25/12/2021
Le batelier du Ruppel
Parfois on découvre des perles inédites.
Avoir une ancienne psychologue pour raconter un conte de Noël, n'est-ce pas une occasion à ne pas manquer?
"Un mélange d'autobiographie, de polar, d'initiation de roman.", dit-elle en préambule.
Voici ses premiers pas dans l'écriture.
Je ne connais pas l'histoire.
Je vais la découvrir en même temps que les lecteurs de ce journal.
En prologue, un poème...
...
PROLOGUE
Trois septembre 2003, Olga a rendez-vous avec la vie. Ses pas la transportent vers le canal de Bruxelles à proximité du port, au croisement des grands axes.
Dans l'angle aigu d'une grue flottante, le soleil s'extrait voluptueusement de la brume matinale excitant à son passage les odeurs citadines et « industrielles ».
Le jour s'amarre lentement aux cordages des rares bateaux.
L'eau glauque du canal se vêt d'étincelles miroitantes. L'heure de son rendez-vous avec un libraire qui lui avait promis un livre lui laisse encore un quart d'heure de répit.
Un vagabond est allongé contre un muret, il semble suivre le passage des rares promeneurs empressés d'accomplir le rituel de leur journée.
Ses yeux d'un bleu profond émergent d'une forêt de barbe aux reflets de sable gris blanc et doré. Olga s'attarde un moment près du vieil homme, fascinée par l'intensité de son regard. Celui-ci semble contenir toute l'histoire du monde .
Au pied du vagabond, une valise en cuir arbore de nombreuses vignettes ramenées de lointains pays. Une huppe empaillée règne fièrement sur le bagage, bien décidée à en protéger le contenu.
Ni l'indigent, ni l'oiseau dont les plumes se soulèvent dans le vent de fraîcheur matinale ne semblent s'effaroucher de sa présence. Une connivence s'installe entre eux dans un pacte silencieux.
L'homme se met à divaguer. Seuls quelques mots s'échappent de son marmonnement et lui parviennent clairement : BURGONDE et BURGRAVE.
Le 4 juin 1477, Marie de Bourgogne, Reine de Hongrie accorde un octroi autorisant le creusement d'un nouveau canal de Bruxelles au Rupel.
L'oiseau observe la jeune femme du coin de son œil de verre qui semble cligner ingénieusement. Comme dans un flash, le rêve que Olga a fait cette nuit ressurgit de sa mémoire. Elle prend la décision inouïe de le raconter au vagabond qui certainement n'y comprendra pas grand-chose.
Dans ce rêve, la narratrice y rencontre André, son voisin dans la rue qu'elle habite, un vieil homme qui l'invite à contempler sa collection de tableaux.
L'un de ceux-ci attire plus particulièrement son attention. Il représente un bateau dans le port de Bruxelles, au début du siècle, un marinier accoudé au bastingage. Sa chemise bleue émerge de la brume matinale. Une jolie femme sur le quai, portant un panier se dirige vers l'avant-plan. André explique alors que ces tableaux datent de l'époque de ses parents. Il n'a pas vraiment connu son père qui un jour à l'âge de trente ans a disparu sans que personne n'ait retrouvé ses traces. Avocat près de la Basilique, il lui arrivait d'acheter quelques toiles.
Intriguée, Olga s'approche de chaque tableau et s'amuse à imaginer que les sujets mais aussi plus subtilement le jeu des formes et des couleurs racontent une histoire, mais aussi donnent des indices sur la disparition de son père. Elle lui fait part de ses réflexions à André, qui lui révèle alors qu'il s'appelle BURGONDE, ce qu'elle ignorait, et que tous les tableaux sont signés BURGRAVE. Olga ne peut s'empêcher de penser à un personnage de vieux barbon à la gravité pompeuse. Pourtant les tableaux dans leur brumeuse mélancolie laissent deviner l'intensité colorée de l'émotion. Un jour BURGONDE a-t-il rencontré BURGRAVE pour ne former qu'un seul être ?
