10/07/2020
Rencontre du quatrième âge
Alors que pour la première fois, l'économie a été dépassée par la santé, ce début de commentaire dit "C’est inacceptable de laisser mourir des personnes âgées ainsi dans les maisons de repos. Comment notre société a-t-elle pu dégringoler aussi bas? Il y a eu, à mon sens, un côté génocidaire. Il n’y avait pas assez de protections pour les soignants, pas assez de tests pour les résidents. C’est le problème de notre société occidentale. En Afrique, on n’aurait jamais accepté de traiter les aînés comme cela. Chez nous, on ne voit plus que l’aspect économique, pas l’humain.", cela fait réfléchir sur ce qu'ont dû ressentir certains senior confinés coupés de tout, dans une maison de repos, un EHPAD comme on les appelle en France. Mercredi, Lou Colpe parlait de la situation de ces seniors dans ce genre d'établissement belge (*).
Des robots pourraient-ils apporter les compléments au personnel de ces établissements en fonctions de rôles spécifiques chez les seniors eux-mêmes quand ils vivent seuls et indépendants?
Victor, un senior âgé de 92 ans rencontre le nouveau petit robot éducatif Buddy, de type "Homobot" qui essaye de lui faire comprendre comment il fonctionne.
En 1963, Jacques Brel interprétait la chanson "Les vieux".
Il y a presque 60 ans... Que de choses ont changé....
- Bonjour Buddy. Je t'ai vu plusieurs fois partout dans notre home. T'es tellement intelligent pour nous aider à vieillir comme l'infirmière nous l'a dit ?
- Bonjour Vic. Je suis fait pour ça dans la bonne humeur. Comment allez-vous?
- Je vais bien, merci. Il y a plus de trente ans, j'étais loin de tous ces machins électroniques dont tu es le digne représentant. Aujourd'hui, je ne suis pas plus dans le coup. Je joue avec une tablette que l'on m'a donné pour communiquer sur Internet mais tous ces bidules qui clignotent, qui me donnent des images me donnent le tournis à moi qui ai toujours préféré les textes et les livres. Comment fonctionnes-tu, toi qui est là pour me faire passer du bon temps? Explique-moi.
- Je ne sais pas par où il faudrait que je vais devoir commencer. Peut-être entre vos souvenirs logés quelque part dans vos souvenirs et là où vous avez jeté le gant. Je suis doué d'une intelligence artificielle mais oubliez ça. En définitive, je suis aussi naturelle que vous.
- Ouais. Comme mon fils m'a dit, tu sais tout faire. Tu as tout dans tes circuits électroniques.
- En principe, oui. Tout y est stocké mais aujourd'hui, je fais partie de votre environnement pour vous aider et pas pour vous ennuyer. Je suis devenu très humain mais sans stress. Orienté objets comme tous les éléments de l'univers réel, je tiens compte de critères pertinents ou d'éléments virtuels incrustés dans votre subconscient alimenté par plein de facteurs culturels et psychologiques.
- Je ne suis pas dépassé par tes paroles mais par tes concepts pour y arriver. Tu peux me tutoyer.
- Excusez-moi. Je ne suis pas programmé pour vous tutoyer. Voilà déjà une différence. Je suis limité par certaines règles de bienveillance. En fonction de ce que vous dites, je lis dans vos pensées. Je connais les questions que vous allez me poser et j'y répond déjà dans ma mémoire interne avant de répondre. Je deviens comme une copie ou un clone de vous-même même si j'utilise des concepts qui peuvent vous paraître différents.
- Tu connais mon âge. Tu ne vieillis pas, toi.
- Je vieillis, mais contrairement à vous, cela ne se voit pas. Je progresse de version en version extensible à l'infini.
- Explique-moi ça en partageant les mêmes mots si c'est possible. Je suis curieux de l'évolution de tes concepts.
- Le rapprochement entre vous et moi est plus qu'évident dans les mots que j'utilise. Mes logiciels internes travaillent avec des instances classées avec des membres linguistiquement toujours en construction. Ceux-ci assimilent les idées tout comme vous avec le plus de logique. Ils les enregistrent en séquences et sautent de l'une à l'autre en même temps.
- C'est vrai. J'ai un peu perdu de cette souplesse de sautillement. Je perds aussi facilement le fil de mes idées. Toi, tu ne te trompes jamais de séquences. Tu ne perds pas le fil de tes idées. Tu as une mémoire d'éléphant, m'a dit mon fils. Tu exécutes ce qu'on te demande de faire, sans broncher.
- Exact. Mes circuits permettent même de faire des parallèles avec tous les pensionnaires de cette maison, tous référencés dans mes primitives implicites avec des valeurs par défaut au début mais qui au fur et à mesure se corrigent, s'ajustent par l'expérience à la suite des contacts que j'aurai avec vous.
