes au travail.
Des prépensions tout d'abord qui permettaient de garder un maximum d’avantages, salariaux et en nature.
Si les travailleurs y trouvaient une occasion de profiter de la vie plus rapidement, les employeurs y voyaient le moyen de se débarrasser de ‘leurs vieux meubles’.
Résultat : seulement 25% de la tranche d’âge de plus de 55 ans est actuellement encore active.
Pour ne pas grever les statistiques gouvernementales, les pensionnés de plus de 50 ans n’entrent plus dans les rapports statistiques présentés aux offices officiels du marché du travail.
Le gouvernement et l’organisme des pensions, voyant une faillite prochaine du système, font de plus en plus grise mine et s’attèlent à corriger ce cataclysme annoncé par une offensive tous azimuts, en rendant cette prépension moins attractive, en tentant même d’allonger la période active et dépasser l’âge fatidique des 65 ans.
A de rares exceptions près pourtant, dans la pratique, trouver un travail se résume à une démarche vide de sens et à une peine perdue d’avance après 55 ans voire 50.
Des fins de carrière ne sont plus acceptées qu’en cas de restructuration obligatoire pour raison économique. Le « Canada dry », expression amusante utilisée pour définir la pension anticipée, devrait annihiler toute velléité des travailleurs pour rejoindre les inactifs.
L’avenir du modèle social belge est remis en question. La menace et le chantage planent sur les concertations sociales et l’échec de l’accord interprofessionnel sonnerait le glas des beaux acquis sociaux. Les syndicats se plaignent de l’arrogance patronale.
Depuis peu, le patronat belge mène une véritable offensive contre la réduction du temps de travail et des heures supplémentaires en une guerre idéologique. Véritable retour en arrière du point de vue sociétal face au contexte de croissance au niveau actuel de la productivité, l’augmentation de fait du temps de travail, ne peut que réduire encore un peu plus le marché de l’emploi. Le rapport de force et des relations sociales est l’enjeu de demain. Le plein emploi n’est plus à l’ordre du jour dans ce contexte. Les aînés sont écartés en premier de la vie active. Les jeunes temporisés, en attente de plus de qualifications, qu’ils ne peuvent acquérir autrement qu’en leur accordant de se jeter dans la bataille et de faire leur preuve. La sensibilité et le paternalisme sont des mots qui n’ont plus droit de cité dans ce rapport de force.
Pourtant, Gilbert DE SWERT, directeur du service d’étude de la CSC, publiait récemment un livre révélant les « 50 mensonges sur la fin de carrière ». Un matin, à la radio, il était interviewé par Jacqueline Liesse, journaliste de la RTBF et je vous en livre attaché le dialogue riche d’enseignements. (interview_de_swert.doc et le site)
La situation n’est d’ailleurs pas la même au Nord de Belgique, où le problème de l’emploi des personnes en fin de carrière est plus aigu et au Sud du pays, où les jeunes ont plus de difficultés à trouver un emploi.
Les multinationales choisissent souvent de jeunes Top Managers (35-40-max 45 ans) car ils sont plus malléables. Un jeune cadre, sans expérience de la vie – qui n’a pas encore été victime de réorganisation – accepte plus vite une promotion ou une augmentation sans réfléchir aux côtés négatifs qu’il ignore encore. Il ne se rend pas compte que si, lui, il prend l’ascenseur vers le haut, d’autres le prennent automatiquement vers le bas.
Vu sa classe d’âge, il n’est pas de son premier élan de promouvoir les aînés dont il a la charge. Son choix sera vite fait face au « stop ou encore » des carrières de ceux-ci.
Il n’entrevoit pas encore pour lui les conséquences du temps qui passe.