Elle conseille à André de garder précieusement ses tableaux puisque aucun expert en art même doué n'y découvrira le mystère que recèle chacun d'eux, puis elle quitte la maison de son voisin, le laissant à ses réflexions.
Son récit terminé, Olga observe le vagabond : il sourit.
Trop absorbée par son récit, elle n'a pas remarqué la disparition de l'oiseau. Seule une plume poussiéreuse nargue le vent qui tente de la chasser. Mais le libraire attend sa visite...
De retour, Olga ne voit plus le vagabond. Lui aussi est parti, laissant sa valise que la vieillesse ne lui permet plus de trimbaler. Intriguée, et prenant malgré tout quelque risques, elle décide de l'emporter. Le Port de Bruxelles, ce matin dans la brume chatoyante et ensoleillée, a presque un air de fête.
Durant le trajet du retour, Olga prend une grande décision : elle n'ouvrira pas la valise avant un an.
Le voyage peut alors commencer avec quelques notes de peinture,...
Rendre un objet, un paysage, un visage n’est pas simplement le cueillir, le dérober à sa création première. Tendre à sa maîtrise comme un enfant dans un pré vole une pomme sur son passage.
C’est au contraire lui donner une seconde vie, lui restituer une lumière qu’un regard souvent trop éteint avait délaissé.
Le crime est dans la confusion.
Découvrir l’objet, dégager son espace, accomplir sa ligne, chercher ses angles, accorder ses couleurs, épouser son ombre,...c’est aussi le libérer, préserver son mystère.
L’objet s’est donné,...un instant.
Il peut à présent s’évader, ou mourir, encore. L’esquisse à naître lui ressemblera peut-être, mais de si loin.
L’essentiel est dans sa rencontre, sans laquelle rien ne s’accomplit.
Si l’objet, même préfiguré n’est pas au rendez-vous, les retrouvailles sont décevantes, la galerie des souvenirs se peuple de fantômes, l’air s’emplit d’échos, de bavardages enguirlandés.
L’objet parfois se nargue d’une présence, mais la rencontre est amère, la danse macabre, le sang se détache mal du pinceau, la ligne se casse, l’objet se désarticule, grimace, l’espace se tord, l’ombre s’évade. La maîtrise échoue et l’objet se venge.
On crie au scandale ou au génie.
Si Dieu est une création à l’image de l’homme, celle-ci n’en est bien souvent que le négatif. Le développement de la pellicule (petite peau) suppose une aptitude particulière qui elle seule laissera se déployer une certaine une certaine idées des « RETROUVAILLES ».
...
1: Manger du far breton avant de prendre la route
10 septembre : Olga sa lève de bonne heure et se cogne à la valise déposée la veille dans un coin de sa chambre. Une vignette attire plus particulièrement son attention. Un phare majestueux s'élève dans la mer en Bretagne. Entre deux averses, le soleil l'éclaire de tous ses feux.
Sur une tablette de son entrée, traîne un prospectus pour une exposition de peinture. Le nom de Burgrave attire son attention. C'est aujourd'hui. Pourquoi ne pas faire un petit détour par le lieu. Le miroir de l'ascenseur lui renvoie l'image d'une femme entre deux âges. Le regard profond et un peu triste, soutenu par d'élégantes pommettes. Nez un peu pointu mais mutin et décidé. Sourire accompli. L'ensemble s'arrange pour être harmonieux.
Dans sa voiture, la radio diffuse ses nouvelles belliqueuses dont l'écho semble revenir de la nuit des temps. Olga prend la direction d'UR, en, passant du Tigre à l'Euphrate.
Entrée dans la salle d'exposition, un tableau trône sur le plus grand mur. Un phare majestueux éclaire les lieux qui s'emplissent d'une d'une étrange et spectaculaire présence. Le peintre Burgrave est absent et ne peut donner plus d'explication sur son travail. Il y avait une énorme tache de sang au pied du sémaphore. Sur le sommet apparaissaient trois lettres peintes en rouge : ARC. En sortant de l'exposition Olga laissa un petit mot et son téléphone sur le carnet déposé à cette intention. Curieuse d'en savoir d'avantage. En sortant, un tigre de porcelaine lui fait une grand sourire. Elle sentit à peine son coup de griffe.