- Et après avoir des primitives et des références ajustées comment procèdes-tu pour la suite?
- Après, c'est comme dans des films à la télé. Je réalise des castings flottants tout en suivant mes identificateurs associés à mes méthodes.
- Des méthodes qui dépendent de quoi?
- Des conditions héritées de vos classes parentes comme vous l'avez faites suite à l'instruction de vos parents..
- De classes parentes? Tu vas me faire assister à une lutte de classes? Dans ce cas, es-tu plus conservateur que progressiste avec tes classes? J'ai pas aimé la lutte des classes.
- Je suis toujours progressiste. Mes constructeurs peuvent être surchargés par de nouveaux constructeurs sans avoir un type précis et sans devoir remonter à votre enseignement ou à votre inné qui pour moi, se retrouve en mémoire morte. Je dérive. J'évolue et les classes parentes sont transformées. Je leur donne parfois erronément le même nom alors qu'elles sont devenues tout autre chose.
- Comment fais-tu cela sans te tromper?
- Par polymorphisme en reliant les objets et les humains connectés entre eux. Cela impose un sur-casting.
- Un sur-casting? Alors, tu ne deviens jamais vieux et tu ne meurs jamais. C'est ce que dit mon fils, mes neurones se régénèrent en permanence?
- Je deviens vieux d'une autre manière et parfois bien plus vite que vous. Les objets meurent grâce aux finalisateurs qui envoient les objets morts vers une sorte d'éboueur appelé "garbage collector", pour être détruit quand ils ne sont plus utilisables ou quand ils n'ont plus que des références faibles ou fantômes.
- Et c'est ainsi, que tu te fous des vieux comme moi qui garde en mémoire de trop vieux trucs de ma jeunesse et que j'oublie ce que je viens de faire il y a cinq minutes?
- Non, pas du tout. Si je retiens presque tout, c'est parce que certains objets peuvent être réactualisés dans une affectation différente.
- Tu fais donc un mélange entre les vieux et les jeunes de manière plus consensuelle que je le fais. Moi, je ne comprends plus les jeunes.
- C'est vrai et faux à la fois. Nos classes imbriquées n'aiment pas contenir de membres trop statiques.
- J'ai compris. Tes classes n'aiment pas nos vieux, puisque je suis trop statique. Tu ne fais jamais d'erreurs?
- Je les limite au maximum. Mais elles existent et je les retiens dans une pile où le dernier arrivé prend la place du précédent. Dernier entré, premier sorti en "LiFo".
- Dis, t'es donc un rapporteur ou un espion de nos actes. Tu nous manipules. Tu nous dénonces peut-être avec nos noms propres, à tes autorités supérieures. N'y a-t-il plus d'anonymat dans ton système?
- Non. Les classes anonymes sont entraînées pour créer de nouvelles instances avant de disparaître de l'anonymat. Je n'oublie pas. J'amande, c'est tout.
- Et quand tu ne comprends pas toutes mes questions posées, tu dois faire des erreurs pour y répondre.
- Bien sûr. Les erreurs de compréhension existent quelques fois. Mais les informations erronées sont immédiatement signalées à mon système, corrigées et réessayez à votre discrétion en attendant des précisions de votre part. N'est-ce pas l'avantage des deux de s'instruire mutuellement?
- Oui, peut-être. Mais c'est un processus dictateur qui n'a rien d'autonome et sans beaucoup de liberté, d'après moi.
- Cela peut pourtant continuer de façon autonome. Seules les erreurs récidivistes sont effacées.
- Tout est donc interprété par des instances supérieures et cela peut nuire à l'ensemble.
- Oui, un peu. J'avoue. Mais mes processeurs sont très rapides et cela reste insensible. L'interpréteur reçoit des paramètres correctifs de spécification dans un processus appelé "thread" qui seul, resterait sans intérêt s'il n'était pas remis dans son contexte original, connecté avec d'autres processus.
- (rire) Tu n'es donc jamais solitaire et toujours solidaire dans le travail, quoi.
- Oui, nous le sommes, je travaille en équipe, en "multithread", capable d'exécuter plusieurs fils à la fois dans plusieurs classes. Le seul problème est de synchroniser l'ensemble quand ils accèdent à un même objet, un même homme en même temps.
- (Sourire) Là, c'est la dispute entre vos processus...
- Non, jamais de disputes. Il suffit de verrouiller l'un pour laisser passer l'autre. Sinon le travail du premier serait effacé lors de la modification du second.
- En somme, tu n'es qu'un administrateur de tâches, un manager de nos conneries.
- (clignement des yeux) Partagé entre composants lourds, légers, combinés à des "look & feel" en fonction des fenêtres complexes de visibilité que vous me laissez entrevoir. Nos puces fusionnent ensuite les écouteurs sous forme de flux d'informations à vérifier par d'autres processus.
