09/02/2010
Identification à l'indienne
Avant les élections en Inde, je sortais un article "Sucer mais pas avaler"(1). Après les élections, je revenais avec une suite(3). Voilà, que je tombe en arrêt devant d'autres nouvelles inattendues ou peut-être attendues. A vous de juger.
En France, les débats sur l'identité nationale fait rage. Les papiers d'Etat Civil, les certificats de nationalité auraient-ils perdu de leur efficacité pour se justifier d'un statut de français? Mais, cette frénésie 'identitaire toucherait-elle la plus grande démocratie ?
Pour rappel, lors des élections indiennes de mai, il s'agissait de s'attirer les voix et les électeurs à sa cause. Deux partis, au coude à coude, inventaient et inventoriaient une séries de promesses de distributions de riz pour les plus pauvres pour attirer les électeurs à leur cause, voire de discriminations positives. Une myriade de petits partis complétaient le jeu démocratique et attendaient leur tour. Alors, pourquoi pas un peu de populisme à l'européenne?
"Ce sacré espoir démocratique avale décidément un temps fou pour les uns, tout en suçant, les autres dans sa rage d'exister.", terminait mon article.
Rien à voir avec nos dimensions à l'européenne. Jusqu'ici, personne n'imaginait secouer cette éléphantesque machine administrative. L'Inde est la plus grande démocratie du monde. Démocratie qui fait, donc, dans la démesure et qui vaut bien une série d'améliorations du sort des masses avec des vertus sociales pour leitmotive.
Quand on sait que 85% des fonds sont détournés, la distribution des aides sociales promises avant les élections, faire valoir ses droits donne du chaud au cœur. Quand la corruption fait rage, les bénéficiaires devaient se retrouver dans la justice. Le Parti du Progrès, gagnant des élections, se devait de se donner des moyens de sa politique pour faire changer les choses. L'ampleur de la tâche est énorme dans un tel pays.
L'Inde est, de plus, très fractionnée et les attentats de Bombay sont encore frais dans les mémoires.
Problème de cette masse critique de population pour identifier 1,2 milliards de personnes alors que souvent on ignore jusqu'aux noms, aux dates de naissance et à toutes formules de reconnaissances que l'on retrouve ou non dans les registres nationaux de pays organisés. Jusque maintenant, n'importe quoi pouvait faire office d'identification. La carte de rationnement pour les plus pauvres, le permis de conduire pouvaient très bien servir.
A la clé des élections du parti du Congrès gagnant, le parti devrait donner l'accès à 25 kg de riz ou de blé par mois comptabilisés à 3 roupies le kg pour les plus pauvres. Au niveau des campagnes, compter sur l'annulation des charges des emprunts agraires. Pour les entreprises et la classe moyenne s'ouvrir aux responsabilités fiscales pour s'opposer aux privatisations.
Programme de nobles causes qui devraient pouvoir trouver un outil pour répartir ces "récompenses", pour transformer la vie des populations les plus défavorisées et endiguer la fraude massive par les programmes sociaux mieux dirigés. La modernisation de l'administration bureaucratique n'a eu que des techniques anglaises comme modèle libertaire qui se révélaient assez peu encline à identifier ses ressortissants.
Mais, quand on a des idées et des sociétés d'informatiques, on ne se suffit plus de ces moyens d'un autre temps et les idées sortent toujours, un jour ou l'autre, de chapeaux bien intentionnés.
Attribuer un numéro d'identification infalsifiable...
This is "the" solution.
Nilekani, ex cofondateur et PDG d'Infosys, lançait son agence gouvernementale Unique Identification Authority of India (Uidai).
“Nous allons construire quelque chose à l’échelle de Google, mais cela va changer le pays”, promettait-il.
Son travail devra coordonner la contribution de près de 25 agences différentes. "Ce projet est en faveur des pauvres. Il aidera à contrôler les détournements massifs qui affectent les subventions et les programmes qui leurs sont destinés.”, ajoutait-il.
