02/06/2005
T-shirts à gogo !
Les textiles, premières proies de la Chine ou d'Inde pour envahir les pays européens.
En février dernier, je parlais des répercussions de la levée des quotas à la production textile chinoise survenue au 1er janvier 2005. Depuis lors, l'inondation des produits textiles chinois des marchés européens et américains poussent de plus en plus d'entreprises occidentales de mettre la clé sous le paillasson.
Cette date marquait, en effet, le démantèlement complet de l’Accord Multifibres, qui avait auparavant imposé des restrictions quantitatives sur l’exportation chinoise des vêtements.
Les prix hors concurrence des produits textiles chinois dus notamment au coût incroyablement bas de la main d'œuvre locale lié à la faible protection sociale de celle-ci et à l'arrimage artificiel de la monnaie chinoise au dollar, ont permis l'arrivée en masse et contribuent à rendre invendables les produits textiles produits par le reste du monde.
Si, au départ, ce dernier rêvait de tirer un bénéfice de l’ouverture du marché potentiel énorme avec la Chine et l'Inde par leurs exportations propres en suivant la volonté de l’OMC, il lui faut aujourd’hui déchanter.
Il n’est d’ailleurs pas certain de trouver les consommateurs ayant le pouvoir d’achat pour espérer de faire des affaires fructueuses avant de nombreuses années. Toshiba vient, à la suite de cette constatation, de décider de rapatrier une de leurs usines installées sur le territoire chinois.
Perdre de l’emploi à la pelle dans le secteur textile et, en plus, malgré cette action drastique, ne plus trouver le moyen d’écouler sa production, la coupe était pleine et nos commissaires européens ou américains allaient devoir se mouiller.
L’enquête qui s’ensuivit dans 9 catégories de produits a poussé Peter Mandelson, commissaire européen au Commerce extérieur, d'estimer disposer de preuves suffisantes pour réagir au sujet des t-shirts et du fil de lin dont les exportations ont bondi respectivement de 187 et 56%. Il réclame d’une manière timide plus de modération à Pékin et pense intenter une action à l’OMC.
Des règles protectionnistes pourraient être remises en place par une limitation temporaire aux exportations chinoises jusqu’à fin 2005.
Une clause spéciale dans les accords d’adhésion à l’OMC pourrait installer de nouveaux quotas.
Le pull-over et les pantalons (400 et 500 % d’augmentation) sont les segments les plus affectés, car ils impliquent une activité à haute intensité de main d’œuvre, donc plus exposée aux charges salariales. Le t-shirt a beaucoup plus de chance de se frayer un chemin dans cet environnement de rude concurrence, car c’est une industrie très intégrée verticalement. Elle nécessite également un apport de main d’œuvre nettement moins important que les autres filières.
Le consommateur européen s’y retrouve-t-il dans cette situation ?
Rien n’est moins sûr. Les intermédiaires, eux, ne tirent peut-être pas les mêmes conclusions.
D’autres produits plus sophistiqués encore arriveront très bientôt. La société Youngor, vous vous souvenez?
Mais la Chine, devenue une véritable grande puissance, fait la sourde oreille ou réplique plus sèchement que pour se payer un seul Airbus, il leur faut vendre 20 millions de chemises.
En Inde, même solution pour créer du low-cost. L'Inde fait partie des plus grands producteurs mondiaux de textiles et de vêtements. L'industrie nationale des textiles et des vêtements contribue pour 2,3% au PIB de l'Inde, 7% de la production manufacturière du pays et 13% des recettes d'exportation du pays.
Le dilemme est on ne peut plus clair.
L’invasion, dont s’inquiètent enfin Européens et Américains, est bien en passe de se produire sans échappatoire. Un embargo ne semble pas être la solution dans un marché mondial de libre échange et cela ne semble pas émouvoir le gouvernement chinois outre mesure.
Au lendemain du massacre de la place Tienanmen en 1989, l’Union avait lancé en représailles un embargo sur la livraison d’armes vers la Chine. Celle-ci, jugeant cette situation discriminatoire et intolérable, met la pression pour que l’Union lève cet embargo.
La France, qui a vendu une trentaine d'Airbus à Pékin, voudrait lui faire cette fleur. Sa croisade dans ce sens était sur la bonne voie, malgré l'opposition des Etats-Unis.
Pour l'ouvrier occidental du textiles, ça lui fait une belle jambe qu'on échange des Airbus contre ce qu'il produisait du mieux qu'il pouvait et qui se retrouve au chômage.
Les règles de Pékin pour ne pas accepter la sécession de Taiwan, les problèmes de non reconnaissance de l’invasion du territoire chinois par les japonais n’ont pas donné un coup de fouet à la levée de cet embargo.