Une belle frégate l'attendait au dehors sous la pluie.
...
2: L'anamorphose du rétroviseur.
Mardi 7 octobre : Poissons d'argent. Sur le répondeur d'Olga, le peintre au regard acéré a lancé sa ligne pour y pêcher les poissons aux écailles vif argent du souvenir. Jean Burgrave, qu'Olga avait connu voici quinze ans et n'avait jamais oublié, souhaitait la revoir. Elle ne connaissant même pas son nom de famille. Comme un instant du passé, une histoire ancienne imprimée dans la mémoire. Un tirage photographique imprécis dont on ne peut se séparer.
Remettre les pas dans une sente du passé et en repréciser le sillon. Pourquoi pas.
Elle avait toujours aimé les eaux profondes et se sentait suffisamment armée pour retrouver l'anaconda des temps anciens.
Dans un coin de la chambre, la valise semblait défraîchie sous sa couche de poussière. Olga décida de la réveiller avec un peu de cirage. Une minuscule tache de sang s'est diluée dans la crème nourricière. En replaçant la boîte de cirage à sa place dans l'armoire, elle retrouve un carnet rempli d'informations instructives pour livrer bataille aux indésirables des habitations. Parmi ceux-ci se trouve le poisson d'argent. Curieux insecte à la carapace trompeuse, il se différencie de ses congénères parce qu'il subit plusieurs mues, même après être devenu adulte. Il recherche les lieux humides et chauds, les demeures qui pleurent. Il faut aussi savoir qu'il ne peut s'agripper à une paroi glissante.
Jeudi 9 octobre : Tarentelle. L'automne a déposé son voile de brume sur le rétroviseur de la voiture. Une petite araignée aux reflets verts et dorés se promène entre le miroir et son cadre. Olga associait souvent sa mère à l'une de ces petites bestioles que toute la gamme des couleurs offre à ceux qui l'observe de près. Un véritable bestiaire en miniature, de l'abeille nourricière à l'araignée terrifiante.
Parfois agaçante comme les mouches d'été, bienfaitrice comme la coccinelle de mon père quand nous nous dirigions vers le Mont Saint-Michel, industrieuse et terre à terre comme la fourmi.
Mante religieuse et cigale de Provence. Papillon de nuit et libellule à la poésie champêtre, à la fois éternelle et éphémère.
Il lui fallu beaucoup de temps pour se protéger de ces petites créatures aux nombreuses métamorphoses , les apprivoiser et parfois les accueillir sereinement. Un tarentelle passait au moment d'allumer la radio.
...
3: LULU
Soirée du vendredi 10 octobre : pour retrouver aisément l'emplacement de sa voiture, se garer sous les feux d'un réverbère.
L'appartement de jean Burgrave surmonte toujours sept étages dans une vieil immeuble du début du siècle. La rue est aménagée le long d'une voie ferrée. Olga gravit à nouveau les longues volées de marches pour rejoindre le seuil d'un passé ressurgi.
Alors que de nombreux événements avaient traversé son existence, rien ne semblait avoir changé depuis les quinze qui avaient séparés son premier rendez-vous dans l'atelier du peintre.
Excepté quelques aménagements discrets et de nouvelles toiles accrochées le long du mur d'un très long couloir ; l'un représente un clown blanc, une rose rouge glissée entre les dents, en équilibre sur un câble tendu entre deux nuages, les lieux semblent s'être cristallisé en un instant mort dans le passé. L'homme aussi semblait figé dans on habit de cérémonie, comme une montre fracassée sur le sol, juste après un crime. Sa démarche est raide à l'image d'une statue de sel qui soudain se remettrait à vivre. Seul son regard semble avoir préservé sa vivacité d'antan, passant en un bref éclair de la tendresse la plus délicate à la cruauté toujours aussi acérée. Telle la lame du couteau berbère déposé sur la cheminée.