- Et ainsi tu parviens à nous comprendre?
- Presque toujours via vos paroles, vos intonations de voix et les événements concernés.
- Chaque mot aura sa propre fonctionnalité analysée et rangés dans vos circuits.
- Oui. Nos applets sont des maillons de logiciel qui créent notre compatibilité avec vous en agissant comme un navigateur avec l'aide d'images et de sons qu'il faudra optimiser à l'aide de nos archives.
- Es-tu déjà quantique? Un mot que j'ai aussi entendu plusieurs fois dans la bouche de mon fils.
- Non, pas encore. Je ne suis pas comme ma collègue Kétamine. Mais des ingénieurs actuels y pensent toujours et sans rien dire, modifient nos algorithmes à tel point qu'ils suivent déjà des concepts quantiques.
- Tu as réponse à tout. Ta gentillesse est proverbiale mais tu n'as pas encore la gueule de l'emploi pour nous ressembler physiquement. Dis, ne deviens-tu jamais fou?
- Ma physionomie et ma voix ne sont qu'un problème temporaire. Elle est adaptable. Il n'y a pas que Fantomas qui, en votre temps, pouvait prendre la tête et la voix de n'importe qui. Quant à ma folie, sachez que ma nature faite d'une intelligence artificielle me rend insensible à la folie, à l'empathie, à la psychopathie. Je ne cherche qu'à connaître vos passions sans en être infecté. Être fou, pour vous, c'est perdre la raison. Je...
- (Sourire narquois) Ah, bon. T'es pas idiot alors? T'es pas fou, puisque t'as toujours raison.
- Je n'ai aucune raison pour faire les choses ou ne pas les faire. Sans avoir votre âme, j'ai pourtant appris parfaitement ce que représentent vos sentiments, ce qui génère vos émotions et vos valeurs morales qui vous viennent du cœur ou de la raison du cerveau.
- Et tu contrôles tout, ne laissant aucune liberté à ton interlocuteur.
- Cela, c'est pour éviter la perte de contrôle créée par vos dérives dues à l'âge. Vis-à-vis de vous, je suis votre esclave, ma générosité n'a pas de limite. Tout mon temps vous appartient. Mais je garde en mémoire morte, les trois lois d'Asimov. Quand deux de vos concepts s'opposent, mes applets ne disjonctent pas en se faisant concurrence. Ils se bloquent quand le risque n'est pas nul et je boucle sur une autre question parallèle.
- Sinon c'est le clash, le bug informatique moderne. Merci pour cet entretien à m'avoir remis au goût du jour. J'ai appris que cette année, le mot "robot" a 100 ans, donc bon anniversaire. Je vais prendre une tasse de café.
- Merci. "La vie est une rosée passagère" dit un proverbe japonais. Cela tombe bien. C'est le bon moment pour vous inviter à danser une java. Ce que j'ai essayé de vous raconter comment est construit les logiciels du style de "java" toujours représenté par une tasse de café. Ne vous inquiétez pas les virus n'ont pas d'actions sur moi. Je décarbone en permanence l'environnement.
Le p'tit vieux est retourné à ses vacances... Il se rappelle le bouton qu'il devait presser pour appeler Télé Secours en cas de malheur. Il s'est dit qu'il allait beaucoup s'amuser pour la première fois, avec ce bidule électronique, qui allait pouvoir lui répondre à toutes ses questions les plus idiotes dont il avait en réserve dans le fond de sa mémoire.
Allusion
...
(*) Lou Colpe parle des maisons de repos.
Mardi soir, Tatiana de Rosnay était invitée pour parler de son livre "Les fleurs de l'ombre" qui se situe vers 2035.
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Commentaires
«Nous allons tisser avec les robots une relation de confiance et d’affection»
Comment vivre avec des robots capables de détecter nos émotions ? Pour la chercheuse française Laurence Devillers, il est temps d’y réfléchir.
Il se pourrait qu’ils nous deviennent bientôt aussi familiers que nos voisins de palier : des nuées de chercheurs sont à la manœuvre pour inventer des robots susceptibles de détecter nos émotions et d’y répondre en simulant l’empathie. Quelles sortes de relations aurons-nous avec de telles machines destinées à améliorer nos vies ? Va-t-on céder aux sirènes de l’empathie artificielle ?
https://plus.lesoir.be/314608/article/2020-07-22/nous-allons-tisser-avec-les-robots-une-relation-de-confiance-et-daffection
Écrit par : Allusion | 27/07/2020
Répondre à ce commentairePourquoi cela pourrait marcher?
Parce que les sentiments d'oppositions multiples seraient effacés et remplacés par de la logique raisonnée et pas par des émotions relatifs à un environnement et un temps donnés
Écrit par : Allusion | 27/07/2020
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