2,5 millions de personnes enrôlées pour le travail de recensement pour une évaluation de budget de 365 millions d'euros.
GeoPopulation en parlait avec plus de détails.
Cette idée d'attribuer un Numéro d'Identification Unique est appelée à révolutionner l'Inde entière, est-il dit.
Vérifier les identités, les noms, adresses, naissances, photos, niveau d'éducation, état de santé, mode de vie, empruntes digitales et introduire tout cela dans une base de données. Les castes ne seront pas incluses à part pour les intouchables qui eux pourraient y trouver un avantage par la discriminion positive.
La plus grande banque de données biométriques, existante actuellement, est limitée à 120 millions de personnes. Donc, le travail est dix fois plus important.
Cela permettra de payer ses justes impôts en fonction d'impératifs plus rationnels, d'accorder des permis de conduire de manière plus ciblée, de fréquenter les banques, de téléphoner, de reconnaître les immigrer illégaux, de localiser les foyers du terrorisme et j'en passe.
Il va sans dire, que les ONG, respectant les Droits de l'Homme, réagissent de manières assez dubitatives au sujet des buts réels. La préoccupation sécuritaire est souvent avancée comme l'objectif principal non avoué. Le terrorisme reste la pierre angulaire de la peur gouvernementale.
Pouvoir passer outre des difficultés techniques et d'éthiques, avec un budget prévu qui s'élèverait à première vue à plus de cinq milliards de dollars.
Le concept et l'intégration de ce projet gigantesque risque de prendre du temps, de faire voyager des agents recenseurs, de consulter les bureaux de polices dans toutes les parties de l'Inde. Les usurpations d'identité, les fraudes, des personnes fictives seront très vraisemblablement à découvrir.
L'opération est rentable, dit-on en haut lieu. C'est parti dès l'année prochaine et pour plusieurs années, L'espoir d'améliorer les procédures accompagnant les élections prochaines n'est certainement pas à sous-estimer.
"Votez pour l'inéluctable vote électronique" écrivait un autre rédacteur en pensant à notre modernité.
Et ailleurs, comment se concrétise l'identification des citoyens?
Pour l'Europe, on peut lire :
"Le service des études juridiques du Sénat vient de publier une étude de législation comparée sur le numéro unique d'identification des personnes physiques dans onze pays européens : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède et la Suisse. En France, la CNIL s'oppose à l'emploi d'un tel numéro. L'analyse des dispositions étrangères montre que la position de la CNIL ne constitue pas une exception. En effet, l'étude distingue trois groupes de pays :
- ceux qui l'ont introduit : Belgique, Danemark, Pays-Bas et Suède
- ceux qui ne l'ont pas fait, mais qui, de facto, utilisent un identifiant sectoriel comme numéro unique d'identification : Espagne, Italie et Suisse;
- ceux qui sont opposés : Allemagne, Autriche, Grande-Bretagne et Portugal.
La modernité a pensé à établir une carte d'identité électronique.
En 2003, la Belgique était le premier pays au monde à déployer une carte d'identité électronique sur l'ensemble de son territoire (eID).
Les buts étaient nombreux: identifier et authentifier dans les administrations communales, postes, polices, banques, locations matériels ou de véhicules avec un gain de temps par la simplification de la mise à jour, la sécuritaire, les qualités de l'information.
Devenus tous cybercitoyens, aujourd'hui, qu'est-ce que cela a changé? Elle ne sert pas encore à toutes les fonctions qu'on lui destinait. L'identification par la puce électronique demande un lecteur. Les PC devaient en être équipés par défaut. C'est loin d''être le cas. La carte de banque, la carte de crédit sont bien plus utilisées. Entrer sa déclaration d'impôts passe le plus souvent par l'intermédiaire d'un TOKEN. La signature électronique sur Internet, voter électroniquement, tout est possible. Au départ, on ne pensait pas introduire la carte SIS sur la carte d'identité, on y pense désormais.