La rencontre avec le peintre avait duré une soirée. Elle avait laissé une cicatrice dans son passé. Les traces d'une lame de rasoir entre les lèvres. Le temps était venu de la refermer.
Entrée de Clownesse.
Olga avait toujours aimé le cirque et particulièrement les spectacles avec des cochons. Elle tendit un cadeau au peintre. Le livre d'un romancier du siècle dernier tombé dans l'oubli : Lulu de félicien Champsaur. Jean lui offrit en retour : « le sourire au pied de l'échelle » d'Henry Miller dont il avait souligné de nombreux passages d'un traut rouge comme pour les imprimer dans le cœur du lecteur.
Clownesse un instant d'éternité a retrouvé son clown et planté son chapiteau en sa demeure ».
Sur la table du peintre trône une plat récemment sorti du four. Jean lui tend le moulin à poivre pour égayer la deuxième traite du lait, un excellent reblochon, scellant ainsi leur nouvelle alliance. A la fin du repas, Olga s'approcha de la fenêtre pour y observer la rue : sa voiture stationnait seule sous le rêve berbère.
Dans l'encoignure d'une porte, l'inspectrice Colombe a tendu son oeil de verre pour éclairer le monde sur son ennui ». Vivre mort, autant retourner et vivre dans la lumière de son ombre.
Déposé à même le sol contre le mur de l'appartement, un tableau représente une jolie femme, un panier rempli de crustacés, en appui sur sa hanche ? A l'arrière, un bateau isolé semble tanguer dans la brume du matin sur le Canal de Bruxelles .
Le peintre lui raconte son histoire. Absent le jour de l'exposition à laquelle Olga s'était rendue, il avait une rendez-vous au vieux Marché aux Puces dans le centre vile. Il pleuvait, la place était déserte et le tableau était adossé à un hêtre. Il semblait avoir été oublié par un brocanteur parti en urgence.
Intriguée, Olga lui demande de l'emprunter un certain temps. Dans le bas de la Marine ; une signature : J. BURGONDE.
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4: La Carte Postale Ancienne
Mardi 14 octobre. La marine d'un certain Jean Burgonde se trouve accrochée sur le mur fraîchement repeint du salon d'OLGA. Une place était vacante.
A quelques détails près, elle semble pouvoir palper son rêve. L'absence du marinier à l'arrière-plan éveille une curieuse sensation de solitude. Mais le mot s'inscrit dans les rayons du soleil qui balaient le sol.
Sur sa table de chevet, une ancienne carte postale traîne depuis quelques jours. Elle se trouvait à l'arrière du tableau, glissée entre la toile et le cadre. La différence de nuance à la surface du tissu laissait supposer qu'elle y demeurait depuis un certain temps. La destinataire était une certaine Mademoiselle Neuville.
Au dos du carton, une lithographie représente sur un fond marin, une orphie qui frôle une turritelle. Au verso, une seul message : « il n'y a pas d'amour peureux ». Le tampon sur le timbre date du 24 novembre 1928. L'adresse est en partie effacée, mais il n'est pas difficile de reconnaître la rue Marché aux Herbes à Bruxelles ».
Le lien entre la carte postale et le tableau n'est pas manifeste mais il a raison de la résistance d'Olga : elle décide alors de retrouver le lieu où l'œuvre fut peinte .
Mercredi 15 au matin : si tu hésites à prendre une direction, lis la petite gazette à la rubrique : « Fait divers ».
En sortant de chez elle, Olga est surprise par la vision de sa rue qui est recouverte d'un fin duvet d'une blancheur fantomatique.
Durant la nuit, de nombreuses plumes d'oie se sont échappées par la déchirure d'un oreiller abandonne dans l'anonymat de la nuit. Sur le rebord de la fenêtre, un passant a délaissé sa gazette du jour. Intriguée par le titre, Olga décide de lire l'intégralité de l'article :
« Une femme a retrouvé la truelle d'un maçon. L'homme qui la recherchait y tenait beaucoup car elle appartenait à son père. Il avait placardé quelques affichettes chez tous les commerçants du quartier où il pensait l'avoir égarée. Une femme avait été attirée par la couleur turquoise du manche. L'outil se trouvait chez un brocanteur près d'une écluse le long du port de Bruxelles. L'homme heureux pouvait enfin terminer la construction de sa nouvelle demeure ».