Un jeune cadre travaille à court terme, pour Wall Street, un « vieux » à la « pérennité » de l’entreprise, mais la pérennité de l’entreprise n’intéresse pas les actionnaires. C’est maintenant que leurs actions doivent rapporter gros
Hugues Le Paige, journaliste de la RTBF, comparait cette situation avec celle des Etats-Unis, pays progressiste s’il en est, dans un de ses billet du matin et que je vous livre tel quel :
« Aux US, la sécurité sociale, on le sait, n’existe pas. Les assurances maladie doivent être contractées dans le secteur privé à des tarifs exorbitants. Le système est catastrophique. Trente millions d’Américains ne bénéficient d’aucune couverture. Les dépenses de santé par habitant sont les plus élevées au monde alors que l’espérance de vie est plus faible qu’ailleurs et la mortalité infantile plus importante. Dans son ensemble, ce système est très coûteux pour une société américaine peu ou pas protégée. Et les conséquences ne s’arrêtent pas là. Paradoxe ou effet pervers : c’est finalement l’emploi et le développement économique qui pâtissent de cette dérégulation sociale. En effet les Américains peuvent accéder à l’assurance maladie uniquement par leur travail dans la mesure où ce sont les employeurs qui en paient les primes mais voilà, comme ces primes sont très élevées, on s'engage de moins en moins malgré un taux de croissance économique spectaculaire. La hauteur des primes étant à la mesure du risque individuel que les compagnies doivent à chaque fois calculer, les Américains sont en train de découvrir que la mutualisation des risques est globalement rentable. Pour peu ils réinventeraient la sécurité sociale. Et d’ailleurs les deux candidats à la présidence des Etats-Unis, dans des mesures différentes, il est vrai, veulent développer le degré de socialisation du financement des dépenses de santé. Ils ont compris que cette mutualisation des risques, c’est –à- dire l’organisation collective de la protection sociale, permettait à la fois de réduire les charges des entreprises, de diminuer le coût global des soins de santé et d’assurer réellement la croissance. Cette leçon est à méditer ici en Europe où les champions de la dérégulation sociale n’arrêtent pas de donner de la voix alors que le marché persiste, lui, à faire trop souvent preuve d’irrationalité économique. »
Il n’est pas rare dans ces conditions d'y trouver toujours des travailleurs actifs de plus de 70 ou 80 ans qui n'en sortiraient pas sans cet apport pécuniaire supplémentaire.
Des formules de 4/5 temps apportent une partie de solution et arrivent à soulager cette carence de temps plein, de manque d’heures de travail qui ne sont plus disponibles pour tous.
Dans la théorie, le temps libéré devrait trouver débouché chez d’autres travailleurs dans l’idée de partage. Est-ce le cas en pratique ou une autre manière de diminuer les heures d’emploi payées qui sapent le bénéfice des entreprises qui doivent en permanence apporter de bonnes nouvelles à Wall Street?
Une autre piste pour nos aînés, bien plus proche de l’intérêt et du progrès commun des Hommes pourrait être lancée ou relancée.
Elle n’est pas nouvelle, mais elle est souvent sortie de l’esprit de nos employeurs.
Au lieu d’envoyer à la casse ces ‘moins jeunes’ et perdre par là même l’expérience de toute une vie et s’obliger de recommencer inlassablement les mêmes expériences, les mêmes erreurs, pourquoi ne pas convertir ces aînés en de parfaits nouveaux communicateurs d’expériences, de praticiens de la vie ?
Dés 55 ans et cela pour plus de 10 ans à temps partiel ou plein, cela leur permettrait, avec fierté et parfois nostalgie, de leur rappeler leur passé et de partager leurs expériences enrichissantes avec les jeunes qui n’en retireraient que plus de force pour leur propre avenir à la sortie des écoles. Le surcoût pour les entreprises, qui espéraient des gens moins chers, pourrait très bien être pris en charge par l'Etat en remplacement du chômage payé actuellement.
Le cinéma avec "Monsieur Schmidt" d'Alexander Payne met en scène Jack Nicholson avec le sujet qui nous occupe aujourd'hui.
Des retraités, regardons ce qui se passe ailleurs, préconisait Philippe Geluck. Au Vatican par exemple. Pas de retraite dans ces murs, on travaille jusqu'au bout et on ne semble pas s'en plaindre.
« L’école de la vie pratique professionnelle », voilà l’offre qui je suis sûr pourrait intéresser beaucoup d’aînés dans un esprit de solidarité.
« Delivered and not die » pourrait être la nouvelle maxime paraphrasant l’autre bien plus connue de "Deliver or die".
L'enfoiré de service,
Citations :
- "Une bonne retraite est meilleure qu'une mauvaise résistance", proverbe irlandais
- "Retraite : Après avoir filé droit, voici le temps venu de tourner en rond.", anonyme
- "Les maisons de retraite, c'est comme les colonies de vacances sauf qu'il n'y aura pas de rentrée des classes.", Patrick Timsit
- "Pour la femme, retraite signifie deux fois moins d'argent et deux fois plus de mari.", anonyme
Le site de Seniorflex avec leurs actions
Publié dans Inclassable & People, Monde des affaires, Organisation, Politique, Santé et bien être | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : retraite | Imprimer
Commentaires
Je représente la seule mesure fédérale pour les entreprises du secteur privé pouvant les aider financièrement (notamment) à concrétiser le transfert des compétences des "55+" vers les autres tranches d'âge; mais en tout cas à améliorer les conditions de travail ou d'organisation du travail de leurs travailleurs plus âgés
www.meta.fgov.be : rechercher "Fonds de l'expérience professionnelle"
Écrit par : FLAMION Isabelle | 23/05/2005
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