Quant à l'utilisation de votre PC, ce n'est pas pour rien que des outils existent pour rassembler tous les mots de passe sous le chapeau d'un seul pour garder une chance de ne pas s'y perdre derrière toutes formes et formatage de ses "Sésame".
Aux États-Unis, l'identification les plus connues sont les "dog tags", la plaque d'identité militaire, le permis de conduire. Le Real ID Act et le National ID reste un sujet de révolte.
L'identification à l'indienne, se ferait, dans une première phase, par l'attribution d'un numéro unique pour 1,17 milliards de personnes. Dans une seconde phase, ce sera le tour des cartes d'identité. L'opération scindée qui allongera d'autant la mise en œuvre.
Cela semble une manière assez logique. Mais, nous ne sommes, peut-être, pas dans la logique toute occidentale. Les intouchables, les marginaux de la société indienne, plus nombreux qu'ailleurs pourraient peut-être enrayer le processus.
Les dialogues pourraient dans la deuxième phase prendre des tournures très spécifiques dans les quartiers d'extrêmes pauvretés et quand les prénoms nomment plus que les noms.
- Quel est ton nom, ton numéro, ton matricule? Et, ton code UID, tu le connais ?
- Numéro? Qu'est-ce qu'un numéro ?, dit Balkrishna.
L'inscrire ce numéro sur une partie du corps, on a déjà vu cela ailleurs.
Et, si on quelqu'un avait l'idée de pousser le bouchon encore plus loin vers l'homme post-moderne?
Pourquoi pas, tant qu'on y est, insérer ses informations biométriques dans des puces RFID corporelles ?
Les avantages sont innombrables, disait un vieil article: pratique, sécuritaire, publicitaire. Il y avait même des adeptes de la formule. En plus, cela ne coûte presque plus rien.
La science fiction est si souvent dépassée par les réalités.
Quand il y a des avantages économique ou électoraux, on oublie vite les désavantages.
Je vois, d'ici, le tollé que cela pourrait générer. Non, impossible... Affaire à suivre...
" Une fois les identités attribuées, il faudra les mettre à jour régulièrement, au centre des données situé à Bangalore. Dans un pays de 35 États et territoires, avec 5.161 villes et 638.588 villages, où la population s'accroit annuellement de 19 millions d'habitants, le pari n’est pas gagné. Si le mécanisme fonctionne, l’Inde aura encore à trouver le juste équilibre entre développement et sécurité.", concluait GeoPopulation.
L'enfoiré,
Problème d'identification sur Agoravox?
Proverbes indiens:
-
" Le scorpion pique celui qui l'aide à sortir du feu."
-
"Chat qui dort ne chasse pas."
-
"Ne blâme pas Dieu d'avoir créé le tigre, mais remercie-le de ne pas lui avoir donné d'ailes."
-
"On peut fendre un rocher ; on ne peut pas toujours attendrir un c?ur."
-
"Il faut accepter les coups de pied de la vache comme on accepte son lait et son beurre."
Publié dans Actualité, Asie, Inclassable & People, Organisation | Lien permanent | Commentaires (4) | Imprimer
Commentaires
Merci de m'avoir envoyé ceci, j'en ai appris beaucoups et je suis d'accord sur beaucoups .J'ai lu et je le relirais.J'ai fait des recherches sur l'Egypte et les Hébreux.Je voulais savoir QUAND,a quel époque ils s'étaient rencontrés et sous quels Rois ou sous quels régimes.Je voudrais savoir ce que l'abréviation A.C. veut dire:::Avant ou Après J.C.
Petite réponse, s.v.p.Amitiés.Jacqueline Dauvillé.Bonjour à Christiane.
Écrit par : Dauvillé-Baele | 28/02/2010
Répondre à ce commentaireBonjour Jabada,
Je ne sens pas vraiment le rapport avec cet article, mais cela n'est pas grave.