« Dans la torpeur matinale, la chance tourne à nouveau autour de la terre qui se remet délicatement de sempiternel parcours ».
Olga hume une dernière fois le climat irréel de la rue et s'engouffre dans sa voiture.
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5: Même jour : Monsieur lampe.
La librairie « jet d'ancre » relavait son rideau de métal dès 9 heures du matin ;
Olga familière du lieu, présente la marine au libraire qui s'y connaissait assez en peintres belges.
Tout en étant très mince, Monsieur Lampe a une stature imposante, ses cheveux roux flamboyants tirés vers l'arrière et son nez puissant le font ressembler à la figue de proue d'un navire. Avec le temps, ils étaient devenus amis, partageant la même passion pour le cirque ;
Monsieur lampe possédant par ailleurs une belle collection de livres autour de la marine, Olga lui confie le tableau ;
A première vue, le nom et le style du peintre ne lui évoquent rien de particulier.
En revanche, le visage de la femme lui rappelle un visage qui peu à peu se précise dans ses souvenirs ;
Au moment de l'ouverture de la librairie, vingt ans plus tôt en octobre 1983, une dame d'une septantaine d'années venait de temps en temps le consulter et parfois, acheter des livres sur les peintres belges. Son nom lui revient même en mémoire : Madame Burgrave.
Elle était encore très belle avec ses grands yeux bleus et ses longs cheveux dont on devinait qu'ils furent blonds. Elle ne parlait pas beaucoup mais semblait toujours préoccupée de trouver un livre précis.
L'intérieur de la librairie ressemblait déjà à la coque d'un bateau avec de multiples traverses et charpentes remplies d'ouvrages.
Il ne l'avait jamais vue accompagnée, excepté une seule fois, d'un homme d'une trentaine d'années. Après 1989 et la chute du mur de Berlin, il ne l'avait plus aperçue, même ailleurs que dans la librairie .
En cherchant dans son carnet d'adresses, Lucien Lampe retrouve une Madame burgrave, rue de Mérode à Forest.
Olga ne pensait pas en apprendre d'avantage aujourd'hui.
-Au revoir Monsieur Lampe et à la prochaine fois. Merci encore pour le livre sur les frères Zemganno. Je vous laisse la tableau et viendrai le reprendre dans quelques jours.
- Au revoir, Olga.
L'emploi d'assistante-chercheuse à l'Université, lui donnait une certaine liberté d'action qu'elle mis aussi à profit pour sa petite enquête.
En associant Burgonde et Port de Bruxelles sur l'écran de l'ordinateur, Olga fit émerger un ancien article remontant au mois de décembre 1928.
« Dans la nuit glacée du 3 au 4 décembre 1928, les pompiers ont été appelés d'urgence par un marinier qui se trouvait en pleine nuit sur la pont de sa péniche. Un incendie s'était déclaré dans un bateau, de l'autre côté du canal. La caserne des pompiers n'étant pas trop éloignée, le feu a été relativement vite maîtrisé avant que l'embarcation ne coule.
Un corps calciné d'une quarantaine d'année, encore non identifié se trouvait sur le pont. Des tableaux signés Burgraves étaient éparpillés partout sur le quai. L'habitant du bateau aurait tenté de la épargner.
Après enquête, le bateau appartenait à un certain Monsieur Burgonde, avocat, dont la famille n'avait jamais plus eu de nouvelles après sa disparition en avril 1915. Selon certaines sources, il était possible de retrouver la trace de Maître Burgonde en france, au moment de l'affaire du « Bonnet rouge », publication anarchiste créée par Eugène Bonaventure Vigo, père du cinéaste Jean Vigo ;
L'information n'a pu être confirmée.