Alors, l'histoire des textiles tombe plutôt mal. La Chine jure qu'elle respecte parfaitement les règles de l'OMC et pointe du doigt le manque de préparation des autres parties du monde.
Ce 21 mai 2005, Pékin vilipendé de toutes parts, décide d’augmenter ses taxes pour le limiter l’exportation de son textile. Un pétard mouillé, car, seulement huit jours après le revirement énergique du ministre de l'économie chinois retire à nouveau toutes ces mêmes taxes à l'exportation.
Dans ce courant irréversible, quelle est notre planche de salut ? Qu’avons-nous pour garder une longueur d’avance ?
En première instance, réguler au mieux les échanges internationaux.
Mais, la vraie réponse est non équivoque : l’éducation et la recherche.
La recherche financée par les fonds publics ne devrait d'ailleurs pas systématiquement être attribués à des recherches aux débouchés commerciaux immédiats.
Il n’y a pas d’autre solution. Les budgets alloués dans ces deux secteurs ne peuvent être rognés sous aucune prétexte. Ce serait suicidaire de prendre une autre alternative si on ne veut pas devenir les conservateurs de musées que seraient devenues nos beautés architecturales européennes comme semblaient le laisser entendre avec beaucoup d’humour mais de clairvoyance les marionnettes de l’info de Canal +.
La quantité contrée par la qualité, un match pas gagné d'avance.
Dernièrement la France, analysant les produits importés, découvrait, utilisés dans la confection des textiles, des colorants interdits et catégorisés comme dangereux pour la santé et non acceptés par les normes de sécurité des pays européens.
Des organismes d’analyses scientifiques indépendants le certifient.
C’est, bien sûr, matière à résistance pour nos leaders européens. Alors, intox ?
Etonnant, quand on se rappelle que les Chinois sont des précurseurs dans l'art de la teinture avec quelques 4000 ans d'histoire.
Mais, dans une politique du moindre coût, serait-il surprenant de ne pas prendre en considération un tel handicap?
Si, les trois buts antagonistes de la production étaient « Cheap , Fast and Good » cela se saurait. Mais il faut plutôt se rappeler qu’un mariage à trois n’a jamais fait bon ménage.
700 millions de chinois et moi et moi et moi chantait J. Dutronc, en 1966. Aujourd'hui, la population chinoise et indienne comptent chacune plus de 1.3 milliard âmes et c'est l'Inde qui va gagner en vitesse sur la Chine.
L'enfoiré de service,
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Fast fashion - Les dessous de la mode à bas prix
En quelques décennies, la "fast fashion", ou mode jetable, a révolutionné l’industrie textile à bas prix. Enquête sur l'impact social et le coût environnemental d'un secteur qui ne connaît pas la crise.
Renouveler en permanence sa garde-robe sans se ruiner : rien de plus simple aujourd’hui. Tandis que les marques qui font le pari de vendre exclusivement en ligne se multiplient, l’achat de vêtements tient désormais pour beaucoup d’entre nous du loisir à part entière. Une tendance entretenue par les nouveaux acteurs de la fast fashion sur les réseaux sociaux qui, via un marketing subtil, rémunèrent les influenceurs pour placer leurs produits. Ces dernières années, des marques d’ultra fast fashion se sont même lancé le défi de produire et de livrer encore plus vite et moins cher que les vendeurs traditionnels. Mais leur efficacité se paie au prix fort. En Grande-Bretagne, ces vêtements sont fabriqués dans des ateliers insalubres par des ouvriers payés la moitié du salaire minimum. Au-delà de son impact social, la fast fashion, deuxième industrie la plus polluante au monde, a aussi un coût environnemental. Même quand ce modèle industriel promet de s’amender en proposant une mode plus durable, sa facture écologique reste lourde.
Tragique constat
Alors que 56 millions de tonnes de vêtements sont vendues chaque année dans le monde, les journalistes d’investigation Gilles Bovon et Édouard Perrin ont enquêté sur l’impact social, environnemental et sanitaire de ce secteur en plein boom. En Europe, aux États-Unis et en Inde, ils ont rencontré des acteurs du secteur − anthropologue, professeur d’économie, chercheur en neuromarketing… − et se sont infiltrés au cœur de l’industrie textile. Au Royaume-Uni, ils ont pu filmer des ateliers de fabrication illégaux et interviewer des personnes qui ont côtoyé de près la fast fashion (ex-styliste, influenceuse mode, ancien associé du fondateur de Zara...). Riche de témoignages, leur film dresse le bilan trop peu écoresponsable d’une industrie qui brasse des milliards.
https://www.arte.tv/fr/videos/089135-000-A/fast-fashion-les-dessous-de-la-mode-a-bas-prix/
Écrit par : Allusion | 09/03/2021
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