Je crois que ce lien devrait déjà aidé.
http://bible.archeologie.free.fr/hebreuxenegypte.html
L'abréviation AC vient du latin Ante Christum, Avant le Christ.
PC est Post Christum, mais on l'emploit moins.
Il y a deux articles qui sont en rapport avec vos questions:
http://vanrinsg.hautetfort.com/archive/2010/01/03/les-civilisations-ca-va-ca-vient.html
Celui-ci recherchait comment nait, vit et disparait une civilisation.
L'autre s'intéressait aux migrations
http://vanrinsg.hautetfort.com/archive/2009/03/05/migrer-pour-vivre-ou-survivre.html
Bonne soirée
Écrit par : L'enfoiré | 28/02/2010
Répondre à ce commentaireEt voilà, c'est parti
L’Inde entame le recensement de sa population de plus d’un milliard d’habitants pour réactualiser des données vieilles de dix ans. Une tâche faramineuse à laquelle vont s’employer 2,5 millions de fonctionnaires dans un pays immense et chaotique.
http://www.lesoir.be/actualite/monde/2010-04-01/l-inde-recense-sa-population-un-casse-tete-762099.php
Écrit par : L'enfoiré | 01/04/2010
Répondre à ce commentaireLa nouvelle puissance indienne - Le monde selon Modi
Jamais l’Inde n’avait été aussi puissante sur la scène internationale. Jamais non plus "la plus grande démocratie du monde", selon un cliché toujours en vigueur, n'avait mis en œuvre une politique aussi ouvertement nationaliste, pro-religion (en l’occurrence l’hindouisme) et autoritaire que celle du Premier ministre Narendra Modi, chef de file du BJP (Bharatiya Janata Party, nationaliste hindou).
Triomphalement réélu en mai 2019, après avoir succédé en 2014 aux soixante ans de règne de la dynastie des Nehru-Gandhi, il a méthodiquement bâti un pouvoir qu'il ne cesse de renforcer, avec une double revanche à prendre sur l'histoire : restaurer ce qu'il présente comme la pureté originelle de l'Inde d’avant les invasions mogholes et britanniques, et lui conférer une place centrale dans l'ordre international. Selon lui, "le XXIe siècle sera le siècle de l’Inde", forte de son 1,3 milliard d'habitants − dont près de 15 % de confession musulmane, que son fidèle et sulfureux second, le ministre de l'Intérieur Amit Shah, n'hésite pas à qualifier de "termites"…
Double langage
Quels sont le parcours, la stratégie et les valeurs de cet animal politique septuagénaire champion des réseaux sociaux et du double langage, qui se pose tour à tour en gourou pacifiste et en chef de guerre brutal ? Quelles sont les bases et les limites de son pouvoir ? De sa formation au sein de la milice ultranationaliste du RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh, ou "Organisation volontaire nationale") à son adoubement sur la scène internationale, par le biais de l'alliance "Indopacifique" destinée à contrer la Chine, Sophie Lepault décrypte l'homme et son projet, grâce à des archives et des témoignages également éloquents. Un chemin qui passe par le "laboratoire" du Gujarat, l'État où il est né et où, de 2001 à 2014, il a forgé les bases de son programme, entre ultralibéralisme économique et ciblage des minorités. Une enquête en forme de portrait, aussi nuancée que documentée, avec, entre autres, l'écrivaine Arundhati Roy, l'anthropologue Mukulika Banerjee, le politiste Christophe Jaffrelot (L'Inde de Modi : démocratie ethnique et national-populisme, Fayard), le journaliste Kapil Komireddi, qui a publié au Royaume-Uni et en Inde un livre dénonçant la "République malveillante" du BJP, ou encore le biographe de Modi, Nilanjan Mukhopadhyay (Narendra Modi: The Man, The Times).
https://www.arte.tv/fr/videos/091090-000-A/la-nouvelle-puissance-indienne-le-monde-selon-modi/
Écrit par : Allusion | 08/03/2021
Répondre à ce commentaireÉcrire un commentaire