A partir de 1921, Monsieur Burgonde serait revenu en Belgique pour apparemment choisir une vie tranquille à bord d'une péniche, l'ARCADIE.
...
6: MARIEE D'EQUINOXE
Jeudi 30 octobre : il est sept heures du soir. Olga écoute Eric Satie dans Clio.
Au premier carrefour, à l'ombre d'un vieux pont, Bouglione a planté son cirque près d'un peuplier.
Les rêveries d'Olga naviguent sous un chapiteau : dans la loge du clown blanc, sous les feux de lampe de son meuble coiffeuse, une statue tanagréenne entame sa course gracieuse et immobile.
Sur la piste lulu prépare son numéro avec un cochon de porcelaine et fait la nique au clown de Dieu qui ne Sacre plus assez le printemps. Par la lucarne de son cœur, l'éléphant coincé dans sa cage lève sa trompe vers la lune qu'il aime énormément. Les cymbales attaquent leur course fougueuse de quintes et d'octaves sous une pluie de confettis. Le tigre de papier sort de sa tanière de blaireau en rasant les mur du son.
Ce soir, quand les cloches sonneront sou le chat piteux, la chatte aux yeux pers bandera ses yeux jaloux sous un loup de satin gris chartreux.
Le pire rat des mers sautera sur la nef d'une ducasse de mardi-gras. Les fêtards lèveront leur coupe de cheveux au ciel de leur lit. Le mousse partira en goguette à la barbe des chameaux.
L'équinoxe soulèvera sa plus haute mariée.
Au même instant, l'usine Ford met les clés sous les portes du "pare-radis". Le marteau a frappé une dernière fois au cœur de l'alarme qui ne sonnera plus l'heure du midi. Les ouvriers arrêtent leur machines et sortent faucher le blé en herbe.
Dans l'allégresse, près de la pointeuse, les cartes postales s'échappent du tourniquet pour rappeler à l'ouvrier, le cœur palpitant de son ouvrière.
Au loin, sur une péniche, un tas de charbon nage vers le foyer ardent de la dulcinée.
L'affiche de cirque se décolle du mur sous le choc violent du ballon rouge des gamins des rues. L'un d'eux est peut-être sorti du trou du monde pour lui rappeler son infamie.
On peut toujours rêver.
Un couteau sur ta cheminée était là pour rappeler que les deux étoiles de mer collées l'une à l'autre seraient un jour séparées.
D'une coupure nette et définitive.
...
7: L'impromptue ou le Sémaphore
Riche de nouvelles données, Olga retourne chez son libraire préféré. A l'évocation du nom de Burgonde, le mémoire de Monsieur Lampe se rallume au souvenir d'un certain André Burgonde qui l'avait très bien conseillé dans un procès avec les anciens propriétaires de sa maison avant qu'elle ne soit transformée en librairie. Ah ! Ces avaricieux, Madame,...
La maison suintait d'humidité, ce qui était très fâcheux pour la conservation de beaux livres rendus fragiles par les années, et le vice n'apparut qu'après l'achat.
André Burgonde avait une personnalité riche et attachante bien que très discrète. Il arborait toujours une moustache dorée et un chapeau à l'ancienne mode. Ils furent souvent amenés à échanger des conservations sur la batellerie et l'art marinier. Monsieur LAMPE avait appris son décès il y a vingt cinq ans, en lisant les journaux. Ils avaient perdu le contact durant les années quatre-vingt dix, sans qu'il en sache les raisons.
Le libraire avait toujours eu l'impression que planait un secret autour du père de Monsieur Burgonde qu'il n'avait pas beaucoup connu, mais dont il évoquait parfois la mémoire à l'occasion de ses recherches. André gardait le souvenir d'un bel homme assez mystérieux et très cultivé qui recherchait surtout les défis que probablement, une simple vie familiale ne lui apportait pas.
Pour le reste, André se montrait peu disert. Etait-il marié, avait-il des enfants ?
Sa discrétion sur ces sujets s'expliquait certainement par les légendes que son père avait léguées à sa famille en partant un beau matin d'octobre. André avait cinq ans.
Des années bien plus tard, la mère de Monsieur Burgonde avait reçu un paquet avec des dizaines de tableaux.. Ceux-ci étaient expédiés par une personne inconnue qui n'avait pas laissé d'adresse ; André venait surtout dans la librairie pour voir si jamais son père, dont il ignorait les talents de peintre, aurait laissé quelques traces dans une galerie ou des cartons d'invitations que collectionnait Monsieur Lampe. Ce qui intriguait surtout André, c'est que la signature de la moitié des tableaux n'étaient pas
celle de son père. Peut-être avait-il recueilli des informations, mais André ne lui fit pas partager ses découvertes. Olga ne réussit pas à savoir ce que représentaient ces tableaux.
Au cours des échanges avec Lucien, une dame d'une quarantaine d'années, aux traits arméniens est entrée dans la librairie. Olga apprend que la femme est intéressée par tous les livres ou documents relatant la vie des habitants de phares car ceux-ci étaient nécessaires pour l'écriture de son prochain article. Monsieur Lampe semblait bien connaître la dame qui fréquentait souvent sa
librairie et ses intérêts très diversifiés. Il ne fut donc pas étonné par le caractère insolite de son nouvel intérêt. Cette fois, l'idée des ses nouvelles enquêtes lui était venue après avoir lu un entrefilet dans un quotidien belge évoquant un meurtre dans un phare. Le couple qui l'habitait depuis une dizaine d'années était suspendu par le torse devant la lampe du phare, à une hauteur
d'un mètre du sol. Des habitants de la ville portuaire l'irrégularité avec laquelle le pinceaux lumineux balayait l'espace maritime. Ils avaient été endormis avant d'être vidés de leur sang par de nombreuses scarifications.
L'homme avait un gros saphir incrusté dans al pupille énuclée de droite et la femme, encore très belle avec des long cheveux blonds vénitiens et des yeux verts d'eau piqueté d'algues brunes, serrait une parle nacrée entre ses dents, collée par une résine.
Lucien promit de faire des recherches, mais il était tard, et il devait fermer un peu plus tôt.
En sortant de la librairie et constatant que pour elle aussi, l'heure était dépassée pour retourner à son lieu de travail près de l'université, OLGA s'est arrêtée dans un cybercafé.
L'histoire criminelle racontée par la jeune dame était glaçante mais aussi très insolite. Ce qui était certains, c'est qu'elle était loin d'avoir livré tous ses mystères.
La journaliste d'investigation prénommée Cassandra ne pouvait savoir que le sujet de son enquête rejoignait en partie les recherches d'OLGA. Les phares étaient trop présents dans les événement de sa nouvelle vie pour les laisser s'évaporer dans le brouillard de cette fin d'après-midi.
Un double meurtre ne pouvait être passé inaperçu et Internet dans les limbes de sa mansuétude robotisée fournirait peut-être quelques pistes pour mieux comprendre ce qui s'était passé.
A la veille du week-end, il y avait beaucoup de monde à l' »AMOUR FOU », mais peu de personnes se trouvaient devant les ordinateurs.
Si en Belgique, il ne restait apparemment plus que quatre phares dont : « la Méchante Jeune Fille » à Ostende, il y en avait bien sûr un certain nombre au-delà de la frontière belge et surtout en Bretagne ; En associant : phare et couple assassiné, Olga trouva un petit article sur un meurtre en Normandie appelé : « Le RAdiant ». L'homme, âgé de plus de cinquante ans, d'origine flamande s'appelait Guido BANNE et la femme : Mérope ALLAEYS, bruxelloise de 49 ans. Guido Banne était le fils d'une résistant flamand connu. Avant de s'installer dans le phare avec Mérope, il était forgeron d'art et vendait par ailleurs du matériel pour bateau dont des ancres, des gaffes, qu'il dessinait et destinait ensuite à une forge spécialisé pour les pièces trop lourdes. Mérope était historienne et commençait une recherche sur les « Naufrageurs ». De nombreux bateaux se sont ainsi trouvés délestés de leur cargaison qui fut disséminée sur terre. Se retrouvant peut-être éparpillée de leur cargaison qui fut disséminée sur terre, se retrouvant peut-être éparpillée aujourd'hui dans les brocantes.
Pierre, le serveur de l'AMOUR FOU vint lui servir un café russe comme Olga en avait l'habitude, très mousseux avec une pointe de vodka. Elle connaissait son intérêt pour tout ce qui se rapportait au monde de la marine et ses balades matinales sur les marchés aux puces qu'il écumait pour trouver de vieilles ancres à restaurer avant de les remiser dans un local peint, inspiré par les fonds marins. Olga lui fit partager l'objet de ses recherches et Pierre en pays de connaissance prit un certain plaisir à lui relater l'histoire des naufrageurs qui au 17ème siècle surtout, éteignaient les phares et allumaient des feux sur les plages afin de détourner les bateaux de leur voie en les précipitant sur les récifs.
A la fin de son récit, Olga de demandait ce qu'il restait du travail de Mérope Allays ; espérant qu'un naufrageur du 20ème siècle ne l'ait emporté sur son esquif.
(à suivre à cette adresse)
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Postface
Quelques notes de peinture,...
Rendre un objet, un paysage, un visage n’est pas simplement le cueillir, le
dérober à sa création première. Tendre à sa maîtrise comme un enfant dans un
pré vole une pomme sur son passage.
C’est au contraire lui donner une seconde vie, lui restituer une lumière qu’un regard souvent trop éteint avait délaissé.
Le crime est dans la confusion.
Découvrir l’objet, dégager son espace, accomplir sa ligne, chercher ses angles, accorder ses couleurs, épouser son ombre,...c’est aussi le libérer, préserver son mystère.
L’objet s’est donné,...un instant.
Il peut à présent s’évader, ou mourir, encore.
L’esquisse à naître lui ressemblera peut-être, mais de si loin.
L’essentiel est dans sa rencontre, sans laquelle rien ne s’accomplit.
Si l’objet, même préfiguré n’est pas au rendez-vous, les retrouvailles sont décevantes, la galerie des souvenirs se peuple de fantômes, l’air s’emplit d’échos, de bavardages enguirlandés.
l’objet parfois se nargue d’une présence, mais la rencontre est amère, la danse macabre, le sang se détache mal du pinceau, la ligne se casse, l’objet se désarticule, grimace, l’espace se tord, l’ombre s’évade. La maîtrise échoue et l’objet se venge.
On crie au scandale ou au génie.
Si Dieu est une création à l’image de l’homme, celle-ci n’en est bien souvent que le négatif. Le développement de la pellicule, telle une petite peau, suppose une aptitude particulière qui elle seule laissera se déployer une certaine une certaine idées des « RETROUVAILLES
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Mélusine ou la Robe de Saphir
Un autre conte: "Tous les Noëls" de Nancy Vilbajot
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Commentaires
Écrit par : Mélusine 888 | 25/12/2021
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Mélusine 888 | 25/12/2021
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Mélusine 888 | 25/12/2021
Répondre à ce commentaireVeni, vidi, vici...
Depuis que je sais que ce conte de Noël n'est pas encore terminé, je dis de continuer.
Bien sûr que nous n'avons pas les mêmes sujets analogiques de lecture.
Trop terre-à-terre, trop pragmatique, trop sciences exactes par la numérisation des objets des humains, je reste toujours curieux de tout.
Un jour sans apprendre quelque chose, n'est-ce pas une journée perdue?
Écrit par : Allusion | 27/12/2021
Je vous souhaite une bonne Saint Jean l'Évangéliste et, de fait, un bon passage de la Porte des Dieux...
Écrit par : RHONAN de BAR | 27/12/2021
Répondre à ce commentaireJe me permet d'ajouter quelque chose que je connais mieux
Le cactus de la bicyclette
https://www.rtbf.be/auvio/detail_le-cactus-a-bicyclette?id=2847745
Écrit par : Allusion | 29/12/2021
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